«Une école entièrement française, ce serait merveilleux!»
Il y a plus de 25 ans, il n'y avait pas de Conseil scolaire francophone provincial à Terre-Neuve-etLabrador. Alors comment les commissions scolaires de l'époque ont-elles amené plus de français dans les salles de classe? Si l'immersion française a commenc
Et voilà comment cette histoire a débuté: à Port-au-Port en 1975, le curé de l'époque s'inquiéta de l'assimilation des francophones. Il fit part de ses préoccupations à la commission scolaire. Celle-ci demanda le programme d'immersion d'Ottawa et mit sur pied la maternelle qui accepta cette année-là 20 enfants. Depuis 2, 3 ans, due à la dénatalité, la moyenne d'enfants à la maternelle est de 12.
À St. John's, ce fut en 1977 qu'un groupe de professeurs ayant eu vent de cette expérience allèrent consulter le ministère de l'Education. Celui-ci les refera aux commissions scolaires. La commission scolaire catholique accepta de commencer le programme. 17 élèves vinrent la première année, après 3 ans, ils étaient 29. Aujourd'hui, la commission catholique compte 440 enfants à ces deux écoles: Holy Cross et St. Joseph. On songe maintenant au secondaire qui serait possiblement offert à l'École Gonzaga.
En 1979, la commission scolaire protestante offrit l'immersion tardive en 7e année. Alors qu'il n'y a aucun critère d'admission pour l'immersion précoce, pour la tardive on est beaucoup plus sélectif. «On étudie le curriculum vitae de l'élève et on lui souligne l'effort qu'il aura à fournir. On rencontre également le parent. Mais une fois que l'élève a accepté toutes ces conditions, il s'engage définitivement; il n'y a eu aucun cas de démission depuis 1979», affirme madame Halliday.
En 1981, la commission scolaire protestante offrit sa classe de maternelle française à l'école Vanier. En 1982, Bishop Field offrait la sienne. Aujourd'hui la commission scolaire protestante compte 200 élèves à l'immersion précoce et 130 à l'immersion tardive, sur tout le territoire de la province de Terre-Neuve, 1600 enfants fréquentent l'immersion.
En ce qui a trait au programme, le ministère de l'Éducation fixe le pourcentage du français et del'anglais qui doit être enseigné aux différentes classes; pour le contenu, c'est un mélange des programmes des Maritimes et du Québec puisqu'il n'y a pas de programme conçu pour l'immersion.
Madame Halliday utilise pour sa classe de 7e année un livre pour les francophones en milieu minoritaire. Mais en fait, le professeur a un grand rôle à jouer, c'est lui qui adapte le livre pour le niveau de ses élèves. La conseillère pédagogique, Eloise Lemire,
récemment nommée, travaille en coopération avec tous les coordinateurs des commissions scolaires puis avec les professeurs pour améliorer les programmes, ils ont une réunion provinciale annuellement. De plus, il y a 7 ans, au niveau national, les professeurs ont formé l'ACPI (Association canadienne des professeurs d' immersion) ils se réunissent une fois l'an. Au mois de novembre dernier la réunion a eu lieu à Montréal, l'an prochain, ils iront à Edmonton.
Le pourcentage du français se répartit comme suit: à la maternelle, en 1re et 2e années le français est à 100%; en 3e et 4e années, à 80% (20% est en anglais). «C'est d'ailleurs un problème car les professeurs doivent donner le même programme qu'en 1re et 2e années mais en plus ils doivent ajouter ce bloc anglais; alors ils coupent partout.» En 5e année ils font histoire et géographie en anglais car c'est l'histoire de Terre-Neuve. En 6e année, l'histoire et la géographie sont en français, cette fois-ci c'est l'histoire du Canada, les mathématiques et la santé sont en anglais. En 7e année, le français, l'histoire, la géographie et la santé sont en français. Les mathématiques, qui est un bloc très important, et la religion sont en anglais.
La musique et l'éducation physique sont en anglais pour tous les niveaux parce que les professeurs étaient déjà en place avant que le programme ne commence. Le programme d'immersion est encore considéré comme un projet pilote, étant donné son nombre de classes encore restreint, il se voit accordé un petit budget. Pour le moment, il n'est donc pas question d'engager des aides pédagogiques qui aideraient les enfants en difficulté. Seule l'immersion tardive bénéficie de cette aide et c'est un programme financé par le fédéral.
«Parce que c'est un programme pilote, dès qu'il y a un échec, on en entend parler beaucoup; cette année, à la commission scolaire catholique, on a eu 114 enfants en maternelle, et il y en a peut-être 3 qui ne pourront pas continuer, dont un parce qu'il n'écoute pas. Quand les cours sont en français, si tu n'écoutes pas, tu ne progresses pas: tu n'as pas la base que tu possèdes dans ta langue maternelle. En deuxième et troisième années, on tente de dissuader les parents qui veulent remettre leurs enfants au système anglais. Des recherches ont été faites à Montréal et à Ottawa sur le sujet et on est venu à la conclusion qu'un enfant qui a des problèmes en immersion aurait eu les mêmes problèmes en classe anglaise et que si tu le retires du programme, l'enfant reçoit cela comme un échec et aura de plus des problèmes d'adaptation car il n'a jamais fait d'anglais auparavant.»
Par contre, quelques élèves d'immersion qui ont dû à un certain moment fréquenter une véritable école francophone, n'ont eu besoin que d'un programme de rattrapage pour très vite s'adapter.
Mais il y a une grande différence entre la langue parlée et écrite. On insiste toujours sur l'oral parce qu'on veut apprendre aux enfants le français de la même façon qu'ils ont appris leur langue maternelle. Jusqu'en sixième année, on insiste sur la communication. En septième, on commence à leur montrer les structures du langage écrit. À la fin du secondaire, les élèves maîtriseront les deux aspects de la langue.
Le programme d'immersion française est peut-être à long terme une menace pour les enseignants anglophones, ils en sont conscients. Mais l'immersion, c'est surtout l'occasion que l'on se donne de réaliser ce rêve: celui de pouvoir s'exprimer dans les deux langues. Un rêve qui est en réalité un très grand avantage économique, social et culturel.