SCIENCE Les scientifiques retournent sur le terrain!
La pandémie a chamboulé l’organisation du monde entier, et la recherche scientifique n’en a pas été épargnée. Cet été, si tout va bien, les activités reprendront leur vitesse de croisière. Petit plongeon dans les aventures estivales de trois chercheurs d’expression française de l’Université Memorial (MUN).
BÉBÉS HOMARDS ET FLEURS AQUATIQUES
Chercheur scientifique au Marine Institute de MUN, Arnault Le Bris s'intéresse à l'exploitation des ressources marines vivantes. «J'ai beaucoup été attiré dès que j'ai commencé à faire pas mal d'apnée, de chasse sous-marine, de plongée, ça m'a vraiment intéressé de voir ce qui se passait en dessous de l'eau», se souvient le Français originaire de Bretagne, qui a grandi non loin de l'air salin de l'océan Atlantique. Même s'il l'a traversé il y a 12 ans pour entamer sa thèse de doctorat à MUN, c'est toujours ce même océan qui constitue son terrain de jeu.
Chose certaine, Arnault Le Bris ne chômera pas cet été. Son équipe poursuivra pour la troisième année l'échantillonnage de juvéniles de homards, c'est-àdire lorsque le crustacé se situe entre le stade larvaire et l'âge adulte. De juillet à
LA FACE CACHÉE DE L'OCÉAN
«On a cartographié les océans à 10%, donc on connaît mieux la surface de la lune et de Mars que la surface des fonds marins des océans sur Terre», admet la géologue des fonds marins Caroline Gini. Pour la Suissesse de 26 ans dont le pays d'origine n'a aucun accès direct à la mer, sonder les abysses océaniques permet de mieux comprendre l'évolution de la Terre.
La doctorante à MUN s'intéresse particulièrement aux volcans sous-marins de la dorsale médio-atlantique, au niveau des plaques tectoniques qui séparent les continents américain et européen. Comme ces dorsales océaniques reposent entre 1000 et 4000 mètres sous l'eau, leur étude requiert des équipements très sophistiqués. C'est d'ailleurs la mission qui attend la chercheuse cet été. En partenariat avec l'entreprise Kraken Robotics, située à Mount Pearl, elle participera à l'essai d'un sonar à
novembre, des casiers remplis de roches seront déposés dans la mer, entre 5 et 10 mètres de profondeur, et serviront de refuge aux bébés homards. Leur dénombrement fournira à l'industrie de la pêche des données importantes quant au nombre de homards adultes qui vivront dans les eaux terre-neuviennes dans les années à venir. «Ça va permettre d'informer l'industrie sur plusieurs choses comme l'investissement sur des licences de pêches, des bateaux, ou des usines de transformation», assure le chercheur.
Déjà, son équipe travaille main dans la main avec des pêcheurs de Port au Choix et de Stephenville, ainsi que dans les baies de Plaisance et de Fortune. Malgré leur grande expérience, les pêcheurs ne possèdent pas nécessairement la rigueur scientifique nécessaire afin de faire ces échantillonnages seuls. C'est pourquoi Arnault Le Bris et ses collègues doivent assurer une certaine présence sur les sites de recherche. D'ailleurs, les études dans la baie de StGeorge vers Stephenville pourraient être compromises puisque la région fait face
Pour la cinquième et dernière année, Arnault Le Bris s'impliquera dans la restauration des herbiers de zostères, la seule plante à fleurs aquatique vivant dans les eaux de l'Est du Canada. En plus de protéger les rochers de l'érosion et de servir de refuge aux petits poissons, cette plante a le pouvoir de capturer une quantité phénoménale de carbone dans l'air. «On pense que par mètre carré, la zostère séquestrerait de trois à cinq fois plus de carbone qu'une forêt tempérée», illustre le scientifique marin.
