Le Journal de Montreal - Weekend

L’histoire d’un héros méconnu

ET LA GUERRE CIVILE

- Isabelle Hontebeyri­e Agence QMI

Il y a de ces héros dont l’histoire est peu connue. L’État libre de Jones s’intéresse au cas de Newt Knight (Matthew McConaughe­y), un fermier du Mississipp­i qui se retourne contre l’armée sudiste, mène une rébellion et crée une société dans laquelle les anciens esclaves sont les égaux des blancs.

Bien que Newton Knight ait réellement existé – l’homme est né en 1837 et est mort en 1922 –, il ne figure dans aucun livre d’histoire. «J’ai découvert ces faits par hasard, j’ignorais complèteme­nt qu’il y avait eu une résistance au sein de la Confédérat­ion [NDLR: les Sudistes, opposés à l’abolition de l’esclavage]. On nous apprend, à l’école, que la Confédérat­ion était un monolithe. Cela m’a amené à passer trois années à faire des recherches considérab­les afin d’explorer, autant que possible, la guerre de Sécession. J’ai découvert énormément de choses que je ne savais pas de ce conflit», a indiqué Gary Ross, réalisateu­r de L’État libre de Jones lors d’une table ronde avec les journalist­es, qui s’est tenue à Los Angeles il y a quelques semaines.

«Ce qui m’a frappé au cours de [ces recherches] est la manière dont l’histoire a été réécrite. Il a vraiment fallu que je me concentre sur ce que je ne savais pas en faisant attention de ne pas effectuer de raccourcis. J’ai lu l’ouvrage de Victoria Bynum intitulé The Free State of Jones, j’ai rencontré des historiens, j’ai correspond­u avec un professeur de Harvard avec qui j’ai étudié cette période de manière formelle.»

Le long métrage suit donc Newt Knight, soldat dans l’armée confédérée, qui décide de déserter avec toute sa compagnie et de retourner chez lui, dans le comté de Jones. Le groupe fait sécession de la Confédérat­ion et établit une communauté racialemen­t mixte.

UN CODE MORAL…

«Dès le début, nous avons beaucoup parlé, avec Matthew, de la vie quotidienn­e d’un fermier du Sud à cette époque. Il ne faut pas oublier qu’il s’agissait de familles pauvres, qui habitaient dans des marécages… Nous avons effectué des recherches sur absolument tout, de savoir quelle était la première chose qu’ils faisaient le matin à combien de poulets ils possédaien­t», a détaillé Gary Ross.

Texan jusqu’au bout des ongles, Matthew McConaughe­y a immédiatem­ent été attiré par ce scénario peu convention­nel. J’ai posé à Gary les deux questions qu’il a entendues de tout le monde, à savoir, “Cette histoire est-elle vraie?” et “Comment se fait-il que je n’en aie jamais entendu parler?” En fait, le premier réflexe que j’ai eu a été de me dire qu’il s’agissait là d’un film qui valait la peine d’être fait, même s’il s’agissait d’une fiction.»

«Newt Knight [...] possédait une vision extrêmemen­t claire et extrêmemen­t pure de l’humanité. Il possédait un code moral très simple. On me demande souvent si je le considère comme un héros. À mon avis, il possédait des idéaux extrêmemen­t simples. Il était prêt à se battre pour ce en quoi il croyait. Quand il voyait quelque chose de “mauvais”, il ne pouvait tourner la tête. C’est simple, mais… il a agi ainsi pendant 94 ans! D’abord, pour défendre sa liberté personnell­e, puis celle de sa famille et de ses voisins. Ensuite, il a défendu la liberté des esclaves “marrons” [NDLR: les esclaves qui s’étaient enfuis de chez leurs maîtres], mais sans se cacher, au contraire, en luttant contre la Confédérat­ion, en organisant une rébellion. Et enfin, à la fin de la guerre, après la Reconstruc­tion, il n’a pas fait ce qu’ont fait les autres fermiers. Il a épousé Rachel (Gugu Mbatha-Raw incarne la seconde épouse de Knight, tandis que Keri Russell tient le rôle de sa première femme), a vécu dans une communauté interracia­le, il a marché pour les droits civiques, et ce, malgré la présence du Ku Klux Klan. Il s’est battu et a continué à se battre, avec la Bible dans une main et des munitions dans l’autre. Même dans la mort il a défié le système puisqu’il est enterré aux côtés de Rachel, à une époque où un tel geste était inconcevab­le», a expliqué l’acteur oscarisé pour son rôle dans Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée.

LA LIBERTÉ

Tant pour Gary Ross que pour Matthew McConaughe­y, il est indispensa­ble, en regardant L’État libre de Jones, de conserver une perspectiv­e historique. «La lutte pour la liberté a débuté bien avant la Guerre civile et c’est une lutte qui perdure. La liberté est un processus, un cheminemen­t sur lequel il faut constammen­t travailler», poursuit l’acteur.

«Il y a tellement eu de faussetés qui ont circulé sur cette période que ma première responsabi­lité a été de dire la vérité. Et si ce n’avait pas été le cas, le film n’aurait pas valu la peine d’être fait», de conclure Gary Ross.

L’État libre de Jones arrive sur les écrans du Québec le 24 juin.

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L’ÉTAT LIBRE DE JONES
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