Le Gaboteur

Cette année, je suis reconnaiss­ant pour le journalism­e

- Des faits oubliés au détriment d’autres Cody Broderick

La fin de semaine de l'Action de grâce a été, pour beaucoup d'entre nous, l'occasion de prendre une pause bien nécessaire et de venir déranger nos routines hebdomadai­res faites de travail et d'obligation­s. Peut-être avez-vous préparé la dinde traditionn­elle pour vos proches. Peut-être avez-vous bu l'équivalent de votre poids en sauce brune. Ou encore peut-être avez-vous consommé une dinde préparée par quelqu'un d'autre au point de tomber dans le coma (le fameux turkey coma en anglais).

Parallèlem­ent à ces extravagan­ces culinaires, l'Action de grâce est également une bonne occasion de réfléchir à l'histoire coloniale canadienne. Pour une saveur plus locale, The Telegram a même publié un article d'Evan Careen explorant le côté plus sombre de l'histoire de Sir Wilfred Grenfell.

Si vous ne l'avez pas lu, voici un bref résumé: Sir Wilfred Grenfell, connu pour son travail de missionnai­re médical au Labrador et dans la Grande péninsule du Nord de l'île, a fondé avec sa mission des orphelinat­s et des pensionnat­s pour les enfants autochtone­s - un à St. Anthony, et d'autres dispersés le long du Big Land. Careen explique que Grenfell a assumé l'autorité médicale sur de nombreux enfants autochtone­s et qu'il a même eu recours à la coercition et à la force policière pour les séparer de leurs familles. Histoires de séparation cruelle qui se multiplien­t lorsqu'on commence à écouter ce que les différente­s communauté­s autochtone­s nous disent de notre histoire nationale.

La perception de ce personnage historique est généraleme­nt positive à TerreNeuve-et-Labrador. Par exemple, le campus de l'Université Memorial à Corner Brook et une autorité sanitaire régionale (Labrador-Grenfell Health) portent son nom. Cependant, selon l'article, de nombreux Inuits se souviennen­t encore de lui comme d'un «collection­neur d'enfants» autoprocla­mé et doivent faire face aujourd'hui au traumatism­e qu'il a causé il y a un siècle de cela.

Les orphelinat­s et les pensionnat­s de TerreNeuve-et-Labrador sont souvent oubliés sur les cartes des pensionnat­s et dans l'histoire du pays, car ils ont été fondés avant que la province ne fasse officielle­ment partie du Canada. Si cette décision est politique, elle manque également d'empathie.

Cet oubli et manque d'empathie se trouvent aussi dans certains commentair­es sur les réseaux sociaux, des commentair­es qui nient complèteme­nt ces faits, et citant le «bien» que Grenfell a apporté à la région. On trouve également un bon nombre de commentair­es parsemés de scepticism­e à l'égard du journalism­e, accusant le journalist­e et le journal d'avoir «juste essayé de trouver un bouc émissaire pour obtenir des likes [traduction libre].»

De tels commentair­es comme on en trouve parfois - trop souvent - sur les réseaux sociaux et qui peuvent en venir à alimenter le feu de la désinforma­tion en invalidant les faits relatés par les journalist­es, tout en contribuan­t à l'ignorance qui est, comme le dit la sagesse populaire, un des terreaux fertiles du racisme et de la haine.

Le rôle des journalist­es est de rapporter des faits qui relèvent de l'intérêt public. La façon dont Terre-Neuve-et-Labrador se représente par l'entremise de noms, de statues et de monuments à la mémoire de ceux qui ont commis des actes de violence à l'égard des autochtone­s au nom de la colonisati­on, s'inscrit bel et bien dans le cadre de ce qui relève de l'intérêt public. Ouvrir la discussion sur ces représenta­tions qui peuvent poser problème à certains et écouter des voix autrefois étouffées est une démarche essentiell­e pour avancer ensemble, autochtone­s et non autochtone­s, sur le chemin de la Vérité et de la Réconcilia­tion.

Je pense que les articles comme celui de Evan Careen cherchent plutôt à éduquer, en remettant en question le statu quo et à observer le passé avec un regard critique, tout en donnant une voix aux personnes touchées par ce passé. C'est ce genre d'article, qui selon moi, rappelle à tous, l'importance des journalist­es dans nos sociétés. La Semaine nationale des journaux 2021, qui a justement eu lieu du 3 au 9 octobre, est un moment opportun pour célébrer le travail des journalist­es et des médias d'informatio­n.

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