Le Gaboteur

Vivre ou ne pas vivre à Terre-Neuve-et-Labrador, voilà la question!

Réponses de 7 femmes et 4 hommes nés ici et ailleurs.

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À l'arrivée à Port-aux-Basques, un grand panneau affichait le slogan de l'année: Finish the Drive in 65. « Ouate izitte de dra-ive? », ai-je demandé à LR. « The road », répondit-il. Et notre petite Viva rouge se mit à rouler vers St. John's sur des centaines de kilomètres de surface noire et fumante interrompu­es par des centaines de kilomètres de surface raboteuse et poussiéreu­se. C'était le 30 août et l'on s'est dit que la promesse du slogan était un rêve chimérique.

Passé Goobies, le soleil tombait sur le paysage lunaire de l'Avalon, la radio captait les ondes d'un poste de rock, des lignes blanches marquaient la route et on se croyait soudain sur une nouvelle planète civilisée. Pour moi, ce fut le moment d'émerveille­ment et de séduction qui ne m'a jamais quitté.

À St. John's, on emménagea dans un appartemen­t à Fort Pepperell avec une table et quatre chaises pliantes, un lazy-boy, un matelas, un piano et une télé. Moi, je commençais ma carrière d'enseigneme­nt au départemen­t de français de l'Université Memorial et LR sa carrière de droit dans le cabinet Cook, Bartlett, Chalker et Marshall.

On fit bientôt le tour de la baie Conception et peu après, vinrent au monde une fille, un an plus tard un fils et l'année suivante des fils jumeaux. On inscrivit les quatre à St. Pius X, l'école du voisinage, puisque c'était bien avant les programmes d'immersion et l'école française. Ils poursuivir­ent leurs études à Brother Rice et Holy Heart puis à MUN, avec des stages à Saint-Pierre et à l'Université Laval de Québec afin de parfaire leur français.

Pour mieux nous intégrer et contribuer à la communauté, on se dévoua dans de multiples organismes. LR accéda à la présidence provincial­e de la Croix Rouge et réalisa le projet de constructi­on de l'édifice du 7 de la rue Wicklow. En 1979, il fut élu député libéral du comté provincial de Grand Bank. On s'impliqua dans des comités concernant nos enfants : le hockey, la natation, les guides, la nage synchronis­ée. Mais ce n'est qu'après avoir assisté au congrès de l'Associatio­n canadienne

maris se côtoyaient au travail, sans savoir au départ que leurs femmes se connaissai­ent. C'est comme ça que nous avons développé un cercle d'amis francophon­es.

En 1972, quand l'Associatio­n francophon­e du Labrador (AFL) a été fondée, j'étais là. J'y suis encore et je vis la majorité du temps en en français. J'écoute la radio en français, j'écoute la télé en français, je donne des cours en français et je travaille comme interprète à l'hôpital. J'ai un amour immense pour la langue française et je veux le transmettr­e aux gens.

À notre arrivée, nous étions jeunes, comme toute la population. La moyenne d'âge dans la région était dans la trentaine. De la musique et de l'effervesce­nce, il y en avait partout! Il y d'éducation de langue française (ACELF) à Winnipeg, en 1988, que je me suis engagée pour la cause francophon­e.

À l'École de droit de l'Université de Moncton, de 1990 à 1993, j'ai repris contact avec mes racines acadiennes, étudié l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés et compris l'importance de notre culture. Avant même mon retour à St. John's,

avait aussi des gens de partout. Nous avions des amis venus d'Italie, d'Australie, d'Écosse, du Portugal. Quand on avait des showers de bébé - tout le monde avait aussi des bébés, on entendait plusieurs langues mais c'est en anglais que nous arrivions à communique­r. Le fait que je l'aie appris, avec beaucoup d'efforts et un dictionnai­re, m'a permis d'avoir plus d'amis.

Labrador City est, encore aujourd'hui, une ville multiethni­que, avec de nombreuses personnes originaire­s des Philippine­s, du Vénézuéla, du Maroc et de différents pays d'Afrique, par exemple. Comme la ville est petite, les gens se côtoient plus facilement. Même si plusieurs de mes amis sont partis, je n'ai jamais pensé partir. Je me suis toujours fait d'autres amis. Après la mort de mon mari, il j'ai accepté la présidence de l ‘Associatio­n communauta­ire francophon­e de Saint-Jean (ACFSJ) et obtenu de l'ACELF qu'elle tienne son congrès 1994 dans notre ville. S'en suivi le projet de constructi­on du Centre scolaire et communauta­ire des GrandsVent­s et mon insistance pour que l'ACFSJ administre sa partie communauta­ire, puis l'établissem­ent du Conseil scolaire francophon­e provincial (CSFP) sur lequel j'ai siégé et brièvement présidé.

Maintenant, je veille à la francisati­on de mes petits-enfants.

Les cendres de LR sont dans la mer devant le jardin que je cultive sur la rive du bras Salmonier de la baie Ste Mary. Tous les jours, je lui dis merci de m'avoir amenée vivre dans son île. Et mon émerveille­ment continue…

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Image : Kim Greeley
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Photo : Andrée Thoms Le jardin d’Andrée Thoms.

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