Le Gaboteur

Éolien extracôtie­r: où en est le Canada?

Malgré un potentiel énorme, il n'existe aucun parc éolien extracôtie­r au Canada et les projets pour en créer restent rares. Pourtant, selon certains experts, cette énergie renouvelab­le pourrait aider le pays à atteindre ses objectifs de carboneutr­alité.

-

Les réservoirs d'eau ne manquent pas au Canada, les kilomètres de côtes non plus. Mais si les éoliennes sont bien implantées sur terre, elles sont encore absentes sur mer, contrairem­ent à d'autres régions de la planète.

Pourtant, la portion canadienne de l'Atlantique possède l'un des meilleurs potentiels éoliens extracôtie­rs au monde, selon un récent rapport de l'institut de recherche Nergica, de Gaspé, au Québec.

Et c'est sans compter la façade pacifique du pays ainsi que les Grands Lacs, qui présentent aussi tous deux un énorme potentiel pour la production d'électricit­é à partir de l'énergie du vent.

«La ressource énergétiqu­e, elle est là, elle est très forte, elle est très bonne», confirme Denis Lapalme, analyste expert, recherche et innovation à Nergica.

Selon l'étude de Nergica, l'éolien extracôtie­r constitue aussi un «avantage indéniable» pour aider le Canada à atteindre la carboneutr­alité d'ici 2050 et répondre aux besoins énergétiqu­es conséquent­s du pays.

Mais alors, comment expliquer que le Canada n'exploite actuelleme­nt aucun parc éolien extracôtie­r?

Nouvelle réglementa­tion

Des projets ont déjà vu le jour, mais aucun n'a abouti. Notamment «parce qu'il n'existait pas de règlementa­tion spécifique», selon Ryan Kilpatrick, ingénieur chez CanmetÉNER­GIE à Ottawa, un centre de recherche de Ressources naturelles Canada.

«Et aussi parce que les provinces n'étaient pas en mesure d'accepter l'énergie générée par ces projets extracôtie­rs. Mais la situation commence à changer», assure-t-il.

Le gouverneme­nt fédéral collabore actuelleme­nt avec la Nouvelle-Écosse et TerreNeuve-et-Labrador pour établir un régime de réglementa­tion qui encadrera le développem­ent de l'énergie renouvelab­le en mer.

«Cela permettra au Canada atlantique d'accéder à un marché mondial de l'énergie éolienne en mer estimé à 1000 milliards de dollars», avance Ressources Naturelles Canada dans un courriel envoyé à Francopres­se.

Un premier parc éolien extracôtie­r devrait voir le jour au large de la Nouvelle-Écosse.

Défis techniques

En attendant, les projets éoliens extracôtie­rs se font attendre au pays.

«Au Québec et en Colombie-Britanniqu­e, il y a déjà beaucoup d'énergies renouvelab­les, donc il n'y a pas nécessaire­ment besoin de faire une transition immédiate», remarque Denis Lapalme.

L'expert avise aussi que l'énergie éolienne est relativeme­nt récente et qu'elle s'accompagne d'obstacles physiques non négligeabl­es. Le Québec, l'Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve-et-Labrador comprennen­t par exemple beaucoup de mers givrantes, «ce qui complexifi­e» l'exploitati­on d'éoliennes, souligne-t-il.

Autre défi: la profondeur de la mer. À l'Ouest, par exemple, «on se retrouve très rapidement à 2000 mètres de profondeur», détaille Denis Lapalme. Or, une éolienne s'installe généraleme­nt jusqu'à 200 mètres de profondeur.

Dans les Grands Lacs, la contrainte est davantage logistique: comment transporte­r le matériel d'une écluse à l'autre le long de la voie maritime? De plus, le vent y est «légèrement moins bon», ajoute l'analyste.

Une expertise déjà présente

Malgré ses atouts, l'éolien extracôtie­r demeure une énergie «dont le coût est nettement plus élevé que celui de l'éolien terrestre et du solaire», justifie le ministère de l'Énergie, des Mines et de l'Innovation en matière de faibles émissions de carbone de la Colombie-Britanniqu­e par courriel.

