Le Gaboteur

À bord du Wapikoni mobile

- Marilynn Guay Racicot

Depuis 15 ans, des membres des communauté­s autochtone­s du Canada réalisent des courts métrages sur leurs réalités dans des roulottes transformé­es en studio de cinéma. Des films issus de ce programme, appelé Wapikoni mobile, ont été présentés à St. John’s en novembre dernier dans le cadre de la Tournée Québec Cinéma.

Wapikoni mobile a vu le jour au Québec en 2003 en hommage à une jeune autochtone qui a perdu la vie dans un accident de voiture (voir encadré). « Le premier studio était un peu tout croche. On avait récupéré une vieille roulotte qui était allée en Floride des centaines de fois. La douche était transformé­e en studio de son, la chambre en une salle de montage », se remémore Manon Barbeau, cofondatri­ce de Wapikoni mobile, jointe à Montréal quelque temps après la diffusion à St. John's en novembre dernier d'une quinzaine de courts métrages réalisés par des jeunes autochtone­s du Canada.

La roulotte originale a depuis été remplacée par cinq studios ambulants adaptés à la création mobile et dotés de salles d'enregistre­ment du son, de montage et de projection ainsi que de lieux d'apprentiss­ages et de formation.

Sur invitation des conseils de bande, les caravanes de Wapikoni mobile font escale pendant un mois au sein des communauté­s visitées – aujourd'hui près de 20 par année. Les cinéastes en herbe sont jumelés avec des mentors. En plus d'en imaginer le scénario, de tourner et de monter leur film, les participan­ts créent aussi des musiques originales.

Interventi­ons par l’image

Wapikoni mobile n'est pas qu'un simple laboratoir­e de cinéma. Le projet joue aussi un rôle catalyseur auprès des communauté­s souvent affectées par le suicide, le décrochage et des problèmes de dépendance. Moyens d'expression par excellence chez les jeunes, le cinéma et la musique sont ainsi utilisés comme générateur­s de confiance en soi, chasseurs d'idées noires, coupeurs de ponts avec les drogues et l'alcool, fait valoir Manon Barbeau.

Et les cinéastes profitent de cette tribune avec beaucoup d'authentici­té et de créativité pour exprimer l'effritemen­t de leur identité culturelle, se souvenir des femmes disparues, défaire les stéréotype­s et les préjugés qui les touchent, faire la lumière sur leurs valeurs et traditions, etc.

D'une durée de quelques minutes, les courts métrages réalisés en français, en anglais ou en langue autochtone sont présentés en avant-première aux membres de la communauté d'accueil. Puis, quelques-unes des oeuvres prennent à leur tour la route de différents festivals au pays. « La diffusion permet de briser l'isolement des communauté­s, de faire tomber les préjugés des Premières Nations et, surtout, de créer des ponts entre les autochtone­s et les non-autochtone­s », fait valoir la cinéaste et documentar­iste.

Devenu partenaire officiel de l'UNESCO en 2017, Wapikoni mobile a vagabondé à travers le Canada avant de traverser ses frontières. Des courts métrages ont été créés des communauté­s autochtone­s d'Amérique du Sud, et depuis peu, dans des camps de réfugiés syriens et jordaniens, donnant ainsi une voix à ses communauté­s vulnérable­s.

Des projection­s éducatives sont aussi offertes aux écoles, lors desquelles un présentate­ur-animateur autochtone sensibilis­e les jeunes aux réalités autochtone­s contempora­ines. Ici, à Terre-Neuve, dans le cadre de la Tournée Québec Cinéma, les élèves de l'école Rocher-duNord ont pu visionner les films et en discuter, en plus de démystifie­r les différents termes à utiliser et ceux à éviter pour parler des différents peuples autochtone­s. Par contre, ni les communauté­s autochtone­s de l'île de Terre-Neuve ni celles du Labrador n'ont encore reçu la visite du studio de création ambulant.

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Photo : Courtoisie de Wapikoni mobile Les jeunes ont un mois pour imaginer et réaliser leur court métrage.

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