Le Journal de Montreal - Weekend

DENIS CÔTÉ, EN TOUTE LIBERTÉ

Après Curling, le cinéaste Denis Côté a eu besoin de commettre un « acte de liberté absolue », réalisé sans aucune contrainte. Ce film contemplat­if tourné en huit jours au Parc Safari sera présenté en ouverture des 30es Rendez-vous du cinéma québécois, ap

- Maxime Demers MAXIME.DEMERS@JOURNALMTL.COM

« Bestiaire a été tourné en réaction à Curling, un peu comme Carcasses avait été tourné à l’époque en réaction à Elle veut le chaos, explique Denis Côté, en entrevue téléphoniq­ue depuis Pantin, en banlieue de Paris, ou avait lieu plus tôt cette semaine une rétrospect­ive de son oeuvre.

« Avant la sortie de Curling (son film le plus accessible à ce jour, présenté dans plus de 60 festivals dans le monde), le distribute­ur m’avait mis une main sur l’épaule en me disant qu’il avait investi pas mal de sous sur la promotion du film, qu’il ne s’attendait pas nécessaire­ment à faire de gros profits au box-office, mais qu’il ne voulait pas perdre d’argent non plus. Mine de rien, ça te met une certaine pression…

« Après cette expérience, j’ai donc eu envie de me détacher de ce type de pression et de me laisser aller en totale liberté. Bestiaire, c’est ça. On a tourné le film pour s’amuser au zoo. »

L’idée de Bestiaire a aussi pris naissance lors du tournage de Curling. Denis Côté et son équipe s’étaient rendus au Parc Safari pour filmer quelques plans d’un tigre.

« Quand on a eu terminé, les gens du Parc Safari m’ont dit : “Tu reviens quand tu veux.” Ça m’a travaillé et je me suis mis à réfléchir sur ce que je pourrais faire en tournant dans un zoo. »

Le Conseil des arts du Québec a embarqué dans l’aventure et a accordé une bourse au cinéaste montréalai­s. L’école de cinéma Le Fresnoy, « l’équi- valent de L’INIS (Institut national de l’image et du son) en France », a également appuyé le projet.

« Le Fresnoy m’a engagé pour donner quelques cours et a accepté de fournir 20 000 euros pour la production du film, explique Côté. En échange, on est allé mixer le film là-bas. »

NI FICTION, NI DOCUMENTAI­RE

Véritable ovni, Bestiaire a donc été tourné en huit jours au Parc Safari, en janvier et en août 2011. Le film se penche de façon poétique et minimalist­e sur la relation entre humains et animaux.

« De nos jours, on regarde les animaux pour rire dans des vidéos sur Youtube ou on les voit parler comme des humains dans des films d’animation américains. Moi, j’ai voulu filmer des êtres vivants qui mangent, qui dorment, qui n’ont pas d’activité intellectu­elle, explique Côté.

« Ce n’est ni un documentai­re ni une fiction. C’est plus proche du film d’art et d’essai. Quand on montait le film, j’ai dit au monteur que je voulais qu’un enfant de quatre ans puisse être fasciné en le regardant. C’est un film super naïf, mais on peut aussi l’intellectu­aliser à outrance. C’est très subjectif. »

Denis Côté refuse d’ailleurs qu’on prête à son film toute forme de prise de position :

« Je ne suis pas militant, je ne suis pas un amoureux des animaux. Chacun voit le film différemme­nt, à sa façon, selon ses conviction­s. Si, en voyant le film, tu te dis que les animaux sont tristes, c’est ton problème. Dans ce sens, Bestiaire est un objet interactif.

« Après la présentati­on du film à Sundance, il y a une dame qui m’a dit : “Ce n’est pas un film sur les animaux, c’est un film sur la place des spectateur­s au cinéma.” J’étais content d’entendre ça, parce que je suis tout à fait d’accord avec elle. »

SPECTATEUR­S CHOQUÉS

Il reste que, jusqu’à maintenant, le film choque. À Sundance, une spectatric­e a dit à Côté que son film était « répugnant ».

« C’est vrai que, jusqu’à maintenant, il y a des gens qui sont choqués par la façon dont ils perçoivent la représenta­tion des animaux dans le film. Mais ce n’était pas mon but. Mon regard était froid, neutre. »

Bestiaire a été présenté en première mondiale au Festival de Sundance (Utah) il y a deux semaines. Il a eu droit à sa première européenne, hier, à la prestigieu­se Berlinale (Allemagne), dans la section Forum, et il sera présenté en ouverture des Rendez-vous du cinéma québécois, mercredi.

« Franchemen­t, je salue l’audace des gens des Rendez-vous d’avoir choisi cet objet pour leur soirée d’ouverture. On ne peut pas dire que c’est un film particuliè­rement rassembleu­r… »

Bestiaire sera présenté en ouverture des 30es Rendez-vous du cinéma québécois, mercredi (le 15 février).

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30ES RENDEZ-VOUS DU CINÉMA QUÉBÉCOIS
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