Le Journal de Montreal - Weekend
DES RÔLES PAS À LA HAUTEUR DES TALENTS
Une histoire d’amitié entre un écrivain et son éditeur ne parvient pas à intéresser en dépit de la présence d’une pléthore de vedettes, dont Jude Law, Colin Firth ou Nicole Kidman.
Le nom de Thomas Wolfe (Jude Law) ne vous dit probablement rien. Pourtant, cet auteur américain du début du XXe siècle a été qualifié par William Faulkner de plus grand talent de sa génération. C’est donc sur cet écrivain bien peu connu que le scénariste John Logan a décidé de se concentrer, tirant son inspiration de l’ouvrage Max Perkins: Editor of Genius de A. Scott Berg. Car Genius n’est pas du tout un film biographique, mais l’examen de l’amitié qui lia Thomas Wolfe à Maxwell Perkins (Colin Firth), son éditeur.
Sujet pointu s’il en est un, porté à l’écran par Michael Grandage, connu chez les Britanniques pour son travail au théâtre (il possède d’ailleurs sa propre compagnie et signe ici son premier long métrage), influence qui se sent dans la manière dont tous les acteurs appréhendent leurs rôles, c’est-à-dire tour à tour compassé, rigide et excessivement sérieux.
L’ÉDITEUR DE HEMINGWAY
Les premières minutes s’ouvrent sur les annotations qu’effectue Maxwell Perkins sur le manuscrit de Thomas Wolfe, document qui deviendra Look Homeward, Angel, A Story of the Buried Life (titré de différentes manières en français, la dernière traduction étant L’Ange exilé, une histoire de la vie ensevelie). Si ce genre de scène est extrêmement intéressante – Perkins est l’éditeur d’Ernest Hemingway (Dominic West) et de Scott Fitzgerald (Guy Pearce), vous imaginez ce que ça donne lorsqu’il décide de corriger l’un des manuscrits d’Hemingway –, le reste se prête difficilement au grand écran.
Car le coeur du film, outre l’amitié profonde qui se développe entre les deux hommes, complémentaires par leur travail, est l’édition de Of Time and the River (le titre français de l’édition la plus récente est Le Temps et le fleuve).
PERSONNAGES CARICATURÉS
Tant Maxwell que Thomas en deviennent rapidement caricaturaux, l’un écrivant compulsivement, et l’autre se réfugiant jusque dans un placard pour éditer des textes. On note également la présence à l’écran de Nicole Kidman en maîtresse, muse et bienfaitrice ainsi que Laura Linney en femme de Maxwell, les deux actrices ayant ici des rôles qui sont loin d’être à la hauteur de leur talent.
De surcroît, le film est baigné dans une couleur vaguement sépia, propice à cette période, mais dont l’effet, au bout de 104 minutes exaspère prodigieusement, car il donne, à l’ensemble du long métrage, un aspect suranné. Bref, la distribution est alléchante, mais Genius - pourtant présenté à la Berlinale – ne laisse aucun souvenir.