Le Journal de Montreal - CASA

Un coup de carafe

Oui, c’est vrai, le meilleur moment pour ouvrir une bouteille, c’est encore juste avant de la boire. Mais il y a des cas de force majeure où le vin a besoin d’un bon coup d’air.

- LES VINS CLAUDE LANGLOIS Collaborat­ion spéciale claude. langlois@ quebecorme­dia.com

C’est

évidemment le cas quand le vin exhale dans le verre des odeurs bizarroïde­s de réduction (vieille serviette, caoutchouc, oeufs pourris, vieux choux…), ou de soufre ou d’acidité volatile.

Mais c’est aussi le cas (et c’est très fréquent) quand le vin est fermé comme une huître, comme on dit, autant au nez qu’en bouche.

Alors on lui donne un bon coup de carafe. On ne vide pas délicateme­nt le vin dans la carafe comme on le ferait si on décantait une vieille bouteille qui contiendra­it du dépôt.

On vide le liquide énergiquem­ent, de façon justement à l’oxygéner le plus possible.

En passant, quand un vin est bouchonné, le fait de le passer en carafe ne changera rien à l’affaire.

Mais quoi faire lorsqu’on n’a pas de carafe sous la main?

J’écrivais l’autre jour, en citant le professeur Émile Peynaud, que le fait d’ouvrir une bouteille 15 minutes ou trois heures avant de la servir ne permet en rien au vin de «respirer», car l’échange entre l’air et la surface de vin exposé est si petit que l’effet est à peu près nul.

SOUSTRAIRE LE VIN

Par contre on aura un certain résultat en soutirant de la bouteille l’équivalent d’un bon verre (deux c’est encore mieux), de façon à ce que la surface du vin soit minimaleme­nt au niveau de l’épaule de la bouteille, favorisant alors un meilleur échange avec l’air.

Déjà, après une quinzaine de minutes, on pourra noter dans le verre une différence.

Personnell­ement, avec les jeunes vins qui ne sont pas bavards, je les passe en carafe, j’attends une quinzaine de minutes, je les goûte une autre fois, et quand il n’y a toujours pas de changement ou si peu, je les transvide à nouveau dans leurs bouteilles d’origine. Et je re-goûte.

Vrai, il arrive que des vins ne résistent pas à ce traitement et «meurent» en quelque sorte dans le verre. C’est souvent le cas, constate-t-on après coup, de petits vins qui ne tenaient debout qu’en raison du SO2.

Mais c’est aussi là une bonne façon de savoir à quelle sorte de vin on a affaire.

Et quand après coup les vins commencent à se livrer, on est content d’avoir procédé ainsi.

Mais buvons un peu, comme dirait le

Reader’s Digest.

BLANCS

La Sablette 2014, Muscadet Sèvreet-Maine sur Lie (15,95 $): classique d’entre les classiques, ce muscadet sort encore son épingle du jeu avec brio dans ce millésime-ci; croquant, nerveux avec une belle sève fruitée, on ne s’en lasse pas. Il Bianco Decugnano 2011, Orvieto Classico Superiore (25,05 $): même après bientôt quatre ans de bouteilles, ce vin a encore du fringant, pour ne pas dire du croquant. Nerveux, mais avec un côté tendre, le vin a du gras et de la minéralité, une minéralité qui n’est pas sans rappeler celle du chablis. Et quand on y regarde de plus près, on se rend compte, en effet, que son sous-sol est aussi fait de coquillage­s et d’huîtres fossilisés. Ben, dis-don. J’adore.

ROUGES

Pinot Noir «Parfum» 2013, Niagara Peninsula, Bachelder (24,95 $): oui, Bachelder comme dans Thomas Bachelder évidemment, ce Montréalai­s qui fait maintenant du vin sous sa propre signature en Bourgogne, en Oregon et en Ontario (il a longtemps été le wine maker du Clos Jordanne et il signe aussi aujourd’hui les vins du Domaine Queylus). Le nez est relativeme­nt discret, mais affiche quand même un joli côté floral. La bouche est vineuse, le fruit est tendre, et un élevage discret apporte un petit côté «boisé-vanillé». Du bon pinot, qui a sa propre personnali­té. Felsina Berardenga 2012, Chianti Classico (27,80 $): moyennemen­t corsé, avec un léger côté torréfiéfu­mé que lui a apporté son séjour en barriques. Sérieux, équilibré, bien fait, c’est du vrai bon chianti.

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