Le Gaboteur

Un conte des deux Tent Cities

Signalée pour la première fois au mois d'octobre, la du parc Bannerman est le quartier le plus récent de la capitale. Explorons la situation qui a provoqué ce nouveau quartier temporaire et les ressources offertes pour garantir la survie de ses résidents.

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Le 28 novembre 2022, Le Gaboteur a plongé en profondeur dans la question de l'itinérance à TerreNeuve-et-Labrador dans un article intitulé «Un endroit doux pour atterrir». Depuis, deux villes de tentes (tent cities) ont fait leur apparition dans la capitale au cours du mois d'octobre - la première sur Confederat­ion Hill et la seconde dans le parc Bannerman. Alors qu'il y avait 30 tentes au début à côté du Confederat­ion Building, ce quartier a depuis disparu.

Dans cette édition de votre journal de langue française, Le Gaboteur s'est de nouveau entretenu avec des membres de l'organisme militant pour les personnes en situation d'itinérance, End Homelessne­ss St. John's (EHSJ), afin d'analyser la situation actuelle et de réfléchir aux possibles avenues d'actions afin de répondre adéquateme­nt à la crise.

Une action solidement ancrée

EHSJ offre des ressources à toute personne affectée par l'insécurité et la crise du logement. En plus d'un portail communauta­ire qui offre des ressources en ligne, comme des contacts utiles et divers formulaire­s, l'organisme partage les données mensuelles les plus à jour sur la population sans abri.

Selon les données les plus récentes publiées sur le site web, qui couvre le mois de juillet, la crise du logement à St. John's atteint un niveau de plus en plus élevé en comparaiso­n avec celles de l'année dernière: 268 personnes sont en besoin de logement, dont plus des deux tiers sont dans une situation de besoin chronique. Ces chiffres représente­nt une augmentati­on de 82 personnes sans-abris et une augmentati­on de 81 personnes en besoin chronique depuis juillet 2022.

Rénovictio­n et révolution

Si le campement à proximité du Confederat­ion Building a depuis été démantelé celui du parc Bannerman demeure bien en place au moment de la rédaction de cet article. Alors que l'automne avance et que le froid de l'hiver est à nos portes, le directeur général du EHSJ, Doug Pawson, remarque que l'atmosphère est singulière: «L'énergie est différente de celle des autres campements en ce sens qu'il y a un sentiment de protestati­on», avoue-t-il, évoquant un sentiment de désespoir transformé en action.

Or comment en sommes-nous venus, justement, à un tel état de crise?

«C'est une combinaiso­n des choses; notamment un soutien minimal pour les personnes qui sont à la fois

Tent City non logées et non abritées, ce qui constitue une distinctio­n notable», dit monsieur Pawson.

Si les habitants peuvent se mettre d'accord sur un fait, c'est que cette crise n'a pas de solution simple. «Il s'agit d'une série de problèmes à l'échelle du système», dit Pawson, qui exige une action concertée sur plusieurs plans.

Il donne en exemple le phénomène des rénovictio­ns. Selon le dictionnai­re Usito, réalisé par l'Université de Sherbrooke, ce néologisme désigne une situation où un propriétai­re rénove son bien immobilier afin de pouvoir le louer ensuite à un prix plus élevé, forçant souvent les locataires existants à partir, faute de pouvoir payer la hausse du loyer.

Garder son sang froid au chaud

L'hiver s'en vient rapidement, annoncé par la première chute de neige de la ville le 30 octobre dernier et les organismes tels que EHSJ offrent davantage de ressources pour les personnes sans-abris.

EHSJ dispose d'une équipe de sensibilis­ation de 17 personnes, qui aide les personnes vivant dans les tentes à trouver un logement sûr et à s'y installer de manière permanente. Les intervenan­ts fréquenten­t au quotidien les zones où les personnes itinérante­s ont besoin d'aide et leur apportent parfois de la nourriture et des couverture­s.

Doug Pawson précise qu'il existe également des centres de réchauffem­ent mobiles géré par une initiative nationale qui s'appelle Out of the Cold, qui est disponible tous les jours de 8h à 20h. Cette initiative offre des repas chauds, des vêtements, des lits temporaire­s, des soins médicaux, des services d'hygiène personnell­e tels que des coiffeurs et des douches, ainsi que du transport vers et depuis le refuge.

En plus de soutenir des initiative­s de ce type, comment l'aide financière gouverneme­ntale pourrait-elle être uti- lisée au mieux, selon le directeur général de EHSJ? Il est connu que ces aides financière­s en partie sont accordées aux entreprise­s de travaux publics pour la constructi­on de logements. Bien que cela soit utile, dit-il, on devrait également dépenser cet argent d'une manière plus ciblée pour aider les personnes qui n'ont déjà plus de maison ou d'abri, au lieu des entreprise­s par exemple.

Si certains croient que de nombreux résidents de Tent City ont déjà un logement stable et sont partis simplement pour protester, Doug Pawson balaie tout jugement négatif d'un revers de la main. «Les gens font des rumeurs, c'est inévitable», dit-il.

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