La grande séduction d’enseignants
Le recrutement et la rétention d'enseignants a été un des points de discussion les plus chauds à l’assemblée générale annuelle du Conseil scolaire francophone provincial.
«Vous vous souvenez du film La grande séduction?» demande le président du CSFP, Michael Clair, après avoir donné son rapport à un public qui répond à la question avec de petits rires. Le président reste, quant à lui, sérieux: «Nous pourrions nous trouver dans cette situation, où si quelqu'un vient dans une communauté et que nous voulons le garder, la communauté pourrait avoir un rôle beaucoup plus important [à jouer] que par le passé.»
Il cite un rapport réalisé par l'Institut pour la citoyenneté canadienne et le Conference Board du Canada, The Leaky Bucket, publié le 31 octobre dernier, qui indique que le nombre d'immigrants ayant quitté le Canada a bondi en 2017 et en 2019, période la plus récente pour laquelle des données sont disponibles. Selon ce rapport, en 2019, 1,18% des immigrants ont quitté le Canada à nouveau. Le rapport constate également que c'est particulièrement le cas pour ceux ayant habité au Canada pour une durée variant entre quatre et sept ans.
«Nous avons tous un rôle à jouer. Nous allons faire de notre mieux pour trouver des gens et les faire venir, et nous allons travailler avec le gouvernement pour offrir des incitatifs, etc. Mais c'est aussi la communauté qui doit veiller à ce que ces personnes se sentent les bienvenues», dit-il. Il souligne également d'autres problèmes auxquels la province dans son ensemble est confrontée, comme la crise du logement: «Si vous voulez embaucher un enseignant à Labrador City, bonne chance, il n'y a pas de logement.»
«Il y a un million de choses sur lesquelles nous devons travailler», résume-t-il.
À LA RECHERCHE AILLEURS
Le manque d'enseignants d'expression française est un défi que connaît toutes les provinces canadiennes, même dans la province la plus francophone, au Québec. Monsieur Clair note que la Belle Province fait face cette année à une pénurie d'environ 8000 enseignants.
La solution: Assister aux foires de recrutement, ailleurs au Canada et encore plus loin, notamment en Europe et au Maghreb.
S'il n'y a pas eu de problème pour attirer l'attention des nouveaux enseignants potentiels, ayant reçu «une haute quantité de CV tout au long de l'année», témoigne Selena Mell, directrice générale de l'éducation. Elle dit que «malgré les efforts déployés pour localiser et interviewer le personnel potentiel, l'acceptation d'un contrat et les processus de certification ou d'immigration peuvent retarder la disponibilité des candidats. Ce problème est récurrent depuis plusieurs années», explique-t-elle.
Si les postes ont été comblés par des enseignants qui espèrent pouvoir venir travailler au Canada, elle cite le long processus administratif qui leur pose une barrière: «J'ai un contrat, j'attends pour venir au Canada», dit-elle en se mettant à la place de ces nouveaux enseignants potentiels venus de l'étranger. «Un mois, deux mois, trois mois sans salaire - sans salaire pour leurs familles. Alors quand ça prend trop de temps, ils vont dire ça prend trop de temps. Ils ont peur puis ils vont rejeter le contrat.»
Le CSFP est toujours en attente de la finalisation de certaines tâches administratives, comme la reconnaissance des diplômes et l'approbation des visas d'entrée, pour pouvoir accueillir des nouveaux enseignants sur la péninsule de Port-au-Port et à Happy Valley-Goose Bay. Depuis lors, le CSFP a demandé aux gouvernements fédéral et provinciaux d'accélérer le processus de traitement de ces dossiers. «On a beaucoup d'appui [des gouvernments] pour nous aider, ils savent qu'on a cette pénurie qui est vraiment délicate pour nous et ils font aussi - de ce que je vois - tout ce qu'ils peuvent pour nous aider.»
NOUVEAUX POSTES «TEMPORAIRES»
Entretemps, le CSFP embauche des «enseignants temporaires» pour combler le besoin.
