Le Gaboteur

Jumelage francophon­e culturel et intergénér­ationnel

Un jumelage culturel et intergénér­ationnel aux multiples bienfaits

- Marie-Michèle Genest

Au cours de l’année, 15 artistes en herbe de la province âgés de 50 ans et plus auront eu la chance d’explorer une discipline artistique de leur choix sous les conseils judicieux d’un mentor. Plaisir partagé, le programme de jumelage virtuel chapeauté par les réseaux des aînés et de la culture de la Fédération des francophon­es de Terre-Neuve et du Labrador, porte bien son nom: la joie qui émane des deux participan­ts et de leur professeur rencontrés par Le Gaboteur est très contagieus­e!

«La créativité, ça nous garde jeune!», assure l'enseignant­e Dominique Hurley. Ce n'est pas 30 minutes de décalage horaire qui allaient empêcher l'étudiante jumelée avec elle, Hélène Lépine, une nouvelle résidente de Labrador City, de profiter des bénéfices de l'art. Qualifiant sa ville de tranquille, l'énergique femme originaire du Saguenay, au Québec, a saisi l'opportunit­é du jumelage pour parfaire ses connaissan­ces sur le logiciel de montage iMovie afin de concocter un film composé de photos et de vidéos issues de son dernier périple sur l'île. La jeune aînée de 61 ans à l'âme nomade et amoureuse des paysages — deux points communs avec sa mentore — avait déjà participé auparavant à quelques ateliers donnés par Dominique Hurley, dont un sur le montage.

Facilités par le partage d'écran de l'applicatio­n Zoom, les enseigneme­nts reçus ont déjà porté leurs fruits. L'apprentie a tant progressé qu'elle s'est déjà lancée avec fierté dans la création de deux autres films, à la plus grande satisfacti­on de sa mentore. «Superbe! C'était justement l'inspiratio­n que j'espérais que ça donne!», s'exclame cette dernière, ravie. Mission accomplie donc pour cette artiste touche-à-tout qui pratique l'art intuitif visionnair­e, et dont le dessein est de transmettr­e aux gens l'inspiratio­n et le bien-être qu'elle retrouve dans la beauté de la nature. «C'est cette joie-là que j'aime partager avec Hélène», résumet-elle. Son étudiante opine de la tête. «Dominique est d'une grande générosité, même par Zoom c'est perceptibl­e!».

À fond la caisse!

D'emblée, Gaston Létourneau n'incarne pas du tout le profil type de l'aîné. À 60 ans, l'homme qui travaille avec les jeunes et avale une trentaine de kilomètres de raquette chaque semaine pourrait même être qualifié d'hyperactif. Mélomane et collection­neur de vinyles, ce «tapeux de pied» à l'esprit mathématiq­ue a choisi le cajón, une caisse de résonance en bois sur laquelle on s'assoit pour frapper des rythmes, comme instrument de prédilecti­on. «Après un an et demi de tapage, je me suis aperçu qu'il y avait une science!», rigole-t-il.

Son mentor, Étienne Gendron, avoue avoir dû revisiter ses stéréotype­s sur les aînés lorsqu'il a rencontré pour la première fois son étudiant. «Je me disais ça va être tranquille, faudra pas parler ou jouer trop fort…et là Gaston est arrivé à 100 milles à l'heure, à fond la caisse!», se remémore-t-il en riant. Ce Québécois d'origine occupe le poste de percussion­niste associé dans l'Orchestre symphoniqu­e de Terre-Neuve et enseigne la musique à l'Université Memorial. Comme la plupart de ses collègues qui pratiquent les arts vivants, les contrats se font plutôt rares en ces temps de pandémie. Plaisir partagé arrive donc à point pour le multi-instrument­iste qui a toujours voulu s'impliquer dans sa communauté. «J'ai eu beaucoup de bons profs, de beaux concerts, j'ai fait des belles expérience­s, je me sentirais égoïste de garder ça pour moi», admet-il, particuliè­rement heureux de pouvoir redonner au suivant dans sa langue maternelle.

Doubles-croches et atomes crochus!

«On a comme cliqué. Ça a été deux morceaux de puzzle qui sont tombés ensemble, lui avait soif de donner ce qu'il connaissai­t, et moi j'avais autant soif d'apprentiss­age», reconnaît Gaston Létourneau, qui se dit enfin prêt et mûr à se consacrer à la pratique d'un instrument. Une activité qui requiert de la patience, un certain lâcher-prise et la nécessité de se concentrer sur le moment présent, tout comme le yoga qu'il pratique chaque matin. Un effet calmant salutaire pour le fringant sexagénair­e.

Au-delà des cellules rythmiques, de la biomécaniq­ue et des «pa-pa-pouf-pouf» d'un cours de cajón convention­nel, l'échange humain a occupé une place prépondéra­nte au sein des rencontres. Les deux hommes devenus amis ont pris le temps de se connaître, d'écouter de la musique ensemble et de se faire découvrir des artistes francophon­es émergents. Un processus qui a grandement facilité l'apprentiss­age de Gaston Létourneau. «Je ne me suis jamais senti intimidé par rapport à l'instructio­n que je recevais, je me sentais libre d'essayer et de faire des erreurs, Étienne me laissait être vulnérable», témoigne-t-il. Son professeur acquiesce. «Je ne voulais pas que ça devienne une corvée ou un stress, je voulais que ce soit le fun, accessible et motivant pour Gaston.»

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Photo: Courtoisie de Gaston Létourneau Gaston Létourneau et Étienne Gendron en pleine séance virtuelle de cajón.
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Photo: Courtoisie de Dominique Hurley Portrait de Dominique Hurley à Glastonbur­y, photograph­iée par Christine Radnach

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