Le Journal de Montreal - CASA

Coup de pied dans les idées reçues

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Bref,

pour reprendre le langage viticole, c’est bien de faire parfois un peu de bâtonnage intérieur, et de remettre certaines idées reçues en suspension dans cette vieille barrique qui nous tient lieu de cerveau.

En faisant un peu de ménage l’autre jour, je suis tombé sur cette entrevue que Jean-Marie Guffens avait donnée à la Revue du Vin de France, l’automne dernier (no 585).

Et croyez-moi, c’est tout un coup de pied dans la fourmilièr­e vinivitico­le qu’il a donné là.

Je ne dis pas que je suis forcément d’accord avec ce qu’il dit, mais j’aime les brassages d’idées et j’adore les iconoclast­es comme Jean- Marie Guffens, un être particulie­r et un peu ombrageux, pour le peu que j’en connais pour l’avoir rencontré un jour à Montréal.

Parti de Belgique avec sa copine Maine pour venir s’installer en Bourgogne au milieu des années 70, il s’est rapidement révélé être un vigneron hors pair, pour ne pas dire hors norme.

Au point d’avoir redonné du lustre au Mâconnais à une époque où la région en avait bien besoin et d’être considéré aujourd’hui comme l’un des meilleurs vignerons de la Côte d’Or.

Pour une raison que j’ignore, on ne trouve à peu près plus ses vins au Québec, sauf quelques bouteilles qui traînent encore ici et là.

ENTREVUE

Mais que disait-il de si décoiffant dans cette entrevue?

D’abord sur les terroirs (je cite): «Les grands terroirs sont souvent une légende. Au fil des ans, les terres changent avec l’érosion, se modifient, subissent l’influence du travail du vigneron. Le climat évolue lui aussi, comme on peut le voir. Pensez-vous vraiment que

SAINT FLORENT 2013

tous les terroirs de Bourgogne sont identiques à ce qu’ils étaient il y a ne serait-ce qu’un siècle? Bien sûr que non.

«Pour moi, ce que l’on nomme un “grand terroir” est un ensemble: une bonne terre à vignes, un grand cépage adapté au climat, des conditions optimales de production et de cueillette du raisin, une vinificati­on adaptée. On retrouve ces conditions dans beaucoup d’endroits du monde, et ce n’est pas un monopole de quelques hectares entre Puligny-Montrachet et Chassagne-Montrachet.»

Sur le classement des grands terroirs bourguigno­ns: «Ils sont obsolètes, mais entretienn­ent la légende, les prix et la spéculatio­n, ce que j’appelle le “terroircai­sse”.»

Sur le problème d’oxydation prématurée qu’ont connu en particulie­r les grands blancs de Bourgogne?

«Cela commence dans la vigne avec les pratiques culturelle­s. Les labours tardifs provoquent une libération d’azote qui fait chuter les acidités dans les raisins et accélère ensuite le processus de vieillisse­ment en bouteilles.»

Mais il pointe aussi le réchauffem­ent du climat, la vendange à la machine, l’élevage trop long en barriques, la mise en bouteille avec des doses trop faibles de soufre et bien sûr la qualité des bouchons.

De toute façon, chez lui, la presque totalité de la production est sous capsules à vis depuis 2003.

Sur la culture bio? «La culture “bio” a contribué dans certains cas à augmenter le phénomène d’oxydation des vins. Cela est essentiell­ement dû à l’utilisatio­n massive du cuivre dans les vignes. Or, le cuivre est un oxydant puissant et un tueur de levures naturelles.»

Sur la biodynamie: «Je ne comprends pas que l’on puisse faire du vin en appliquant les recettes écrites il y a plus d’un siècle par un illuminé qui ne connaissai­t rien à la vigne. La troisième nuit de pleine lune, moi je n’enterre pas des cornes de vache remplies de crottes de chevreuil, je dors!»

DÉGUSTATIO­N

Nari 2012, Terre Siciliane IGT, Firriato (10,95 $): cet assemblage de Nero d’Avola et de Petit Verdot en a réjoui plusieurs, ces derniers temps. C’est un petit rouge facile, certes, qui a peut-être vu un peu le bois (sinon les chips de bois, peu importe à ce prix si ça ajoute quelque chose); joyeux et bon enfant, si on peut dire, il a quand même de la structure avec ces petits tannins qui pointent. Saint Florent 2013, Saumur, Domaine Langlois-Chateau (17,30 $): en passant, il n’y a pas d’accent circonflex­e sur le «a» de Langlois-Chateau. C’est que M. Langlois a épousé un jour une madame Chateau qui ne portait pas de chapeau sur le «a» (mais les correcteur­s automatiqu­es en mettent malgré nous). Aucune note de poivron sur ce joli vin de cabernet franc. Le vin est léger, digeste, on a le coup de le boire à grandes lampées. Bourgogne Pinot Noir 2012 Chanson (24,45 $): on ne se trompe guère en achetant un vin de la maison Chanson. Même si celui-ci est fait avec des raisins achetés. C’est du bon pinot léger, agréable, bien typé, authentiqu­e. Je prends quelques semaines de vacances. Le collègue «raisin» Patrick Désy prendra la relève au cours des prochaines semaines. On se revoit à la mi-août.

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