Le Gaboteur

Chasse aux possibles de Baie-Comeau à L’Anse aux Meadows

- Texte: Véronique Forbes - Illustrati­ons: Catherine Arsenault

Dans cette série littéraire mêlant l'autobiogra­phie au carnet de voyage, une professeur­e en archéologi­e à L'UNIVERSITé MEMORIAL VOUS INVITE à L’ACCOMPAGNE­R DANS SES RéflEXIONS ET AVENTURES à TRAVERS LE TEMPS ET les paysages de la côte Atlantique à la recherche de futurs alternatif­s.

On est juste de l'autre côté du détroit de Belle Isle qui nous sépare de notre destinatio­n.

J'ai commencé à écrire ce petit bout de ma vie dans le but de partager mes découverte­s pendant notre voyage de la maison vers les forêts nordiques de mon pays (l'hiver chanté par Gilles Vigneault) et des grandes terres du Labrador jusqu'au site fascinant que j'ai la chance de rechercher. C'était aussi pour raconter un peu de mes aventures à ma famille et mes amis dans notre langue maternelle et partager ce que j'ai appris de la vie depuis COVID-19.

J'ai appris qu'il est important de prendre le temps d'apprécier les choses qui passent; que la vie est faite de souvenirs, de nos mémoires avides de visions, de sensations et d'émotions, faites de conversati­ons et de rires, des paysages et des brises de nos saisons passées.

Que les gens soi-disant étranges, déprimés, fâchés, ou qui ont l'air paresseux, égoïstes ou particuliè­rement «chialeux»; bien souvent, ils ont juste besoin de quelques jours de répit pour pouvoir laisser entrer la lumière et apprécier les choses de nouveau. Ou qu'on les écoute, qu'on les aime même quand ce qu'ils nous racontent n'est pas tout beau ou quand on n'est pas d'accord avec leur façon de voir les choses.

C'est d'oser parler de ce que je vis en-dedans qui m'a aidé à sortir de «la tempête». Ça, et quelques semaines de repos.

J'aimerais vous dire que la tempête n'est pas revenue, mais Dame Nature est cyclique. Par contre, grâce à ce que j'ai appris et toute l'inspiratio­n que j'ai récoltée dans mon voyage, je me suis fabriquée un meilleur imperméabl­e.

Quelque chose a changé en moi pendant les deux dernières années. J'ai finalement compris qui j'étais, d'où je venais, et j'ai une bien meilleure idée de ce que je peux faire pour me rendre au bout de mes rêves sans me briser.

J'ai quand même échoué. Ce matin, mes deux dernières fins de semaine de travail m'ont rattrapée.

Je pensais pouvoir faire toutes les choses que j'avais à faire, et aussi soumettre la révision de l'article sur lequel j'ai travaillé si fort pendant les trois dernières années. Je voulais finir ce projet d'écriture, et aussi faire toutes les autres tâches de mon travail de prof. Même si cela finit toujours de la même manière, on dirait que je me rappelle juste du fait que oui, techniquem­ent, je peux faire tout ça, mais pas sans me retrouver épuisée, face au choix de soit me reposer, soit de faire toutes les choses qu'on attend de moi parce que je les ai promises ou que j'ai dit oui.

Je dois me rappeler que même si je peux ou je veux le faire, même quand je suis excitée à l'idée d'un projet ou de travailler avec quelqu'un, je ne peux pas pour l'instant. Pas avant d'avoir réussi à libérer du temps dans mon horaire pour moi, pour finir ce que j'ai déjà commencé, pour vivre, pour me reposer.

Ça me fait mal au coeur de décevoir, de laisser tomber ou de dire non. Depuis que j'ai obtenu mon job de rêve en 2018, j'ai l'impression de faire ça à peu près chaque jour. C'est lourd pour mon petit coeur à porter.

Je sais que c'est en grande partie de ma faute si j'ai crashé si fort. Personne ne m'a demandé d'en faire autant pour revamper mes cours pour l'enseigneme­nt en ligne, ou de me lancer dans une nouvelle direction de recherche.

C'est pour ça que j'ai abandonné les tâches que je me suis inventées en premier. Malgré tout, j'ai dû couper les conférence­s, deux saisons de fouilles et ignorer tellement d'activités organisées par mes collègues.

Ce n'était toujours pas assez. J'ai coupé mes sorties et mes appels vidéos. J'ai perdu de vue plusieurs amis…

Tout ça pour essayer de me sauver un peu de temps pour recharger mes batteries.

J'aurais dû savoir que même après tout ça, je ne pouvais pas me permettre de mettre du temps dans ma recherche. Même si c'est supposé être au coeur de mon travail, et que c'est surtout pour cela que j'étais embauchée.

Heureuseme­nt que le phénix renaît de ses cendres, chaque fois plus déterminé qu'avant…

... et que mes souvenirs de voyages m'apaisent et m'inspirent toujours.

Après Red Bay, on a continué sur la route vers le sud pour voir l'Anse Amour. On a pris le temps de s'arrêter sur le bord de la route pour apprendre sur les créatures anciennes semblables à des éponges qui fourmillai­ent ici il y a quelques centaines de millions d'années, avant d'être pétrifiées en rochers émoussés par la mer.

À l'Anse Amour, nous avons visité le lieu du repos éternel d'un garçon Autochtone de la période Archaïque, qui fût déposé sous un tertre de pierre lors d'une cérémonie funéraire ayant eu lieu il y a plus de 7000 ans.

Le phare de Point-Amour m'a ramenée à un passé pas si lointain, me rappelant les petits phares en bois peints en rouge que grand-papa fabriquait si soigneusem­ent pour les vendre comme souvenirs de Matane.

On s'est promené le temps de bien sentir le vent sur nos joues et d'écouter le bruit des vagues. Juste le temps d'apprécier et d'admirer la beauté du rivage, de créer de nouveaux moments à chérir dans nos mémoires.

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Le phare de Point-Amour, construit en 1857 pour guider la navigation transatlan­tique.
 ?? ?? Les formations rocheuses sur la rive de Pointe Amour sont d’anciens récifs témoignant de la vie ancienne des millions d’années avant l’arrivée des premiers humains.*
Les formations rocheuses sur la rive de Pointe Amour sont d’anciens récifs témoignant de la vie ancienne des millions d’années avant l’arrivée des premiers humains.*

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