Projet minier de Strange Lake
La future route reliant le projet minier de Strange Lake au port de la baie de Voisey sera au centre de l'évaluation environnementale du gouvernement du Nunatsiavut.
La société canadienne Métaux Torngat projette une mine de terres rares à ciel ouvert à environ 235 kilomètres au nord-est de Schefferville, Québec. Le site serait doté d'une usine de concentration et relié au port de la baie de Voisey, à 35 kilomètres de Nain, par une nouvelle route saisonnière de 160 kilomètres. De là, le concentré serait transporté par voie maritime vers une nouvelle usine de séparation à SeptÎles, au Côte-Nord du Québec.
Selon Métaux Torngat, Strange Lake est un gisement de calibre mondial en termes de quantité et de qualité; il deviendrait le plus grand producteur de dysprosium et de terbium après la Chine. La production sera centrée sur les oxydes pour les aimants permanents, qu'on retrouve dans les moteurs de véhicules électriques, l'équipement d'imagerie médicale, etc.
Dans son état actuel, pour être réalisé, le projet nécessite l'approbation de plusieurs juridictions parmi lesquelles Québec, Terre-Neuve-et-Labrador et le Nunatsiavut, qui n'a pas encore pris position.
La route
La baie de Voisey est à l'extérieur des revendications territoriales des Innus du Labrador et du Nunatsiavut. «Les Innus et nous, nous avons une entente sur les répercussions et les avantages sur le site de la baie», explique le ministre adjoint des Terres et des Ressources naturelles du Nunatsiavut, Jim Goudie.
Des terres sur laquelle doit être érigée la future route se trouvent au Nunatsiavut, qui mène sa propre évaluation environnementale sur le projet. «On ne peut qu'exprimer notre position sur la mine, parce qu'elle est au Québec, précise Jim Goudie. Mais on a la capacité de dire non à la portion de route projetée sur nos terres. Sans cette portion, la compagnie doit avoir un plan B. […] Elle a encore beaucoup de travail à faire pour expliquer ses mesures d'atténuations. La route va traverser la route de migration de la harde de caribous de la rivière George.»
Des commentaires négatifs
La période pour soumettre des commentaires à l'Agence d'évaluation d'impact du Canada s'est terminée le 4 décembre 2023, quelques jours avant la fin de la première phase de l'évaluation environnementale du Nunatsiavut.
La majorité des commentaires soumis, quel que soit leur territoire d'origine, sont négatifs et Métaux Torngat le reconnaît. «On comprend les préoccupations des gens», dit la directrice générale du marketing, Christine Burow, soulignant que les gens contre s'expriment davantage que ceux qui sont en faveur. «Mais ce n'est pas un projet fini et on veut discuter avec les gens pour savoir ce qu'on pourrait changer. On veut utiliser leurs commentaires pour améliorer notre projet.»
Plusieurs individus et groupes mettent en relief les impacts sur la faune, les cours d'eau et le mode de vie traditionnel des Inuits.
«La population autochtone sera grandement affectée dans son mode de vie traditionnel, sa santé et sa société, écrit Sara Tagoona. Nous devons penser à la génération future. […] Les camps de touristes sur la rivière George seront aussi affectés, particulièrement celui du pic Pyramide.»
La compagnie JAL Exploration considère que le projet de route de Métaux Torngat traverse des sites de grands intérêts sur lesquels elle a des droits et les détruira ou les affectera.
«La terre ici a besoin d'être protégée, écrit Nicola Burke, présidente directrice générale de Northern Path, un organisme de soutien psychologique du Nunatsiavut. La richesse n'est pas retournée aux communautés, elle finit dans les mains de quelques-uns. […] Ne permettez pas un autre pillage de la terre aux bénéfices de l'élite.»
Du côté de Sept-Îles, au Québec, plusieurs citoyens soulèvent la problématique des radiations émises par l'usine de séparation et des rejets d'eaux usées.
Évaluation
«L'évaluation environnementale du Nunatsiavut est similaire à celle du fédéral et de Terre-Neuveet-Labrador», explique Jim Goudie. «L'information sera fournie au conseil exécutif [du gouvernement du Nunatsiavut] qui prendra une décision. Notre évaluation porte sur tous les aspects du projet, même ceux qui ne sont pas au Nunatsiavut, […] alors ça va prendre un temps considérable.»
L'Agence d'évaluation d'impact du Canada travaille présentement sur un sommaire de questions qui sera ensuite remis au promoteur pour l'aider à préparer ses réponses aux questions soulevées, fait savoir l'Agence.
Suite au jugement de la Cour suprême du Canada sur la Loi sur l'évaluation d'impact en octobre dernier, la question de la poursuite du processus d'évaluation d'impact [au fédéral] est laissée à la discrétion du promoteur.