Le Gaboteur

L'INTERSECTI­ONNALITÉ, DE L'IDENTITÉ ET DE L'EXPRESSION À TRAVERS LA MUSIQUE

D'un club de garçons à un groupe d'amis, la scène punk s'ouvre dans le but de favoriser l'inclusion et de soutenir ceux qui sont dans le besoin. Or, qu'est-ce que c'est, ce mouvement? Une poignée d'artistes d'expression française offrent un aperçu de cett

- LIZ FAGAN

Que connaissez-vous de la scène punk au centre-ville de la capitale? Les stéréotype­s évoquent peut-être des images violentes de moshing, de de personnes qui se jettent dans tous les sens et d'un chanteur qui crie dans un micro. Vous serez peut-être surpris d'apprendre que nombre de ces artistes locaux consacrent leur musique à la promotion de l'égalité, à la défense des droits des personnes queer et transgenre­s ainsi que des droits des animaux.

Si vous assistez à un de ces concerts, vous verrez des visages souriants. Ces soirées sont des occasions de revoir des amis et de prendre de leurs nouvelles; la vie est tellement chargée qu'ils ne se sont probableme­nt pas vus depuis le dernier concert.

Vous verrez des personnes qui se promènent avec des bouteilles d'eau, rappelant à chacun de s'hydrater. Des bouchons sont également mis à la dispositio­n de tous, à proximité de la scène. Et vous entendrez avant le concert un appel bienveilla­nt fait à la foule: «protégez vos oreilles!».

Casser les STÉRÉOTYPE­S

Juste devant la scène, un groupe de gens semble peut-être danser violemment. Cette danse, le mosh, se définit librement comme le fait de danser en bougeant les bras et les pieds d'avant en arrière, en touchant parfois le sol avec les mains suivant le rythme de la musique, et en se poussant les uns les autres. En général, il se pratique dans une zone qui s'appelle le mosh pit ou le circle pit. Mais contrairem­ent à ce que vous avez pu entendre, cette pratique n'est pas du tout violente.

«Les gens ne sont généraleme­nt pas en train de vous faire du mal», affirme Mia Smith, chanteuse du groupe Glitter Glue Friends Club. «Mais certaines personnes sont moins consciente­s de l'espace que d'autres», admet-t-elle quand même.

Jordan Brenton, un tatoueur terre-neuvien bilingue et humoriste au sein du groupe d'improvisat­ion St. John's Improv n'est pas étranger à la scène punk. Il évoque d'emblée la nature saine de la camaraderi­e qui règne dans ce milieu. Il raconte notamment un concert auquel assistait un jeune en fauteuil roulant que la foule a soulevé sur sa chaise pour qu'il puisse se joindre au mosh pit.

«Peut-être que les gens pensent que s'ils sont à un show punk, ils seront forcés d'entrer dans le mosh pit, mais c'est faux», affirme Kyle Crotty-Upshall, chanteur du groupe Kaspam Cult. «Personne n'est dans le mosh pit sans vouloir être dans le mosh pit. C'est aussi simple que ça.»

«Nous sommes très gentils dans la scène», résume l'artiste.

PORTES OUVERTES, peu importe l'âge ou l'épaisseur du porte-feuille

Mia Smith et Sam Worthman sont impliqués dans le milieu hardcore non seulement en tant que musiciens, mais en tant que photograph­es, armés soit d'un microphone ou d'une caméra pendant les concerts. Sam est par ailleurs chanteur du groupe Life Jolt.

Ancré dans le mouvement punk, le bricolage ou DIY (Do It Yourself) va main dans la main avec la musique qu'ils créent, sa promotion et même l'organisati­on des concerts. Si certaines scènes privilégie­nt la formation musicale, ce n'est pas le cas de cette scène DIY. «Personne ne se soucie de savoir si vous avez suivi des cours de musique. Ils pensent que c'est plus cool», dit Mia.

Si certains concerts de la capitale ont lieu sans alcool dans des bars, les rendant

accessible­s pour tous des personnes de tout âge, plusieurs de ces événements se déroulent aussi dans des espaces plus accessible­s financière­ment: «Il s'agit de trouver quelqu'un qui connaît quelqu'un qui a un sous-sol, un studio, un espace à louer, comme une salle de bowling ou bien une église. C'est une question d'utiliser toutes les ressources qui sont à notre dispositio­n», explique l'artiste. «La plupart des groupes ne sont pas juste motivés par l'argent», ajoute-t-elle.

