Le Journal de Montreal - Weekend
Ai-je enfin trouvé une femme intuitive ?
Je vais savoir seulement dans quelques jours si j’ai enfin trouvé la femme qui puisse faire preuve d’intuition pour mon cadeau de Noël. Quand je pense que les femmes se vantent toujours d’être les championnes de l’intuition. Lisez seulement l’histoire de ma longue vie conjugale et vous verrez que l’intuition n’est pas le propre de l’autre sexe.
Chaque jour de Noël, combien d’hommes à travers le monde retrouvent sous le sapin des cravates dont ils ne savent que faire, puisqu’on en porte de moins en moins? Combien reçoivent une chemise rose bonbon ou bleu poudre? Je connais même des hommes qui reçoivent en cadeau de couteux mouchoirs en coton égyptien, alors qu’ils se mouchent avec des kleenex depuis leur tendre enfance! Bonjour, l’intuition féminine! Ma première femme était la spécialiste des cadeaux qui laissent bouche bée.
LE CHAPEAU DE MON PÈRE
Durant tout l’automne, elle n’avait pas cessé de me répéter que je devrais arrêter de me promener nu-tête l’hiver. «C’est pour ça que t’as toujours le rhume!» Soupçonnant qu’elle me donnerait un couvre-chef pour Noël, chaque fois que je voyais un homme avec un beau hombourg, je lui soulignais à quel point ces chapeaux sont élégants pour un homme. Mon père, par exemple, ne sortait jamais sans son chapeau de feutre mou. Me semblait que j’aurais fière allure avec un chapeau comme le sien sur la tête. Vous savez ce que ma femme m’a donné comme cadeau de Noël? Une tuque des Canadiens, comme celle que Jacques Plante avait popularisée! Elle a même eu le culot d’ajouter:
«J’ai failli t’acheter un hombourg, mais t’es bien trop jeune pour porter un chapeau! Puis, t’aimes tellement Jacques Plante, c’est ton idole!»
Devant tant d’incompréhension, j’ai changé de femme!
Ma deuxième, hélas! n’a pas montré plus d’intuition que la première.
LA PHOTO DE MA FEMME
L’année où Polaroid a mis sur le marché son appareil-photo couleur, pas une semaine n’a passé sans que je parle à ma femme du plaisir que nous aurions à avoir des photos instantanées plutôt qu’aller porter des bobines à la pharmacie pour récupérer nos photos une semaine plus tard.
À Noël, au lieu de recevoir le bel appareil-photo Polaroid que j’espérais et dont j’avais tant parlé, vous savez ce qui m’attendait sous le sapin? Une photo de mes enfants et de ma femme (qui n’était même pas leur mère) qu’elle avait fait prendre et encadrer chez Eaton! «Tu m’as convaincu du plaisir que tu éprouverais d’avoir une belle photo de famille. J’espère que tu vas la placer bien en évidence dans ton bureau!» Une photo de ma femme et de mes enfants sur mon pupitre, au moment même où je tentais depuis des mois de séduire ma nouvelle secrétaire! Devant tant d’incompréhension, j’ai changé de femme encore une fois!
L’ENCYCLOPÉDIE BRITANNICA
Plusieurs semaines avant Noël, j’ai commencé à parler à Louise de l’importance pour un auteur comme moi de posséder l’encyclopédie Britannica. C’est une mine inépuisable de renseignements. J’ai même fait, très ostensiblement, le ménage de ma bibliothèque. Je me suis débarrassé de dizaines de livres que j’ai donnés à la bibliothèque municipale de St-Paul d’Abbotsford.
«De cette manière, ai-je dit à Louise, j’aurai de la place pour ranger mes livres de référence, mes dictionnaires et peut-être une encyclopédie...»
Devinez ce que j’ai reçu à Noël? Un mot de passe pour une banque de données qui s’appelait Infodex et 30 heures d’utilisation prépayées!
«Je voulais te donner l’encyclopédie Britannica, m’a dit Louise, mais chez Renaud-Bray, on m’a dit qu’à l’ère de l’informatique, les encyclopédies, c’est dépassé.»
Dépassé? Peut-être, mais n’empêche que pour profiter de cette banque de données et des 30 heures déjà payées, j’ai dû acheter un modem de 258 $ plus taxes. Non seulement c’était affreusement compliqué d’accéder à la banque de données, mais quand j’y arrivais, la ligne coupait après quelques minutes. Je n’ai jamais pu utiliser les 30 heures déjà payées.
Devant tant d’incompréhension, j’ai changé de femme encore une fois.
PUIS, UN LECTEUR DVD
Au moins six mois avant Noël, j’ai commencé à parler à ma nouvelle femme des avantages extraordinaires de posséder un lecteur DVD. «Comme on est déjà équipé d’un cinéma maison, ça serait formidable de se débarrasser de toutes nos cassettes et de regarder nos films sur un disque DVD. Paraît que c’est aussi bon que dans une vraie salle de cinéma.»
Même si elle avait paru saisir tout de suite où je voulais en venir, je suis revenu au moins deux ou trois fois sur le sujet. Devinez ce qu’il y avait pour moi sous le sapin, ce Noël-là? Quatre disques DVD!
«Comme t’as l’intention d’acheter un lecteur DVD, m’a-t-elle dit, j’ai pensé que ces quatre disques vont nous faire un bon départ!»
Cette fois-là, j’ai décidé d’être moins patient et j’ai changé de femme tout de suite.
AURA-T-ELLE COMPRIS ?
Nous ne sommes plus qu’à quelques jours des étrennes. Est-ce que j’aurai enfin le téléviseur intelligent LED 60 pouces 3D que j’espère? J’en parle à Maryse depuis le mois d’octobre, tout en lui soulignant les nombreux avantages de posséder un téléviseur qui se branche directement à internet. Sans fil, s’il vous plaît. En plus, un téléviseur qui obéit au doigt et à l’oeil.
Je croise les doigts. Mais j’ai confiance, car la première chose que Maryse fait le samedi matin, c’est lire cette page. Il reste tout de même encore quatre jours de magasinage avant Noël.