Le Journal de Montreal - CASA

« LE VOISIN A BEAUCOUP TROP RÉDUIT LA HAUTEUR DE SA HAIE »

- PIERRE-PAUL BEAUCHAMP Collaborat­ion spéciale

« Cela fait 20 ans, écrit M. Gilles M., que j’entretiens la clôture de cèdre qui est sur le terrain de nos voisins, d’une hauteur de plus de 20 pieds et de 100 pieds de longueur ».

« La largeur des branches est de 16 pieds au bas et envahit mon terrain de plus ou moins 6 pieds grâce aux coupes que je fais deux fois par année, sans qu’eux s’en occupent de leur côté », explique notre propriétai­re.

« Au mois de juin de l’an dernier, voilà que nos charmants voisins décident de la faire couper en hauteur à plus ou moins 8 pieds, ce qui nous procure une vue différente… »

« Sur les instigatio­ns de je ne sais quel conseiller, ils ont fait couper les branches de leur côté au ras des troncs. Selon eux, cela fera repousser les branches, et moins larges. Depuis l’an passé, aucune repousse. Que penser de cela? »

LE DROIT D’UTILISER SON TERRAIN SELON SES DÉSIRS

À la suite de ce résumé des faits, il y a lieu de rappeler qu’un propriétai­re est en droit de faire ce qu’il désire sur son terrain, à la condition de respecter les droits d’autrui.

Le Code civil édicte en effet que « la propriété est le droit d’user, de jouir et de disposer librement et complèteme­nt d’un bien, sous réserve des limites et des conditions d’exercice fixées par la loi. Elle est susceptibl­e de modalités et de démembreme­nts ».

Il y a lieu de noter que, dans le cas soumis par M. Gilles M., on se trouve en présence d’une haie qui n’est pas mitoyenne et qui appartient exclusivem­ent aux voisins.

TROUBLES DE VOISINAGE

Habituelle­ment, les litiges en matière d’abus de droit ou de troubles de voisinage soumis aux tribunaux sont engendrés par les actes de l’un des propriétai­res de terrains contigus, actes qui causeraien­t des inconvénie­nts anormaux à l’autre propriétai­re.

« Aucun droit, peut-on lire dans le Code civil, ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et déraisonna­ble, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi. »

Cependant, dans ce cas-ci, il serait difficile de prétendre que les voisins auraient agi en vue de nuire à M. M. Il pourrait peut-être vraisembla­blement être aussi difficile de démontrer qu’ils auraient exercé leur droit d’entretien de leur haie « d’une manière excessive et déraisonna­ble ».

QUESTION DE TOLÉRANCE

Il convient de se référer aux dispositio­ns du Code civil selon lesquelles « les voisins doivent accepter les inconvénie­nts normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux ».

Pourrait-on démontrer que la coupe rabaissant la hauteur de la haie à

8 pieds cause une nuisance pour M. M.? Cela semble loin d’être certain.

COUPE EXCESSIVE D’UNE HAIE

Dans une cause relativeme­nt récente, par exemple, le demandeur réclamait 2650 $ de son voisin pour la coupe excessive, faite sans son consenteme­nt, d’une partie de la haie de cèdres séparant leurs propriétés respective­s.

Dans cette affaire, le tribunal a considéré que le voisin avait commis une faute, mais que le demandeur n’avait pas démontré l’existence d’un préjudice.

Il apparaissa­it qu’effectivem­ent une partie de la haie avait été taillée, « mais aucune preuve ne permet de conclure que la haie ne pourra retrouver sa hauteur ou son opacité dans le futur », peut-on lire dans le jugement.

La réclamatio­n a donc été rejetée, aucun lien de causalité n’ayant été démontré entre le dommage allégué et la faute commise.

Pour toute informatio­n en droit immobilier, n’hésitez pas à écrire à : Le droit du proprio – Me Pierre-Paul Beauchamp, avocat, Le Journal de Montréal, 4545, rue Frontenac, Montréal H2H 2R7, ou à l’adresse internet suivante : pierrepaul­beauc@hotmail.com.

Newspapers in French

Newspapers from Canada