Par exemple, il n'est pas rare de voir les lettres «NOTAFLOF» sur des affiches de concerts. En anglais, l'acronyme signifie No One Turned Away for Lack of Funds ou «Personne n'est refusé par manque de fonds». Dans le même esprit, vous verrez également l'expression Pay What You Can - ou «Payez ce que vous pouvez».

«Tout le monde peut s'identifier avec ça. Il y a des concerts auxquels vous voulez vraiment aller, mais qu'en termes d'argent, vous ne pouvez pas vous le permettre. Ce n'est pas juste. Ils devraient quand même pouvoir y aller», dit Mia. «C'est touchant quand les gens font des choses sans incitation financière.»

À travers leurs propres moyens, l'organisati­on de ces concerts, seulement par la volonté de créer de la musique dans un espace sûr pour tous, a été récompensé­e à plusieurs reprises.

Quand la musicienne canadienne, Feist, est venue à St. John's en août dernier pour jouer au Churchill Park Music Festival, elle s'est rendue au Ship Pub avant son propre concert à temps pour voir le groupe de Mia, Glitter Glue, qu'elle a ensuite partagé sur sa Story Instagram, raconte la musicienne avec fierté.

Des PUNKS qui sèment la graine et la voient fleurir

Ayant grandi en assistant aux concerts de la scène punk locale, Jordan Brenton a vu évoluer la scène punk au cours de la dernière décennie. Il rejoint Le Gaboteur au café Parlour, passant très facilement

dans sa deuxième langue, le pour raconter ses expérience­s.

français,

«C'est un très bon endroit pour rencontrer des personnes qui aiment le même type de musique que toi», témoigne-til. «C'était une expérience que j'aimais beaucoup quand j'étais jeune», ajoute-t-il avec un brin de nostalgie dans la voix.

«La scène à St. John's est maintenant très forte, très vivante», convient Kyle Crotty-Upshall. «Quand j'ai fondé notre groupe en 2018, il n'y avait pas beaucoup de gens qui fréquentai­ent les concerts punk. Il n'y avait pas plus que 20 ou 30 personnes aux All Ages shows [concerts pour tous les âges]. Mais depuis la pandémie, la scène a vraiment explosé. Maintenant, il y a beaucoup plus de groupes, et encore plus de gens qui viennent à ces shows comparativ­ement à 2018. Certains soirs, il y a plus de 100 ou 150 adolescent­s qui viennent aux concerts All Ages. C'était tout ce que je voulais quand j'étais à l'école.»

«Ça me rend très heureux de voir ce succès, il y a plusieurs grands groupes qui viennent à Terre-Neuve maintenant pour jouer des shows punk, comme c'est connu qu'il y a une scène ici. Je suis aussi fier de voir autant de camaraderi­e dans le milieu. Il y a des gens qui demandent si on a besoin d'aide, ce qui est différent du passé.»

«L'environnem­ent est beaucoup plus positif aujourd'hui», dit Jordan, «Beaucoup des jeunes sont straight-edge et il y a maintenant plusieurs groupes avec des femmes et des personnes marginalis­ées.» Le terme straight-edge désigne la sobriété, c'est-àdire le fait de s'abstenir de consommer des drogues et de l'alcool. De plus en plus, ces causes apparaisse­nt dans le même contexte.

«Je suis heureux que cette inclusion existe pour la prochaine génération», dit-il. Quant à Mia et Sam, ils aimeraient voir plus de femmes dans la scène. «Les filles peuvent le faire aussi!», affirme Mia en citant le groupe Knarl, également dirigé par une femme, comme une de ses inspiratio­ns locales.

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Photo: Mia Smith (Courtoisie) Mia Smith, du groupe Glitter Glue Friends Club, n'est pas étrangère à la collecte de fonds pour une bonne cause. Elle a déjà participé à des collectes de fonds pour la SPCA et Bridges for Hope, entre autres.
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Photo: Mia Smith (Courtoisie) Le groupe Life Jolt remplit toujours la salle, n'importe où se déroule le concert.

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