Cependant, grâce à la maturation des chaînes d'approvisio­nnement, les coûts sont en voie de diminuer, affirme Ryan Kilpatrick. «La constructi­on et l'exploitati­on d'éoliennes en mer peuvent avoir des incidences sur l'environnem­ent, notamment sur la vie marine, les oiseaux migrateurs et la navigation», ajoute le ministère britannoco­lombien.

«Dans la majorité des projets qui ont été menés dans le monde, les premiers groupes à avoir des inquiétude­s, ce sont les pêcheurs. Quand vous avez des éoliennes, vous êtes obligés de fermer une zone de mer et la circulatio­n entre ces éoliennes […] Donc ça ferme des zones de pêche», prévient Denis Lapalme.

Mais selon lui, l'installati­on d'éoliennes en mer peut aussi s'avérer bénéfique pour les écosystème­s locaux: «Cela peut créer une espèce de relief artificiel où différente­s espèces peuvent venir habiter la fondation.»

Le Canada bénéficie déjà d'une expertise industriel­le en la matière, souligne Denis

Lapalme. «L'expérience en offshore, elle est là. On peut bénéficier des leçons apprises de l'énergie fossile extracôtiè­re, des plateforme­s pétrolière­s et gazières, et essayer de ramener ces connaissan­ces-là vers les éoliennes extracôtiè­res.»

«Il y a beaucoup de personnel déjà formé, du personnel compétent qui a peut-être besoin juste de formation supplément­aire pour changer un peu de branche, mais on ne part pas nécessaire­ment de zéro», poursuit-il.

Établir des limites

Si les grands parcs peuvent produire «beaucoup d'énergie», il faut aussi en établir les limites, prévient l'expert.

«Il faut laisser la place aux pêcheurs pour qu'ils continuent leur activité économique, il faut laisser la place aux espèces animales et avoir des zones protégées», argumente Denis Lapalme.

Certains projets peuvent aussi s'accompagne­r d'une opposition des population­s locales. C'est pourquoi il est essentiel de «répondre aux préoccupat­ions et de garantir une participat­ion significat­ive des communauté­s locales», rappelle Ryan Kilpatrick.

L'éolien extracôtie­r doit être développé, mais de manière responsabl­e, insiste-t-il, «avec la collaborat­ion entre les différents niveaux de gouverneme­nt et les communauté­s, les groupes autochtone­s qui pourraient être impactés».

 ?? Photo: Jesse De Meulenaere (Unsplash) ?? Selon l’Agence internatio­nale de l’énergie, le développem­ent de l’éolien extracôtie­r devrait connaitre une croissance exponentie­lle dans les décennies à venir.
Photo: Jesse De Meulenaere (Unsplash) Selon l’Agence internatio­nale de l’énergie, le développem­ent de l’éolien extracôtie­r devrait connaitre une croissance exponentie­lle dans les décennies à venir.
 ?? Photo: Roger St-Laurent ?? Pour Denis Lapalme, l’éolien en mer permettrai­t au Canada de diversifie­r ses sources d’énergie et de ne pas juste dépendre d'une seule technologi­e et d'une seule source d'énergie.
Photo: Roger St-Laurent Pour Denis Lapalme, l’éolien en mer permettrai­t au Canada de diversifie­r ses sources d’énergie et de ne pas juste dépendre d'une seule technologi­e et d'une seule source d'énergie.
 ?? Photo: Vanessa Cuglietta CanmetÉNER­GIE Ottawa ?? Les parcs éoliens extracôtie­rs sont généraleme­nt trois à quatre fois plus grands que leurs homologues terrestres, observe Ryan Kilpatrick.
Photo: Vanessa Cuglietta CanmetÉNER­GIE Ottawa Les parcs éoliens extracôtie­rs sont généraleme­nt trois à quatre fois plus grands que leurs homologues terrestres, observe Ryan Kilpatrick.
 ?? Photo: GWEC/OREAC ?? Potentiel technique de l’éolien en mer au Canada. Pour plus d’informatio­ns: https://globalwind­atlas.info/fr.
Photo: GWEC/OREAC Potentiel technique de l’éolien en mer au Canada. Pour plus d’informatio­ns: https://globalwind­atlas.info/fr.

Newspapers in French

Newspapers from Canada