Le Journal de Montreal - Weekend

S’ACCROCHER AUX TRADITIONS

Des guenilloux masqués surgissent dans la nuit, bientôt suivis d’un groupe de chats bottés et ils vont d’une maison à l’autre en s’esclaffant de rire. Ils frappent aux portes, entrent à la queue leu leu et se mettent à danser sur une musique endiablée, en

- Sylvie Ruel Collaborat­ion spéciale

C’est le temps de la Mi-Carême à L’Isleaux-Grues. Cette île de huit kilomètres située en face de Montmagny, à l’est de Québec, est l’un des rares endroits au Québec où l’on célèbre encore la Mi-Carême, une tradition venue du Moyen-Âge et disparue au Québec avec l’ère industriel­le. Les villages de Natashquan sur la Côte-Nord, et de Fatima aux Îles-de-la-Madeleine, demeurent aussi fidèles à la tradition.

Autrefois, on faisait une pause au milieu du carême: on mangeait, on buvait, on dansait et on se déguisait pour jouer des tours et ne pas se faire reconnaîtr­e. Aujourd’hui, on célèbre la Mi-Carême pour maintenir vivante cette tradition et pour que l’hiver paraisse moins long.

C’est à L’Isle-aux-Grues que sont fabriqués les costumes les plus élaborés. Dès janvier, alors que seul l’avion relie l’île au continent, les femmes se rassemblen­t en cachette dans les cuisines pour créer les habits des micarêmes, qu’elles-mêmes porteront, ainsi que leurs maris et leurs enfants. Elles fabriquent de magnifique­s vêtements qu’elles décorent de plumes, de perles, de paillettes, de rubans…

Chaque année, environ 25 costumes s’ajoutent à la collection qui en compte aujourd’hui quelques centaines. On les empile dans les greniers et on les expose durant la saison touristiqu­e dans le «bateau ivre» échoué, qui sert de musée. «Autrefois, raconte une dame de l’île, les hommes se mettaient des sacs de farine ou des poches de patates sur la tête, ils se fabriquaie­nt des masques avec de la broche de poulailler…»

Mais aujourd’hui, la collection a de quoi faire rougir d’envie les plus habiles couturière­s. Les femmes déploient ingéniosit­é et imaginatio­n pour la création des costumes, elles peignent les masques, fabriquent les accessoire­s, ne comptent ni leur temps ni leur argent. Certains habits peuvent coûter jusqu’à 300 $. L’île a même son costume traditionn­el: le galonné, un complet d’homme recouvert de fleurs multicolor­es et assorti d’un grand chapeau ayant la forme d’une mitre d’évêque.

Au village, une dizaine de maisons ouvrent leurs portes aux mi-carêmes. La fête dure toute la semaine, mais c’est le vendredi et le samedi que sortent les nouveaux costumes.

FESTOYER À FATIMA ET NATASHQUAN

Pendant trois jours en mars, des bandes de joyeux mi-carêmes envahissen­t le village de Fatima, aux Îles-de-la-Madeleine. De 500 à 600 fêtards accompagné­s de leur violon, accordéon, guitare, musique à bouche, passent le soir par les maisons et font des bouffonner­ies pour ne pas se faire reconnaîtr­e. Certains ont mis des mois à préparer leur accoutreme­nt dans le plus grand secret, d’autres se sont inspirés de l’actualité (devinez qui on verra cette année?). D’autres enfin se sont vêtus avec ce qu’ils avaient sous la main. Plus de 40 maisons au village les accueillen­t avec des sandwichs, des sucreries et la bagosse traditionn­elle, une bière faite maison. Chaque groupe a son chauffeur désigné.

«C’est un événement festif associé à la musique, dit Isabelle Cummings du comité de la Mi-Carême. Pas étonnant, car Fatima est l’endroit où l’on trouve le plus de musiciens dans l’archipel. C’est aussi une fête intergénér­ationnelle. Des enfants de 5 ans passent la Mi-Carême avec leur arrière-grandmère. On veut que la tradition se poursuive.»

À Nathasquan, sur la Côte-Nord, la MiCarême commence le dimanche avec un brunch. Du mardi au vendredi, une centaine de mi-carêmes habillés en guenilloux, vont par les maisons, ils évoquent des événements qui ont eu lieu au village ou qui ont marqué l’actualité. La fête se termine le samedi avec spectacle et parade. «On a tellement de plaisir!» dit Nadia Carbonneau. Une navette offre aux fêtards de les promener d’une maison à l’autre et de les reconduire en fin de soirée.

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Les mi-carêmes de Fatima, aux Îles-de-la-Madeleine.
 ??  ?? La Mi-Carême de L’Isle-aux-Grues.
La Mi-Carême de L’Isle-aux-Grues.
 ??  ?? Le galonné, le costume traditionn­el de L’Isle-aux-Grues.
Le galonné, le costume traditionn­el de L’Isle-aux-Grues.
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