Le Journal de Montreal - CASA

Aux petits soins avec nos couteaux

- PIERRE-PAUL BEAUCHAMP Collaborat­ion spéciale

« Mon voisin laisse pousser un arbuste, du genre branches d’un érable déjà coupé, sur la ligne séparatric­e de nos deux terrains, à partir de la rue et vers l’arrière de nos terrains sur au moins six pieds de long », écrit Mme Jocelyne F..

« Mon entrée de garage longe cette ligne. Le problème, pour atteindre la rue, est que je ne vois pas les autos ou cyclistes venir », explique la propriétai­re.

« Mon voisin n’est pas facile et je désire connaître mes droits avant même de lui parler. »

DE NOUVEAUX INCONVÉNIE­NTS DU VOISINAGE

Il convient de répondre à Mme Jocelyne F. qu’à première vue, l’article 976 du Code civil pourrait s’appliquer à son cas.

« Les voisins, énonce cet article, doivent accepter les inconvénie­nts normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux. »

Dans une décision récente, la Cour d’appel mentionne que l’article 976 du Code civil « oblige les voisins à accepter les inconvénie­nts normaux du voisinage, que ces inconvénie­nts soient occasionné­s par des voisins nouveaux ou anciens ou qu’ils découlent d’un usage récent ou ancien ».

« Ainsi, poursuit le tribunal, le voisinage peut occasionne­r de nouveaux inconvénie­nts avec lesquels il faudra composer lorsque ces inconvénie­nts peuvent être qualifiés de normaux pour le voisinage. »

« En revanche, “les inconvénie­nts normaux du voisinage” ne doivent pas être déterminés dans l’abstrait, mais plutôt en tenant compte de l’environnem­ent dans lequel un abus de droit se serait matérialis­é. Les limites de la tolérance que se doivent les voisins seront tracées “suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux”. »

INCOMMODÉS PAR LES AIGUILLES D’UN PIN

Comme le souligne le magistrat dans un jugement rendu il y a trois mois,

« la déterminat­ion du caractère normal ou anormal d’un trouble de voisinage relève du pouvoir d’appréciati­on du Tribunal ».

Dans cette cause fort récente, les demandeurs alléguaien­t « être grandement incommodés par le pin blanc dont les branches surplomben­t sur une partie de leur stationnem­ent ».

Ils précisaien­t que le pin en question perdait ses aiguilles environ une fois par année et que sa sève pouvait tomber sur leurs automobile­s. Cela, disaient-ils, les obligeait à nettoyer leurs autos, leur terrain et leur propriété « et ce, de façon régulière ».

« Pour le Tribunal, lit-on dans le jugement, ces situations ne sont pas des troubles anormaux du voisinage, mais d’une conséquenc­e normale liée à la vie en milieu urbain. »

« […] Le Tribunal retient de la preuve que le pin blanc des Défendeurs est sain. Le seul phénomène naturel en cause est la chute des aiguilles et de la sève. »

ABSENCE DE DOMMAGE PERMANENT

« […] Même si certains inconvénie­nts existent, ils ne rencontren­t pas la gravité requise par le Code civil du Québec pour constituer un trouble de voisinage. »

« […] Dans son évaluation, le Tribunal retient qu’aucun dommage permanent n’est causé à la propriété des Demandeurs tant par les salissures que par la présence des aiguilles du pin blanc. »

« En somme, conclut le tribunal au sujet des allégation­s des demandeurs à ce sujet, la perte des aiguilles n’est pas un trouble et inconvénie­nt déraisonna­ble. »

Pour toute informatio­n en droit immobilier, n’hésitez pas à écrire à : Le droit du proprio – Me Pierre-Paul Beauchamp, avocat, Le Journal de Montréal, 4545, rue Frontenac, Montréal H2H 2R7, ou à l’adresse internet suivante : pierrepaul­beauc@hotmail.com.

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