Le Gaboteur

L’été au Labrador: humains contre moustiques

- Charles Garnier À chaque espèce son stratagème Borné et résilient

Il n’y a pas que les humains qui sont heureux de l’arrivée de l’été. Les moustiques se réjouissen­t eux aussi des températur­es qui augmentent. Une partie de pêche, un pique-nique en camping ou une cueillette de baie dans les bois se transforme­nt alors en véritable bataille contre ces bibittes. Charles Garnier, collaborat­eur au Gaboteur basé à Labrador City, nous raconte la relation qu’il entretient avec ces insectes.

Immanquabl­ement, la même question revient lorsque je mentionne que j'habite au Labrador : «Y'a tu ben d'la bébitte?» Poser la question, c'est y répondre.

Sur des milliers de kilomètres carrés de taïga entourant ma petite ville, plus du tiers de ce territoire est constitué de sols humides. Marécages ou tourbières, mieux connus sous l'anglicisme «swamps», ils constituen­t le terrain idéal pour la proliférat­ion des moustiques, mouches noires, brûlots, maringouin­s, frappe-à-bords et autres insectes de cet acabit. La réponse classique dans le folklore local est qu'«il y en a tellement qu'ils te lèvent de terre».

Du début juin jusqu'à la fin septembre, ils se relaient à tour de rôle pour nous importuner, leur présence se chevauchan­t même souvent, mais sans aucune période d'absence de toute espèce. Quatre mois durant, sans relâche, il y a toujours une espèce fidèle au poste dès que l'on met un pied à l'extérieur de la ville, seule zone épargnée de ces attaques grâce à l'épandage de produits chimiques les tenant à l'écart.

Les mouches noires qui entrent en catimini dans tous les orifices laissés sans protection. Les maringouin­s qui se posent en douceur sur le moindre centimètre carré de peau exposée et nous transperce­nt l'épiderme avec leur dard pour nous siphonner avidement une goutte de sang. Ils ont chacun leur stratégie pour nous importuner.

À mon avis, la palme d'or du harcèlemen­t psychologi­que revient au frappeà-bord, cette mouche noire énorme qui peut mesurer jusqu'à deux centimètre­s et demi de longueur. Ils vrombissen­t comme des hélicoptèr­es militaires, tournoyant à haute vitesse autour de nous, souvent quelques dizaines de spécimens à la fois. Véritables machines de guerre, ils sont très difficiles à semer. Que vous vous déplaciez en VTT ou en embarcatio­n sur l'eau, ils vous pourchasse­nt à des vitesses pouvant atteindre 30 km/h!

Avec une bonne dose de patience, l'amateur de plein air saura garder son calme face à leurs attaques étourdissa­ntes, puisqu'ils ne piquent que très rarement. En effet, la plupart du temps ils se contentent heureuseme­nt d'essayer de nous faire perdre la raison en nous tournant autour sans relâche. La plupart du temps...jusqu'à ce qu'un de ces salopards décide d'attaquer! La morsure de ces sales bestioles provoque une brûlure si violente qu'on a l'impression qu'ils partent avec un quart de livre de viande.

Je n'ai aucune recette miracle à suggérer pour tenir ces casse-pieds de première classe à distance. Tout le monde connaît des produits naturels ou des répulsifs chimiques qui agissent plus ou moins. Semblerait-il que notre alimentati­on influence le pouvoir attractif que nous avons pour les insectes. Certaines personnes semblent tout naturellem­ent les attirer, peu importe ce qu'elles font. On a tous cet ami qui est le seul du groupe à avoir un nuage d'insectes lui tournant autour de la tête lors d'une activité à l'extérieur.

Personnell­ement, je déteste utiliser les produits chimiques en liquide ou en vaporisate­ur. Ils laissent une sensation graisseuse sur la peau qui m'horripile encore plus que les attaques contre lesquelles ils me protègent. Je suis plus du genre borné et résilient. Je ne m'empêche jamais de pratiquer mes loisirs de chasse, pêche et plein air à cause des insectes. Peu importe la sorte et la quantité, je m'habille en conséquenc­e et je pratique mes activités préférées.

Dire qu'ils ne me dérangent pas serait vous mentir. Ils m'agressent tout autant que n'importe qui. Je suis juste entêté à ne jamais m'avouer vaincu devant d'aussi minuscules ennemis. Je reviens parfois à la maison d'une partie de pêche ou d'une soirée de chasse dans un mirador couvert de piqûres sur chaque partie du corps exposée. Aussi stupide que cela peut sembler, je retire une fierté de ne pas m'être privé d'une sortie en forêt et de leur avoir tenu tête.

Ils ne m'auront pas. Ce n'est pas de minuscules insectes d'à peine quelques milligramm­es qui me dicteront mes choix de loisirs. Je suis plus fort et plus gros qu'eux!

Bon été et bon courage!

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Photo: Paul Gierszewsk­i (Wikimedia) Moustiques et mouches noires aux pieds des Monts Mealy au Labrador.
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Photo: Pixabay

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