Le Journal de Montreal - Weekend
KALAHARI, DÉSERT DE VIE
Voici une semaine que j’explore le nord-ouest du parc national transfrontalier de Kgalagadi, au sud du Botswana, une immense zone sauvage parmi les plus préservées d’Afrique, au coeur de la zone semi-désertique du Kalahari.
En cette fin d’après-midi, le mercure redescend un peu. Il fait encore 36 °C sous l’ombrage de ce grand acacia multiséculaire en bordure de la savane d’un gigantesque pan.
Les pans sont des dépressions qui se remplissent occasionnellement d’eau à la saison des pluies, mais qui sont toujours à sec durant la saison sèche, et parfois même pendant plusieurs années consécutives.
La journée a été très chaude et de gros nuages sombres s’accumulent à l’horizon. Soudain, les premiers coups de tonnerre grondent au-dessus du bush. Les bourrasques se lèvent et le déluge commence. Quinze minutes de furie des éléments, d’eau, de grêle et de vent, viennent assombrir l’environnement et radicalement contraster avec les conditions météo de la journée.
Puis tout s’arrête, aussi spontanément que le commencement. Les lumières reviennent. Rougeoyantes, elles se mêlent désormais aux nuages de soirée.
L’odeur de la végétation mouillée embaume le bush rafraîchi par cette violente, mais éphémère tempête, qui a sorti un lion à crinière noire de sa torpeur.
Les températures sont tombées de 10 degrés et il s’ébroue dans la savane claire du pan à 300 m de moi. En l’observant aux jumelles, je le vois entamer une reconnaissance de son territoire. Les longs et puissants appels de cet énorme mâle au pelage foncé portent très loin dans le bush. Il traverse le pan d’un rapide pas en ma direction. Puissant, superbe, il passe à une centaine de mètres devant le 4 x 4 pour disparaître derrière une dune ocre du Kalahari.
LA SOLITUDE DU DÉSERT
L’immensité et la virginité du paysage, l’omniprésence des lions et des léopards ainsi que la solitude viennent renforcer ce sentiment d’isolement et de béatitude que je ressens en ces lieux extrêmement peu fréquentés.
Depuis presque une semaine, je n’ai pas croisé le moindre véhicule sur ces petites pistes au bout du monde.
C’est une bénédiction dans ce monde sauvage oublié des démons, bénis des dieux.
De petits groupes de springboks se rassemblent dans la savane des pans, dont les lisières sont entourées par un bush arbustif très dense et des acacias de 1000 à 1500 ans en moyenne.
De ma tente, surélevée sur le toit du 4 x 4, je contemple la savane progressivement plongée dans le crépuscule. Une imposante silhouette de hyène tachetée passe calmement. Les sons du bush changent, le comportement animal aussi. Il devient plus intrusif et inquisiteur qu’au cours du jour.
Une nuit d’encre englobe maintenant la tente et je ferme la porte pour m’endormir à l’abri des moustiquaires. Demain, des lions, un guépard ou un léopard