Le Journal de Montreal - Weekend
MACABRE CONFÉRENCE DE PRESSE
Cette semaine, je reste en Bolivie, toujours sur les traces du «Che». Je vous parle de Vallegrande, une ville de quelque 5000 habitants, qui serait sans intérêt n’eût été un événement historique saugrenu: une «conférence de presse» avec un mort…
En effet, le Che a été exécuté deux jours plus tôt dans le village de La Higuera. On hésite à inviter les journalistes internationaux dans ce trou perdu au milieu de la jungle. Donc, on a opté pour l’hélicoptère, question de l’apporter dans une ville plus accessible. On l’a préparé: on lui a taillé la barbe, on l’a lavé, bref on l’a rendu présentable pour l’étonnante conférence de presse posthume…
Des dizaines de journalistes du monde entier ont pu voir le corps et le photographier. La dépouille mortelle du Che était disposée sur le cubicule d’un lavoir. Ces photos ont fait le tour de la planète. Le lieu dit est aujourd’hui couvert de graffitis admirateurs à l’égard du Che et vengeurs à l’endroit du pouvoir. À ce que je sache, c’était – et ça reste – la seule «conférence de presse» de ce genre de l’histoire médiatique.
Les dirigeants boliviens de l’époque voulaient montrer le Che mort dans l’espoir de tuer sa légende. Sinon, qui aurait cru à son décès? Bien sûr, on sait que cette mort précoce l’a catapulté au rang des idoles. Son visage en effigie est l’un des symboles les plus célèbres du monde… et des compagnies font de l’argent en le commercialisant!
Un peu plus loin, sur un ancien terrain vaquant, on a redécouvert les cadavres du Che et de ses compagnons, eux aussi exécutés à La Higuera. Le gouvernement espérait qu’ils seraient oubliés. On leur a fait un monument funéraire appelé «fosse des guérilleros». Quant aux squelettes du Che et de ses compagnons d’infortune cubains, ils ont été rapatriés par La Havane et ils sont inhumés à Santa Clara, ville que le Che avait libérée lorsqu’il faisait partie des troupes de Fidel Castro.