Le Journal de Montreal - Évasion
La plus malouine des sépultures !
Voilà probablement le plus enviable des tombeaux ! Oubliez les Pharaons et leurs pyramides. Oubliez aussi les grands disparus gisant au Panthéon !
Non, le grand écrivain français René de Chateaubriand, natif de Saint-Malo, a voulu reposer dans son village natal, sur une petite île dans la mer, à l’écart. Quiconque visite Saint-Malo peut attendre la marée basse pour accéder au tombeau de Chateaubriand à pied. Attention de ne pas demeurer là pendant la marée haute qui remonte rapidement ! Vous risqueriez de vous ennuyer en compagnie du célèbre défunt…
Imaginez-vous donc que Chateaubriand a prévu plus de vingt ans avant sa mort de reposer ici. Il a demandé la permission au conseil municipal d’occuper ce lopin face à la mer dans l’île du Grand Bé. Il s’est fait dire non ! Sa requête semblait excentrique. Il voulait un monument face à la mer tumultueuse. Mais le grand écrivain avait ses admirateurs, et, une dizaine d’années avant sa mort en 1848, il a eu l’aval des autorités. Bref, il se préoccupait vraiment de savoir où il reposerait, ce qui n’est peut-être pas étonnant venant d’un écrivain dont l’oeuvre la plus célèbre demeure les Mémoires
d’outre-tombe. Chateaubriand a eu maille à partir avec un autre grand homme de son temps : Napoléon. Ennemi de celui-ci presque toute sa vie, il s’en est repenti plus tard lorsqu’il a compris que Napoléon visait vraiment à unir l’Europe.
C’était avant l’époque du tourisme, et les notables de Saint-Malo ne pouvaient pas prévoir que le tombeau de Chateaubriand deviendrait un attrait majeur. Mieux encore : le Panthéon situé à Paris aurait certainement réclamé la dépouille du grand écrivain si ce dernier n’avait pas à ce point préparé sa propre sépulture maritime. Maintenant, on n’ose plus le « déranger »…
René de Chateaubriand serait-il heureux de savoir que des « touristes » qui parfois ignorent tout de lui vont jacasser et se prendre en photos près de sa tombe ? Sans doute pas !