Petite enfance, grande pénurie de services en français
Entre pénurie d'éducatrices qualifiées et offre de formation limitée, les francophones en situation minoritaire doivent faire face à plusieurs défis dans le secteur de la petite enfance, sans parler des obstacles linguistiques. Pourtant, les services de l
En petite enfance comme ailleurs, les défis ne manquent pas. Il y a notamment d'importantes difficultés de recrutement. «Il existe actuellement près d'une cinquantaine de postes non comblés dans les garderies francophones en Colombie-Britannique», constate Marie-Andrée Asselin, directrice générale de la Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique (FPFCB).
Et la demande ne faiblit pas. «Il y a plus d'immigrants francophones qui viennent s'installer ici», rapporte Isabelle Thibault, vice-présidente à l'enseignement au Collège Éducacentre, le seul collège francophone de la province.
Qui dit plus d'enfants dit plus de demandes de places en garderie. «Il y a des listes d'attente impressionnantes, poursuit-elle. Certains mettent leur enfant sur une liste en bas âge; [quand] l'enfant arrive à l'âge scolaire, ils n'ont pas réussi à trouver une place.» Une situation de plus en plus fréquente selon la vice-présidente.
Des milliers de dollars pour traduire un dossier
Les postes en éducation de la petite enfance qui demandent une certification ne sont pas faciles à pourvoir. Les francophones ayant obtenu leur diplôme à l'extérieur de la province doivent surmonter toute une série d'obstacles pour faire reconnaître leur formation.
«On peut les embaucher comme éducateurs assistants, comme adultes responsables dans les garderies après l'école, mais ils ne peuvent pas avoir la responsabilité d'un groupe d'enfants d'âge préscolaire», explique Marie-Andrée Asselin.
Deux options s'offrent alors aux personnes qui arrivent en Colombie-Britannique. La première : faire valider leurs acquis scolaires ou professionnels par ECE Registry, un organisme provincial. Mais pour cela, le candidat ou la candidate doit présenter un dossier en anglais, traduit — à ses frais — par une personne agréée en traduction.
Un dossier de candidature peut comporter «une centaine de pages» et coûter «des milliers de dollars» en frais de traduction, évalue Marie-Andrée Asselin.
«C'est une aberration»
«C'est une aberration, lâche-t-elle. C'est disproportionné par rapport à la profession. C'est beaucoup demander à des personnes qui arrivent d'une autre province ou de l'immigration. La traduction de tous les documents est injuste pour les francophones, alors qu'on est dans un pays bilingue et qu'on a tant besoin de ces éducatrices dans nos centres.»
La deuxième option? Suivre une formation au Collège Éducacentre pour obtenir un diplôme en éducation à la petite enfance. Mais in fine, «c'est seulement en moyenne 50 % de la formation [initiale de la personne] qui est reconnue, nuance Marie-Andrée Asselin. On n'est jamais surs du niveau d'équivalence.»
«C'est un long processus pour les employeurs qui cherchent des éducatrices», résume-t-elle. Une attente qui peut conduire à l'impossibilité d'ouvrir un service de garde.
«La situation pour les nouveaux arrivants des autres pays est encore pire, ajoute la directrice générale. S'ils ont un permis de travail temporaire, ils ne peuvent pas suivre de formation en Colombie-Britannique de plus de six mois.»
Par et pour les francophones
«Les francophones n'ont toujours pas le même accès que les anglophones à la formation», déplore Catherine Rousseau, gestionnaire de programmes en petite enfance à l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC).
L'offre de formation reste inégale selon les provinces et les territoires, et difficile d'accès. «Les francophones sont défavorisés», appuie la gestionnaire.
Selon elle, calquer le modèle anglophone ne fonctionne pas. «Les services éducatifs dans les communautés francophones en situation minoritaire ont un double mandat. Ils ne font pas le même travail que les services éducatifs anglophones. Il y a tout un rapport positif à la langue à développer.»
Une situation à laquelle veut aussi remédier le Collège Éducacentre. Le programme de formation en éducation à la petite enfance proposé par l'établissement est traduit de l'anglais, car il est offert en partenariat avec un collège anglophone, le Northern Lights College.
«Ce n'est pas un programme qui est fait par et pour les francophones, regrette Isabelle Thibault. Il n'est pas tout à fait adapté à la réalité des francophones.»
C'est pourquoi, pour répondre aux besoins de la communauté, le Collège Éducacentre va se doter de son propre programme en petite enfance. «Il est tout en ligne, il est prêt, mais on ne peut pas l'offrir, car on attend l'approbation de la province», assure Isabelle Thibault.