Aux petits soins avec nos couteaux
« Mon voisin laisse pousser un arbuste, du genre branches d’un érable déjà coupé, sur la ligne séparatrice de nos deux terrains, à partir de la rue et vers l’arrière de nos terrains sur au moins six pieds de long », écrit Mme Jocelyne F..
« Mon entrée de garage longe cette ligne. Le problème, pour atteindre la rue, est que je ne vois pas les autos ou cyclistes venir », explique la propriétaire.
« Mon voisin n’est pas facile et je désire connaître mes droits avant même de lui parler. »
DE NOUVEAUX INCONVÉNIENTS DU VOISINAGE
Il convient de répondre à Mme Jocelyne F. qu’à première vue, l’article 976 du Code civil pourrait s’appliquer à son cas.
« Les voisins, énonce cet article, doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux. »
Dans une décision récente, la Cour d’appel mentionne que l’article 976 du Code civil « oblige les voisins à accepter les inconvénients normaux du voisinage, que ces inconvénients soient occasionnés par des voisins nouveaux ou anciens ou qu’ils découlent d’un usage récent ou ancien ».
« Ainsi, poursuit le tribunal, le voisinage peut occasionner de nouveaux inconvénients avec lesquels il faudra composer lorsque ces inconvénients peuvent être qualifiés de normaux pour le voisinage. »
« En revanche, “les inconvénients normaux du voisinage” ne doivent pas être déterminés dans l’abstrait, mais plutôt en tenant compte de l’environnement dans lequel un abus de droit se serait matérialisé. Les limites de la tolérance que se doivent les voisins seront tracées “suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux”. »
INCOMMODÉS PAR LES AIGUILLES D’UN PIN
Comme le souligne le magistrat dans un jugement rendu il y a trois mois,
« la détermination du caractère normal ou anormal d’un trouble de voisinage relève du pouvoir d’appréciation du Tribunal ».
Dans cette cause fort récente, les demandeurs alléguaient « être grandement incommodés par le pin blanc dont les branches surplombent sur une partie de leur stationnement ».
Ils précisaient que le pin en question perdait ses aiguilles environ une fois par année et que sa sève pouvait tomber sur leurs automobiles. Cela, disaient-ils, les obligeait à nettoyer leurs autos, leur terrain et leur propriété « et ce, de façon régulière ».
« Pour le Tribunal, lit-on dans le jugement, ces situations ne sont pas des troubles anormaux du voisinage, mais d’une conséquence normale liée à la vie en milieu urbain. »
« […] Le Tribunal retient de la preuve que le pin blanc des Défendeurs est sain. Le seul phénomène naturel en cause est la chute des aiguilles et de la sève. »
ABSENCE DE DOMMAGE PERMANENT
« […] Même si certains inconvénients existent, ils ne rencontrent pas la gravité requise par le Code civil du Québec pour constituer un trouble de voisinage. »
« […] Dans son évaluation, le Tribunal retient qu’aucun dommage permanent n’est causé à la propriété des Demandeurs tant par les salissures que par la présence des aiguilles du pin blanc. »
« En somme, conclut le tribunal au sujet des allégations des demandeurs à ce sujet, la perte des aiguilles n’est pas un trouble et inconvénient déraisonnable. »
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