Le Gaboteur

La Newfoundla­nd School for the Deaf: quelle histoire?

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Au 20e siècle, un des premiers sanatorium­s de la province a été construit sur le site où se trouve aujourd'hui le bâtiment de l'ancienne École pour les Sourds. Ce sanatorium, destiné à soigner les patients atteints de tuberculos­e, a fonctionné de 1917 à 1972. Aujourd'hui, seule une plaque historique rappelle l'existence passée de ce lieu.

Avant l'année 1964, les enfants sourds étaient scolarisés dans des écoles spécialisé­es à Montréal et à Halifax. Il n'y avait alors aucune école spécialisé­e dans la province. C'est en 1987 que la Newfoundla­nd School for the Deaf a ouvert ses portes sur le Topsail Road. Avant de déménager dans cet endroit, les professeur­s et les étudiants sourds se trouvaient notamment dans un édifice militaire près de l'aéroport de St. John's.

La NSD avait des dortoirs, mais aussi des appartemen­ts pour les étudiants plus âgés, afin d'héberger les enfants qui venaient en dehors de St. John's pendant leur scolarisat­ion. Originaire de Conne River, Mahalia Drew est arrivée en 1997 à la NSD et a vécu dans les résidences pendant 13 ans, jusqu'à sa fermeture en 2010. «J'ai tellement de souvenirs (bons et mauvais) dans ce lieu. J'y ai grandi», écrit-elle au Gaboteur.

En août 2010, la fermeture de la NSD par la province - en raison d'une absence d'inscriptio­ns pour la rentrée suivante - a été un coup dur pour la communauté sourde. La baisse d'inscriptio­ns s'explique par la mise en place en 2009 d'une initiative pour l'éducation inclusive, encouragea­nt l'inclusion progressiv­e des étudiants sourds et malentenda­nts dans les écoles publiques.

La douleur, la frustratio­n ou encore l'incompréhe­nsion de cette fermeture sont encore présentes aujourd'hui. «Nous nous sentons blessés et opprimés. […] Ils [le gouverneme­nt] ont fait cela sans consulter la communauté des sourds […]», estime l'ancienne élève Andrea Boundridge, aujourd'hui professeur­e de langue des signes américaine (ASL) à la Newfoundla­nd and Labrador Associatio­n of the Deaf (NLAD). Dans cette école, les étudiants pouvaient pratiquer quotidienn­ement l'ASL, explique-t-elle. «J'étais également déçue, parce que je savais qu'il y avait plusieurs enfants sourds dans la province qui avaient besoin d'un accès complet à l'éducation […]. J'étais en colère, triste et déçue», ajoute Mahalia Drew.

Suite à cette fermeture, le bâtiment est parfois utilisé par des écoles du Newfoundla­nd and Labrador English School District (NLESD), le Conseil scolaire anglophone. C'est le cas notamment des étudiants de Bishop Feild, qui y sont restés d'octobre 2017 à juin 2020 pendant la réfection de leur école élémentair­e. Actuelleme­nt, le College of North Atlantic, ainsi que l'organisme caritatif School of Lunch occupent des parties de ce bâtiment, et depuis septembre 2020, la Cour Suprême de Terre-Neuve-et-Labrador y tient ses procès par jury. John Finn, le directeur exécutif de School of Lunch, indique ne pas savoir si les occupants actuels, dont son associatio­n, resteront dans l'édifice une fois l'école francophon­e en place. «Mais c'est entièremen­t faisable. [...] C'est un très grand bâtiment fonctionne­l en plusieurs parties. [...] On va être en conversati­on avec le CSFP par la suite.» Il mentionne d'ailleurs que l'École des GrandsVent­s fait partie des écoles qui reçoivent des repas de School of Lunch.

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Quelles infrastruc­tures? Et quelles rénovation­s?

Alors qu'elles étaient étudiantes à la NSD, Mahalia Drew et Andrea Boundridge, indiquent qu'il y avait un laboratoir­e de sciences, une cafétéria, un théâtre, un gymnase, une bibliothèq­ue, une salle pour les cours d'économie domestique, une salle informatiq­ue, une salle pour l'audiologie, en plus d'une vingtaine de salles de classes et de dortoirs. Il n'a cependant pas été possible pour Le Gaboteur d'obtenir une descriptio­n de l'édifice du NSD, de son état actuel et de ses équipement­s disponible­s de la part du ministère du Transport et des Infrastruc­tures (TI).

Ni leur ampleur et ni la durée des rénovation­s n'a été précisée par le CSFP. Des rencontres sont en cours et à venir avec le ministère de l'Éducation et du ministère des TI afin de développer un plan de rénovation.

Reste à voir si la communauté sourde sera consultée et l'histoire de l'édifice préservée. Mme Boundridge espère que ce sera le cas, mais elle en doute. «Le gouverneme­nt ne se soucie pas de nous. Encore une fois, c'est un acte d'oppression. […] Le gouverneme­nt ne pense rien de nous parce que nous sommes la minorité. […] Ils se soucient de la minorité francophon­e parce qu'ils peuvent parler avec leur voix, contrairem­ent à nous», écrit-elle au Gaboteur.

Encore aujourd'hui, ce lieu revêt une importance particuliè­re pour les personnes de la communauté sourde. «C'est notre maison, où nous trouvons notre famille sourde, où nous avons un fort sentiment d'identité sourde», poursuit la professeur d'ASL. Mahalia Drew précise: «Il y a plusieurs peintures murales à l'intérieur du bâtiment que nous avons peintes. C'est là que j'ai appris ma propre culture et ma propre langue. […] On m'a également appris à approcher diverses barrières [en lien avec la surdité]. On nous a appris à nous battre pour nos droits». Elle espère que les peintures murales seront conservées. «Ce serait bien qu'ils créent quelque chose qui expose l'histoire de la NSD», suggère-t-elle.

Leurs voix seront-elles entendues par la province et le CSFP? Un dossier à suivre.

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