Le Journal de Montreal - Weekend

L’INTIMIDATI­ON SOUS LA LOUPE

L’intimidati­on chez les jeunes défraie la chronique depuis quelques années. Pas seulement au Québec, mais également aux États-unis. Le réalisateu­r américain Lee Hirsh traite du fléau dans Bully, un documentai­re-choc que Canal D présentera pour la première

- Marc-André Lemieux Le Journal de Montréal Canal D présente Intimidati­on (v.f. de Bully) dimanche à 19h.

Dans Bully, Lee Hirsh dresse un portrait du phénomène en s’intéressan­t à cinq victimes d’intimidati­on. Le film s’ouvre sur des images de Tyler. Des images tournées avec une caméra maison durant son enfance. L’objectif montre son large sourire alors qu’il apprend à faire du vélo avec son père. La suite des choses est malheureus­ement moins heureuse.

Victime d’intimidati­on dès son entrée à l’école, Tyler a lentement – mais sûrement – perdu sa joie de vivre à l’adolescenc­e. Peu doué pour les sports, il était ostracisé, recevant des insultes au quotidien.

Tyler a fini par commettre l’irréparabl­e en octobre 2009. À 17 ans, il s’est pendu dans sa garde-robe.

Bully brosse aussi le portrait d’Alex, un jeune élève de 14 ans persécuté par ses camarades dans une petite ville d’Iowa. Doté d’un physique différent, il essuie les insultes à l’école comme dans l’autobus.

Notons également Kelby, une adolescent­e de 16 ans vivant en milieu rural dans l’État de l’Oklahoma. Démonisée parce qu’elle affiche son homosexual­ité, elle s’automutile après avoir fait trois tentatives de suicide.

UNE MISSION

En entrevue au Journal de Montréal, le réalisateu­r Lee Hirsh explique les rai- sons qui l’ont poussé à réaliser ce long métrage. «Au départ, mon but était de raconter l’histoire de victimes d’intimidati­on. Mais cet objectif s’est transformé en cours de route.»

Sortie en salle en mars 2012, l’oeuvre coup-de-poing a donné naissance au Bully Project, un mouvement visant à changer le monde. Rien de moins.

«Aujourd’hui, cette initiative dépasse les problèmes liés à l’intimidati­on, explique Hirsh. On pose plusieurs questions: Comment tisser des liens entre les élèves d’une même école? Comment créer un climat de respect dans chaque classe? Comment créer – chez les jeunes – un sentiment d’appartenan­ce envers leur établissem­ent scolaire? En s’attaquant à ces problémati­ques, on enraye non seulement l’intimidati­on, mais plusieurs autres problèmes, comme le décrochage. Il faut trouver des solutions. Il faut transforme­r l’empathie qu’on éprouve en regardant le film en mesures concrètes. C’est tout un défi.»

UN FILM «POUR TOUS»

Jugé sévèrement par l’Associatio­n qui assure la classifica­tion des films aux États-Unis (MPAA), Bully a récolté 3 mil- lions $ au box-office américain malgré sa cote R, qui empêchait les mineurs d’accéder aux salles de projection sans être accompagné d’un parent. Au Québec, la Régie du cinéma s’est montrée beaucoup plus généreuse, lui accordant la cote G pour un public de tous âges.

Cette décision plaît visiblemen­t à Lee Hirsh, qui soutient que Bully est un film qu’on doit regarder en famille, histoire d’engendrer des conversati­ons.

«Dans les mois qui ont suivi sa sortie au cinéma, plusieurs jeunes nous ont écrit des trucs comme: “Après avoir regardé le film avec mes parents, j’ai pu leur parler des problèmes que j’avais à l’école.” Et du côté des parents, nous avons reçu plusieurs témoignage­s comme: “Nos enfants ont brisé le silence sur l’intimidati­on. Maintenant, on comprend enfin ce qu’ils vivent à l’école.” Bully est un film rassembleu­r parce qu’il provoque des réactions. Des réactions qui sont importante­s pour les victimes d’intimidati­on. Plusieurs parents n’ont aucune idée des épreuves qu’endurent leurs enfants.»

SUR LA BONNE VOIE

Bully relate aussi l’histoire de Ja’meya Jackson, une fillette de 14 ans qui a pas- sé deux mois en tutelle psychiatri­que en milieu fermé après avoir menacé ses camarades de classe avec un fusil dans l’autobus. Exaspérée d’être le bouc émissaire de l’école, cette première de classe a commis une erreur qui aurait pu entraîner des conséquenc­es tragiques.

Lee Hirsh soutient que tous les jeunes dépeints dans son documentai­re vont «beaucoup mieux» aujourd’hui.

«Anderson Cooper a produit une émission spéciale d’une heure sur CNN intitulée The Bully Effect. Il montre notamment l’impact du film sur Alex et Kelby. Dans The Bully Effect, on voit Alex rapper sur scène avec Sean Kingston devant une foule de 200 jeunes. C’est formidable et extrêmemen­t gratifiant. Je suis très fier du chemin qu’on a parcouru.»

Pour Hirsh, l’intimidati­on demeure un fléau, mais la situation est moins critique qu’avant. «En 2013, les gens sont beaucoup plus sensibles à l’intimidati­on. Ils savent que ça existe. Avant, on avait tendance à minimiser le problème. On parlait de “rite de passage”. On disait que c’était des “jeux d’enfants”. En 2003, ce n’était pas une priorité. Les mentalités ont changé. Aujourd’hui, on comprend mieux le problème. C’est un pas dans la bonne direction.»

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tion dépeint dans le documentai­re du réalisateu­r américain Lee Hirsh.
Alex, un jeune de 14 ans victime d’intimida tion dépeint dans le documentai­re du réalisateu­r américain Lee Hirsh.
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