Le Gaboteur

BATAILLES ET PAIX AU DODO!

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INCURSION DANS LES DéfiS DU sommeil pour les bébés, les petits et leurs parents, avec espoirs en vue

Après sept mois de privation de sommeil parce que leur bébé ne dormait pas, Hilary Cole et son conjoint ont décidé de faire appel à une consultant­e en sommeil. Ça a été « miraculeux », raconte-t-elle : en une semaine, leur fille a commencé à faire des nuits de 12 heures sans se réveiller! Convaincue, Hilary Cole, qui habitait alors Vancouver, s’est à son tour formée pour devenir endormeuse de bébé. Et pour le plus grands bonheur des parents d’ici, elle vient de se réinstalle­r à Terre-Neuve, sa province d’origine, et propose ses services en anglais et en français.

Y a-t-il un secret pour faire dormir les bébés?

Il faut donner la possibilit­é au bébé d'apprendre à s'endormir. Tout être humain doit apprendre comment s'endormir de manière indépendan­te. Pour ce faire, les bébés doivent développer leur propre stratégie interne plutôt que de s'appuyer sur une aide extérieure comme le sein de la maman, la suce, le mouvement de la poussette, le bruit de la voiture, le bercement, etc.

Environ 20 % des bébés trouvent naturellem­ent leur propre méthode pour s'endormir. Les 80 % restants, par contre, s'habituent à avoir besoin d'un élément extérieur. C'est comme si un programme dans leur cerveau leur disait : tu as besoin de la suce, du sein ou de mouvement pour dormir. Le problème, c'est que quand ils se réveillent la nuit et que cette aide extérieure n'est pas disponible, ils sont incapables de se rendormir par eux-mêmes et ils pleurent.

De ce fait, il est souvent difficile pour les parents de supprimer cette aide extérieure. Alors je leur fournis un plan qui leur explique comment procéder.

En quoi consiste ce plan pour le sommeil de l’enfant?

J'utilise la méthode Sleep Sense, qui est une méthode plus empathique que la méthode traditionn­elle qui consiste à laisser pleurer le bébé jusqu'à ce qu'il s'endorme. La méthode consiste à supprimer progressiv­ement toute aide extérieure, afin que le bébé découvre comment s'endormir seul et parvienne aussi à se rendormir quand il se réveille pendant la nuit.

Pour un bébé, apprendre à dormir c'est un peu comme apprendre à manger avec une cuillère : ça demande de la pratique. J'adapte le plan aux circonstan­ces particuliè­res des familles pour lesquelles je travaille. Mais pour qu'un bébé apprenne à dormir, il faut trois choses : un plan de sommeil, une constance absolue et un conseiller extérieur qui guide les parents. Avec cette méthode, la plupart des bébés et des enfants apprennent à faire leur nuit en une semaine.

Et ça marche toujours?

Oui, si l'enfant est en bonne santé et n'a pas de problèmes neurologiq­ues, ça marche à 99 %. Je me suis occupée d'une centaine de cas environ et je n'ai connu qu'un seul échec. Il s'agit d'un petit garçon que je n'ai pas réussi à aider. Mais chez lui, le problème était ailleurs. Il vivait une situation familiale particuliè­rement difficile.

Ma méthode fonctionne toujours parce que le sommeil est une fonction naturelle chez l'être humain, tout comme manger ou marcher. Tout le monde possède au fond de soi la capacité à dormir. Il faut simplement que les parents donnent l'occasion à leur bébé de la trouver.

Après votre fille, vous avez eu un fils. À l’époque de sa naissance, vous étiez déjà consultant­e en sommeil. A-t-il facilement appris à dormir?

Il ne faisait pas partie des 20 % qui apprennent par eux-mêmes, mais il a appris très vite à s'endormir et à faire ses nuits. Nous lui avons, dès sa naissance, donné de petites occasions de s'entraîner, et il a très vite compris. C'est une compétence qui sert pour toute la vie! Une fois qu'on a compris comment faire, le programme est enregistré dans notre cerveau.

Pour que les parents dorment bien aussi, vous recommande­z de faire dormir les bébés dans un berceau. Pourtant, le partage du lit, qu’on appelle aussi cododo en français, est une pratique très répandue de par le monde. Cela signifie-t-il que les parents du monde entier sont épuisés, ou est-ce que vous observez des différence­s culturelle­s quant au partage du lit et à la qualité du sommeil?

J'ai lu des recherches qui montraient que par exemple en Chine, où on pratique traditionn­ellement beaucoup le cododo, la plupart des mères se plaignent d'être épuisées. Donc ce n'est pas un problème limité au monde occidental. Dans beaucoup d'endroits du monde, les parents partagent leur lit avec leur bébé parce qu'ils n'ont pas d'autre choix.

Or, le manque de sommeil a un effet négatif sur la santé en général. Cela affecte aussi la patience, la mémoire, la qualité de la présence. Les mamans doivent prendre soin d'ellesmêmes pour le bien-être de leurs enfants et, en cela, la qualité de leur sommeil est importante.

Les parents devraient-ils faire plus attention à leur propre sommeil?

Je suis fascinée par le sommeil et je trouve que dans notre culture, nous ne donnons pas au sommeil la valeur et les honneurs qu'il faudrait. On donne bien plus de valeur au travail. Alors, quand on ajoute encore l'effet des écrans à l'équation, on crée une société en manque de sommeil. Si l'on regarde en détail, on réalise que beaucoup des grandes catastroph­es de ce monde sont liées à un manque de sommeil de la part des personnes responsabl­es.

Les adultes ont besoin de sept à neuf heures de sommeil ininterrom­pu par nuit. Si l'on dort constammen­t moins de 6 heures par nuit, cela équivaut, en termes physiologi­ques, à avoir de l'alcool dans le sang. Imaginez que vous vous occupez de vos enfants en étant saoul! Le manque de sommeil est relié à une longue liste de maladies, pour ne pas mentionner, simplement, ce qu'on appelle en anglais le « mommy brain », cet état vaseux dans lequel se trouvent beaucoup de mamans en manque de sommeil. Quand ma fille, à l'âge de sept mois, a fait ses nuits et que j'ai recommencé à dormir moi aussi, j'ai vu la différence : le brouillard dans lequel je vivais s'est éclairci!

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Photo : iStock
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