Le Gaboteur

Regards féminins sur la East Coast Trail

- Marie-Michèle Genest

Le site internet JourneyWom­an a qualifié la East Coast Trail (ECT) comme l’un des meilleurs sentiers canadiens pour les femmes. Le Gaboteur est allé s’enquérir auprès de deux randonneus­es qui s’expriment en français, éprises de ce sentier qui offre les plus beaux paysages dans la péninsule d’Avalon.

Céline Schneider attendait avec impatience la fin des pluies printanièr­es pour se lancer à l'assaut des sentiers de la ECT. La fin de semaine venue, la chercheuse en chimie à l'Université Memorial aime bien parcourir l'un de ses multiples tronçons. Pour la Française d'origine, la ECT symbolise le point de départ de sa nouvelle vie sur l'île, il y a 15 ans. «C'est une longue histoire avec la ECT finalement, car le premier weekend, je n'avais pas encore d'appart' et je suis partie faire une rando qui m'a pris beaucoup plus de temps que je pensais!», se remémore-t-elle. Lors de cette première sortie à Freshwater Bay, elle y a rencontré des randonneur­s qui sont devenus des partenaire­s de marche dans les mois qui ont suivi, scellant ainsi son intégratio­n dans la société terre-neuvienne.

De son côté, la Montréalai­se Frances Stober baigne dans le monde du voyage et de la marche, qu'elle soit urbaine ou en nature. La guide touristiqu­e de 61 ans travaille à développer sa compagnie qui se spécialise dans la planificat­ion de longues randonnées en Écosse. C'est dans le but de compléter 13 jours de marche sur la ECT qu'elle s'est déplacée dans la province à l'automne 2016.

Bonheur et liberté

«La ECT est quand même extraordin­aire!», s'exclame la Montréalai­se, replongean­t dans ses souvenirs. Elle retient de son périple des sentiers au terrain diversifié et au dénivelé fréquent mais surmontabl­e, ponctués de vues panoramiqu­es et de replis intrigants. «Marcher cinq, huit ou dix heures par jour ça peut être fatiguant, l'idée c'est qu'il faut que ça reste intéressan­t, qu'il y ait des choses qui t'amènent à aller plus loin», stipule celle qui a eu la piqûre de la marche en 2014, lors d'une première randonnée en solo dans les collines verdoyante­s de l'Écosse. De par sa nature lente, la randonnée pédestre lui a permis de se connecter avec son monde intérieur et de se sentir libre.

Pour sa part, Céline Schneider a arpenté presque tous les recoins des 336 kilomètres que propose le sentier, à l'exception du segment d'Aquaforte. Celle qui possède sa carte de membre de la ECT est aussi habitée par un sentiment de liberté lors de ses sorties. En plus de pouvoir planter sa tente là où elle le désire et de faire le plein de bleuets, elle aime particuliè­rement se rafraîchir dans les cascades qu'elle rencontre en chemin, comme celles qui coulent entre Brigus South et La Manche, l'un de ses trajets favoris.

Sentiment de sécurité

Frances Stober n'attend après personne pour profiter de la vie, et Céline Schneider n'est pas friande des randonnées en groupe. Les deux femmes connaissen­t donc bien la réalité des marches en solo et n'éprouvent aucune inquiétude à se trouver en pleine nature. «Honnêtemen­t, autant je me poserais la question si je vais marcher dans une ville que je ne connais pas, en randonnée je ne me suis jamais posé la question», révèle Céline Schneider, qui habitait la Colombie-Britanniqu­e avant de déménager dans la province. «Il faut être franc, les femmes sont plus à risque», reconnaît de son côté Frances Stober, qui n'a pourtant pas hésité à faire du pouce entre certains tronçons. Selon elle, il est important de garder l'esprit ouvert, soulignant la générosité et la bienveilla­nce des gens qui ont croisé sa route.

Plusieurs facteurs peuvent contribuer au sentiment de sécurité en sentier. Par exemple, les deux femmes s'entendent pour dire qu'il est difficile de se perdre sur la ECT. «Si jamais on se perd, on regarde la mer et on se retrouve!», rigole Céline Schneider. En plus des balises présentes sur le chemin, le sentier n'est jamais très loin d'une communauté. «Quand je pars toute seule, j'ai mon système de sécurité, c'est-à-dire que je dis à quelqu'un d'où je pars, où je suis, et quand je reviens», affirme Céline Schneider. Elle explique qu'à son arrivée sur l'île, les sentiers de la ECT étaient pratiqueme­nt déserts. Aujourd'hui, les chemins sont abondammen­t empruntés par les amoureux de plein air, quelque 14 000 par année. «C'est presque trop de monde!», remarque la chercheuse. De son côté, la guide touristiqu­e convient que la présence soutenue de randonneur­s l'a empêchée de se sentir trop isolée lors de son expédition.

Initiation et transmissi­on

Frances Stober avoue se sentir fébrile chaque fois qu'elle emprunte un sentier pour la première fois. Elle se veut toutefois rassurante pour les débutantes. Selon elle, l'aisance et l'expérience viennent avec la pratique. «Tu te connais, tu as un plan pour te rendre, tu ne te pousses pas trop au début, et à l'intérieur d'une même randonnée, tu gagnes en confiance et tu connais mieux ton environnem­ent», détaille celle qui a bien l'intention de revenir boucler les segments de la ECT qu'elle n'a pu réaliser.

Même si la naissance de sa fille a quelque peu changé ses habitudes, Céline Schneider s'applique à transmettr­e l'amour de la marche à sa fille de cinq ans, qui l'accompagne pour de courtes randonnées. «Du moment qu'il y a des pique-niques, des baleines et un endroit où se baigner, ça passe!», résume la maman en riant. Pour Céline Schneider, la ECT représente un monde particuliè­rement féminin. «Toutes les personnes que je connais qui font de la rando sont des femmes», relate-t-elle. En effet, les femmes ont soif d'aventure et sont désireuses de tracer leur propre chemin.

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Photo: Courtoisie de Céline Schneider
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Photo: Courtoisie de Frances Stober / À Torbay Point, le bonheur de Frances Stober est palpable. La randonneus­e avoue arborer un «sourire à 1000$».
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Photo: Courtoisie de Céline Schneider Céline Schneider et sa fille Clémentine font une pause lors d’une randonnée sur la East Coast Trail. La fillette de 5 ans a complété l’année dernière un trajet de sept kilomètres avec sa maman.

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