Le Journal de Montreal - Weekend

LA FEMME DERRIÈRE DESPACITO

AFP | Erika Ender, coauteure du tube mondial en espagnol Despacito, a bien quelques idées sur les raisons du succès phénoménal de sa chanson: il s’agit d’un appel à la lenteur dans un monde qui va très vite (despacito signifie lentement).

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En outre, si la chanson est interprété­e par des hommes, le chanteur portoricai­n Luis Fonsi, également coauteur, et le rappeur portoricai­n Daddy Yankee, son rythme lent est celui qui plaît à des femmes comme elle en matière de séduction.

Despacito a égalé le record du plus grand nombre de semaines en tête du classement Billboard des 100 chansons les plus écoutées – dans lequel apparaisse­nt rarement des chansons non anglophone­s.

Ce tube c’est aussi un contre-pied musical au président américain Donald Trump qui bataillait au même moment pour dresser un mur à la frontière avec le Mexique afin de stopper l’immigratio­n latino-américaine.

Mais au fond, sur les raisons qui expliquent véritablem­ent le succès de sa chanson, elle admet n’avoir « aucune idée », dans un rire communicat­if.

Cette chanteuse-composi- trice de 42 ans, née au Panama, qui se partage désormais entre Los Angeles et Miami, a donné mercredi une interview exclusive à l’AFP avant de prononcer un discours au Forum des femmes pour l’économie et la société (Women’s Forum for the Economy and Society) à

Mexico.

Que ressent-on en voyant sa création devenir un phénomène mondial?

« C’est incroyable. Je suis vraiment reconnaiss­ante pour ce qui s’est passé. Au-delà d’une victoire pour nous tous, c’est une victoire pour la culture latino-américaine. Le monde entier chante en espagnol et danse. C’est une sorte de miracle, dans un moment aussi vulnérable, après tout ce qui a été dit. « Je pense que les gens se sont connectés à cela à travers le monde, c’est la confirmati­on que la musique peut traverser les frontières, entrer en connexion avec le coeur des gens et nous unir... On parlait de construire des murs et nous faisons tomber ces murs avec la musique. « Je ne sais pas du tout pourquoi c’est devenu un tel succès. Je n’ai pas l’impression que nous avons fait quelque chose de différent en écrivant cette chanson. J’écris des chansons depuis 25 ans et j’ai eu des moments incroyable­s durant ma carrière. Mais jamais je n’aurais imaginé que cette chanson aurait un tel parcours. »

En tant que femme, comment vivez-vous l’écriture d’une chanson de reggaeton, un genre plutôt machiste? Et en tant que coauteure, comment vivez vous le fait que c’est un homme qui la chante et en a retiré le plus de notoriété?

« Je pense que c’est une chanson qui exprime notre désir de séduire et d’aimer en prenant plus de temps dans ce monde qui va vite. « Pour moi, la chanson exprime une belle forme de séduction, avec classe et élégance, le genre de séduction que les femmes apprécient, en tout cas en ce qui me concerne. « Je ne l’ai pas écrite en pensant à un homme ou une femme... Je l’ai écrite avec un homme, qui la chante. Évidemment, s’agissant de ce genre (reggaeton), ça paraît très différent et cela rompt avec les normes, car c’est un style qui s’est montré très agressif envers les femmes.» « Au final, ce qui compte, c’est le résultat. Au début de ma carrière, j’étais obligée de cacher mon nom sur les démos chantées par des hommes, sinon quand je les envoyais on me disait: “Jolie chanson, mais ça sonne vraiment féminin”. Je ne vois pas l’art comme une compétitio­n. Je le vois comme un partage. Mes collègues et moi savons qui sont les auteurs de la chanson... Et je ne me bats pas pour apparaître. Je remercie l’univers qui m’a permis avec cette chanson de m’ouvrir tant de portes, et le monde. »

Donc, vous vous êtes acheté un jet privé?

(Elle rit) « Tout le monde pense uniquement à l’argent, mais je pense qu’il faut surtout nous concentrer sur la manière dont les miracles se produisent, la façon dont le monde peut se connecter et s’unir à travers une chanson. C’est surprenant. « Bien sûr, un énorme succès vous apporte beaucoup d’argent, mais je ne fais pas ça pour l’argent. Je fais ça parce que je pense que c’est un don de pouvoir transforme­r les émotions en mélodies et en musique. J’essaye de le faire de façon la plus responsabl­e qui soit, sachant que je marque la vie de quelqu’un d’autre. Je fais la bande-son de sa vie. « Ça a été la musique de la moitié de la planète, alors je suis vraiment reconnaiss­ante pour cela ».

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