Le Journal de Montreal - Weekend
SOUVENIRS DE VOYAGES
En Corée du Nord, je suis retombé en enfance. Oui, comme au pensionnat jadis, mon groupe et moi – une vingtaine de gens – étions totalement dépourvus de liberté de mouvement. Nous étions obligés de suivre scrupuleusement le plan de voyage. On nous disait où nous asseoir, où ne pas aller, quoi ne pas regarder. On nous disait d’admirer le pays, mais quiconque sortait son appareil-photo faisait faire de l’urticaire aux guides.
Jamais je n’ai eu autant l’impression d’être un pur spectateur devant des scènes qui m’étaient totalement étrangères.
Les Nord-Coréens, uniformément vêtus de noir et de gris, nous étaient inaccessibles. Par milliers, à pied ou à vélo, ils allaient en silence, sans brouhaha, au travail. Les enfants pendant la récréation? En rang, ils faisaient de la gymnastique. Pas question de les laisser jouer librement! Quoique ce pays qui n’aime pas les États-Unis raffole néanmoins du basketball...
Imaginez le sentiment que nous éprouvions lorsque des milliers gens passaient près de nous sans daigner nous lancer un seul regard.
En Iran, les gens s’enthousiasment et vous parlent. Presque partout sur Terre, la curiosité l’emporte. En Corée du Nord, celui qui nous aurait parlé – ou qui aurait osé répondre à nos salutations – aurait eu droit à un interrogatoire en règle, voire à une punition.
Malheur ici à ces tempéraments qui ont le flirt facile… Ils se feront mettre dehors à coups de pied dans le derrière!
Notre guide-adjoint, un jeune Coréen qui parlait l’anglais, servait de mouchard. Il nous surveillait et rapportait nos écarts. À un certain moment, on m’a dit: «Monsieur Proulx, si vous sortez du rang ou ne suivez pas le groupe, on va vous renvoyer à l’aéroport.»
Un jeune Hollandais insupportable dans mon groupe n’arrêtait pas de m’engueuler parce qu’il me reprochait de ne pas suivre aveuglément les guides. Dommage que ce jeune mouton ne soit pas né en Corée du Nord, il se serait senti chez lui.
Quel étrange pays que cette Corée communiste qui veut des touristes… et qui fait tout pour les empêcher de se comporter comme tel! J’avais l’impression d’être un poisson dans un aquarium, confiné, coupé du reste du monde.