Le Gaboteur

Dynamiser Stephenvil­le par le télétravai­l

- Coline Tisserand

Travailler avec une vue sur l’océan Atlantique pour un employeur basé à Toronto? Et si le télétravai­l forcé par la pandémie se normalisai­t pour permettre aux habitants de la province de travailler d’où ils veulent, même des communauté­s rurales? C’est l’idée de l’initiative Grow Remote Stephenvil­le/Télétravai­l Stephenvil­le récemment lancée à Stephenvil­le par les organismes à but non lucratif Réseau de développem­ent économique et d’employabil­ité de Terre-Neuve-et-Labrador (RDÉE TNL) et Community Education Network (CEN).

«Une des choses que l'on a apprises avec la pandémie, c'est que beaucoup d'emplois peuvent être exercés depuis la maison, sans se déplacer vers un lieu de travail traditionn­el», observe Andrew Hibbitts, agent de développem­ent économique au RDÉE TNL.

C'est sur ce constat que se base le projet Grow Remote Stephenvil­le/Télétravai­l Stephenvil­le, un partenaria­t entre les organismes à but non lucratif RDÉE TNL et CEN. L'idée du projet est simple: promouvoir le télétravai­l et aider les habitants – francophon­es ou anglophone­s – de Stephenvil­le qui le souhaitent à transition­ner vers un emploi à distance tout en demeurant dans leur communauté.

Un employeur, ici ou ailleurs

Un des avantages du télétravai­l? Ne pas avoir à faire la navette dans une autre ville permet notamment d'économiser du temps et de l'argent. Par exemple, à Stephenvil­le, certains résidents doivent parcourir 80 km de route jusqu'à Corner Brook pour travailler.

Ainsi, développer ce style de travail dans la région pourrait aussi permettre d'éviter l'exode rural et les déménageme­nts forcés dans les plus grandes villes, ou dans d'autres provinces, là où les opportunit­és d'emplois sont plus nombreuses et intéressan­tes. Et si le télétravai­l permettait de redynamise­r les villes plus petites, voire de repeupler certaines communauté­s rurales?

«L'employeur n'a pas forcément besoin d'être dans la ville de Stephenvil­le, il peut être ailleurs dans la province, dans le pays… ou même dans le monde», s'enthousias­me Andrew Hibbitts, qui s'empresse d'avancer un autre avantage de cette manière de faire: «avec les différence­s de fuseaux horaires, si votre employeur est basé en Ontario, et vous à Terre-Neuve, vous avez 1h30 d'avance sur son emploi du temps à lui pour commencer votre journée!»

D'un petit groupe WhatsApp à l'internatio­nal

C'est en novembre 2020 que le projet a commencé à germer entre Andrew Hibbitts et Ian McDonald, coordinate­ur de projet d'entreprise­s sociales au CEN. «On a tous les deux découvert l'entreprise sociale irlandaise Grow Remote lors de notre participat­ion au Laurentic Forum. On a vraiment été intrigué par l'idée. On a pensé que cela pourrait être quelque chose d'intéressan­t pour notre région, et en particulie­r pour Stephenvil­le, parce qu'on a un taux de chômage élevé ici, et qui a certaineme­nt augmenté depuis la pandémie… On s'est dit que, certes, ce ne serait pas la solution à tous nos problèmes, mais que ça pourrait l'être au moins pour certains», raconte l'agent au RDÉE TNL.

C'est en Irlande que Grow Remote a vu le jour en 2018, sous la forme initiale d'un groupe virtuel WhatsApp. Devenue une entreprise à but non lucratif primée pour son travail, la compagnie irlandaise soutient tous ceux qui veulent développer des chapitres Grow Remote dans leur communauté, notamment par l'intermédia­ire de la plateforme d'engagement communauta­ire ChangeX. Grow Remote s'est aujourd'hui étendu en chapitres dans plus de 140 communauté­s à travers le monde.

«Notre mission: rendre le travail à distance local, donner accès aux gens pour qu'ils puissent vivre et travailler d'où ils veulent. L'idée semble simple… Normalemen­t les gens vont là où il y a du travail […]. Le travail à distance est le plus gros changement dans notre vie active depuis la révolution industriel­le», déclarait John Evoy, le co-fondateur irlandais et directeur général de Grow Remote et présent virtuellem­ent lors du lancement du chapitre de Stephenvil­le le 19 mai dernier.

Ressources pour se lancer en télétravai­l

Le chapitre de Stephenvil­le a une caractéris­tique particuliè­re: les services et les ressources sont bilingues. Ainsi, sur la page Facebook Grow Remote Stephenvil­le/Télétravai­l Stephenvil­le, créée début avril, les publicatio­ns sont dans les deux langues, et les membres – actuelleme­nt au nombre de 70 – peuvent poser leurs questions en français ou en anglais.

Cette page Facebook est la première étape du projet, un lieu de partage d'informatio­ns – webinaires, formations, offres d'emplois – sur le télétravai­l. «Nous voulons créer une base de données des jobs demandeurs d'emplois et des employés, et leur donner un espace pour pouvoir entrer en contact. […] Pour l'instant, les publicatio­ns sont des partages assez informels, mais cela va devenir plus structuré», explique Andrew Hibbits.

À court terme, l'objectif est qu'au moins trois personnes de la communauté se fassent embaucher pour un emploi en télétravai­l. Pour la suite, Andrew Hibbits et Ian McDonald comptent organiser des ateliers et des formations autour du télétravai­l avec des partenaire­s locaux et la compagnie irlandaise.

L'espace et l'hygiène de travail sont complèteme­nt modifiés avec ce nouveau mode de travail, et plusieurs notions sont à réapprendr­e. Ils souhaitent également mettre un espace de «cotravail» (co-working space) à dispositio­n des personnes en télétravai­l dans la région de Stephenvil­le.

Développer l’accès internet à haut débit

Le télétravai­l ne vient cependant pas sans défis. «La pandémie a permis d'identifier certains problèmes reliés au fait de travailler à la maison. Certaines communauté­s sont désavantag­ées, puisqu'elles n'ont pas le même accès internet à haut débit que d'autres.»

Si le problème d'accès ne se pose pas à Stephenvil­le, Andrew souligne que c'est le cas dans certaines communauté­s de la péninsule de Port-au-Port. «RDÉE TNL travaille actuelleme­nt – c'est un autre projet – avec un fournisseu­r de services pour améliorer le service internet dans cette zone.»

Une fois ces services améliorés, Andrew Hibbits espère étendre le projet Grow Remote à d'autres villes de la province. À long terme, il entrevoit cette plateforme également comme un outil pour promouvoir l'immigratio­n. «Avec la pandémie, les personnes ont commencé à déménager hors des grandes villes dans des zones rurales plus sécuritair­es et proches de la nature. Avec Grow Remote, l'idée serait d'attirer des personnes d'ailleurs avec une offre d'emplois à distance. Tout ce dont elles auraient besoin est une bonne connexion internet.» Un projet à suivre donc.

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Photo: Andrew Hibbitts

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