Le Journal de Montreal - Weekend

MAGNIFIQUE RÉCIT CAMPÉ EN MATANIE

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Poète et traductric­e littéraire, auteure d'une trentaine de titres, Sylvie Nicolas s'est penchée sur l'histoire de sa famille et sur l'histoire de la Matanie pour camper Le cri de la sourde, son nouveau roman.

L’histoire se déroule sur un petit territoire isolé près du centre-ville de Matane que tous les gens de la place appelaient alors « sur l’île ». À travers l’histoire d’Angéline née sourde et de son frère jumeau Éluard, Sylvie Nicolas évoque le naufrage du Longfellow à Petit-Matane, la présence de sous-marins allemands au large de la Gaspésie, et laisse couler les rumeurs et les superstiti­ons.

SOUVENIRS D’ENFANCE

Elle s’est en partie inspirée de souvenirs d’enfance chez ses grands-parents et du mouvement de la mer pour tisser cette histoire très dense, écrite quelque temps avant le décès de sa mère.

« Les phrases ont vraiment suivi ce rythme des marées hautes et des marées basses. Elles se déposaient vraiment comme des marées. Je les entendais comme une partition musicale. Parfois il y a des ressacs — ça fait comme un petit clac », commente-t-elle.

Sa mère, née dans l’Ouest canadien, a été sortie très tôt de sa famille biologique puis a été élevée en Gaspésie par les grands-parents Murray de la romancière. « Ce qui m’intéressai­t, c’était d’explorer les lieux communs, c’est-à-dire ceux où elle avait grandi et ceux où moi, j’avais passé mes étés. » C’était donc un travail sur la mémoire. « Comme ma mère ne partageait pas ses souvenirs, sa mémoire, c’était un peu comme une enquête de tenter de retrouver des personnage­s qu’elle a connus en grandissan­t et que moi, j’ai connus alors qu’ils étaient déjà grands. Mais j’ai connu les mêmes personnage­s. La Pipi, La Pouette, La Sourde, Phirin, le Cordonnier-pas-depattes, c’était des personnage­s existants quand moi, j’allais passer mes étés chez mes grands-parents. »

Le bout de terre dont elle parle, aujourd’hui transformé en parc, était à l’époque plus pauvre et plus désoeuvrée. « Les gens voyaient la pitoune dévaler la rivière pour se rendre au bord. La baie s’ouvrait sur le port. La route 132 ne se continuait pas directemen­t. »

ARCHIVES

Sylvie Nicolas n’a pas lésiné sur les recherches en archives pour asseoir les bases d’un roman qui lui a demandé presque deux ans de travail. « J’ai passé du temps au Musée de Gaspé, et j’ai fouillé un peu partout, entre autres dans les archives du ministère de la Défense, pour les parties qui concernaie­nt l’époque de ma mère — la fin de la guerre. » Le naufrage du Longfellow et la présence des sous-marins allemands sont des faits bien réels. De même que la vente d’Anticosti à des Allemands. « Je suis tombée sur une archive hallucinan­te : une première page de journal! », relate-t-elle.

Faire revivre la Matanie de l’époque lui a beaucoup plu. « Mon objectif d’écriture — ça m’a pris du temps à le reconnaîtr­e — en est un de transmissi­on de la mémoire. Pour moi, c’est essentiel de laisser une partie de mémoire à mes enfants. »

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√ Poète et traductric­e littéraire, Sylvie Nicolas a publié près d’une trentaine de titres, dont une quinzaine pour la jeunesse. Elle vient d’obtenir son doctorat en Lettres. √ Elle a été deux fois finaliste au prix littéraire du Gouverneur général. √...
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Sylvie Nicolas Le cri de la sourde Éditions Druide 272 pages

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