Qu'est-ce que c'est, «un enseignant temporaire?», demande une participante du public. Madame Mell explique qu'en attendant la finalisation du processus d'immigration des enseignants embauchés de l'étranger, le CSFP dépend des personnes qui seraient temporairement en poste. «Il n'y a pas de suppléants dans certains lieux, c'est un grand problème en ce moment», dit-elle. «Alors, ce qu'on a fait: on a demandé au syndicat des enseignants de demander aux retraités qui parlent français de la province de venir nous soutenir dans les lieux où on avait des besoins.»
Elle poursuit l'explication: «Tant qu'on a un contrat signé avec quelqu'un, ça veut dire que le poste est comblé on peut rien faire», ajoute-elle. «Alors on a demandé au ministre de l'Éducation de nous donner la permission d'avoir deux personnes "flottantes" [...]. Comme ça, même si le contrat est signé pour certains individus, on a la chance d'aller chercher et de recruter deux autres enseignants d'ailleurs, et si on peut les faire venir, on peut les mettre dans le poste de la personne qu'on attend.»
Le CSFP a reçu une approbation du ministre de l'Éducation pour embaucher un enseignant flottant à l'École Boréale et à l'École Sainte-Anne il y a environ deux semaines avant l'AGA. Au moment d'écrire ces lignes, les offres d'emploi sont toujours en ligne et Selena Mell note qu'à l'École Saint-Anne, «il n'y a personne qui s'est porté volontaire pour la banque.»
UNE STIPULATION À VENIR?
Elle mentionne d'ailleurs que la demande du CSFP pour le financement d'une prime d'embauche et de rétention des enseignants a été rejetée dans les 24 heures au niveau provincial, sous prétexte que le besoin ne correspondait pas aux critères. Elle dit avoir mentionné lors de cette rencontre avec le gouvernement qu'elle croit qu'un «précédent a été créé» avec la prime d'environ 5100$ pour les enseignants francophones du préscolaire, annoncée en août dernier. «J'ai été ravie d'apprendre cela», a-t-elle déclaré, en énumérant les défis similaires auxquels la CSFP fait face au niveau M-12: «difficulté de recrutement, minorité francophone et éducation - quelle est la différence? Pourquoi le faire pour un groupe et pas pour l'autre? Et je l'ai demandé lors de ma réunion», affirme-t-elle.
L’ÉQUIPE ADMINISTRATIVE DU SIÈGE SOCIAL
«Nous nous sommes rendu compte l'année dernière que notre équipe était trop petite pour pouvoir répondre à tous les besoins essentiels auxquels nous faisons face», dit Michael Clair en remerciant les employés qui ont déjà accompli beaucoup de travail. «Mais il y a des limites - une telle surcharge de travail n'est pas sans risque», rajoute-il. Au cours de l'année 2022-2023, en plus des «2,25» postes d'enseignants non-comblés, le CSFP a eu du mal à combler les postes de la responsable des ressources humaines, de la responsable des communications et du marketing, de la responsable de la paie et de l'administration, de l'agente en construction identitaire culturelle, de la spécialiste en programmation académique et de la spécialiste en programmation technologique. «Tout ceci nous manquait l'année dernière. Je peux dire que la plupart de ces postes maintenant, on les a [comblés]», précise Selena Mell.
Pour aider dans les efforts de l'équipe au siège social, monsieur Clair note que le CSFP a identifié quatre nouveaux postes «qui devraient être financés de façon permanente par le gouvernement.»
Un des postes récemment comblés est celui de la gestionnaire des ressources humaines, dont la nouvelle personne chargée du travail est arrivée au mois d'août dernier. «Auparavant, la directrice générale et la directrice des services éducatifs et une consultante en immigration s'occupaient de tous les aspects du recrutement provincial», explique Selena Mell dans son rapport. «L'échéancier pour l'embauche au printemps et l'absence d'un poste permanent en [ressources humaines] ainsi qu'en communication et marketing au siège social sont considérés comme des obstacles au processus d'embauche.»
La directrice générale de l'éducation ajoute que le CSFP a également été invité à former un comité avec le district scolaire anglophone, le NLESD, le syndicat des enseignants et le gouvernement afin de collaborer à la recherche de solutions. «Les portes nous ont été ouvertes», souligne-t-elle.