Dans le même but de restauration des habitats côtiers, le chercheur fera un suivi des récifs artificiels en collaboration avec Patrick Gagnon du Ocean Sciences Center. «C'est un autre projet ça, j'avais oublié!», dit-il en rigolant. Même si le métier de chercheur semble palpitant, il
UN LAISSEZ-PASSER POUR L'AMUNDSEN
Après une quarantaine obligatoire et un test négatif pour la COVID-19 en main, Eugénie Jacobsen pourra monter à bord de l'Amundsen, ce navire brise-glace de la Garde côtière qui devient le SaintGraal de la recherche scientifique en Arctique en saison estivale. La chercheuse profitera de son escale à St. John's, à la mi-juillet, pour intégrer le bateau qui la transportera jusqu'à Iqaluit, au Nunavut.
Une expérience unique pour l'étudiante qui vient d'entamer sa maîtrise au Marine Institute. «Une des raisons pour lesquelles j'ai déménagé ici, c'était pour aller sur l'Amundsen afin de passer un mois dans l'Arctique», confie la passionnée d'océanographie, visiblement honorée de compter parmi l'équipage pendant une partie du trajet. Pour accomplir son rêve, la Britanno-Colombienne de 24 ans a donc déménagé à l'autre bout du pays, lui permettant ainsi de découvrir les richesses d'un nouvel océan. haute résolution normalement utilisé dans les industries pétrolière et militaire, mais qui n'a pas encore fait ses preuves dans le domaine de la géologie.
Pour ce faire, elle prendra part à une expédition de trois semaines afin de cartographier une partie du plateau continental dans les eaux de la Nouvelle-Écosse. «Mon but, c'est de faire le lien entre ce sonar et de voir à quel point il peut être utile pour nous les géologues des fonds marins des dorsales, pour explorer et étudier les volcans ou les fumeurs noirs». Ces derniers sont des sortes de geysers abyssaux d'où s'échappe une eau sulfureuse à très haute température. «On pense que la vie sur Terre aurait pu commencer à ces endroits-là», stipule Caroline Gini.
L'aventurière scientifique n'en est pas à sa première expérience en mer. La doctorante a déjà étudié un site hydrothermal dans l'océan Arctique en compagnie de chercheurs norvégiens à l'été 2019. Son projet au large de la Nouvelle-Écosse sera le prélude à un autre périple qui se déroulera dans l'océan Atlantique en 2022, toujours avec le même sonar. L'expédition avait été repoussée d'une année en raison de la pandémie.
présentement à une recrudescence des cas de COVID-19. Il s'agit pourtant d'un site de choix en raison du nombre grandissant de homards qui y vivent.
n'en demeure pas moins un travail rigoureux. «C'est beaucoup de logistique, c'est un peu stressant», avoue-t-il. Malgré les nombreux formulaires à remplir, Arnault Le Bris espère revêtir son habit de plongée et obtenir dans la prochaine année son diplôme de plongeur scientifique.
La jeune scientifique rapportera de son expédition des poissons mésopélagiques, tels les poissons-lanternes, dont l'habitat se situe entre 200 et 1000 mètres de profondeur, pour y étudier la présence de contaminants qui se logent dans leurs muscles. «Le but est de pouvoir estimer et de prévoir les contaminants qui vont entrer dans l'océan Arctique dépendamment des espèces qui vont migrer plus au Nord, parce qu'on sait qu'elles vont migrer avec les changements climatiques», résume-t-elle. Selon la chercheuse, cette réalité aura des conséquences sur les prédateurs de ces poissons comme les baleines, les narvals et les ours polaires.
En plus de se passionner pour le monde aquatique, l'étudiante qui s'exprime dans les deux langues officielles du pays adore partager ses découvertes avec le public. La communicatrice bilingue espère ainsi avoir le feu vert pour documenter son aventure sur l'Amundsen à l'aide de petites capsules vidéo, qu'elle publiera sur les réseaux sociaux comme Tik Tok ou Instagram (@thescienceofinteresting).