Le Journal de Montreal - Weekend
ENQUÊTER SUR SA PROPRE MORT
L’écrivain français Bernard Werber s’est interrogé sur les mystères de la mort, le don de médiumnité et l’art de communiquer avec les défunts dans un nouveau roman très bien ficelé, intelligent, qui pique vite la curiosité : Depuis l’au-delà.
Bernard Werber, un auteur très apprécié des lecteurs québécois, met en scène un écrivain, Gabriel Wells, qui se réveille un matin dans un drôle d’état. Il lui faut un peu de temps, de même que la rencontre avec la médium Lucy Filipini, pour réaliser qu’il est mort. Assassiné.
Devenu âme errante, Gabriel n’a plus aucun pouvoir sur la matière. C’est Lucy qui devra élucider le mystère : qui, dans l’entourage de l’écrivain, avait intérêt à le voir disparaître ?
Bernard Werber a pris un malin plaisir à raconter cette histoire qui lui a permis de faire le récit de différentes « tranches de vie » du quotidien d’un écrivain et d’explorer l’univers des phénomènes paranormaux : fantômes, apparitions, communication avec les morts. Ce qu’il raconte est fascinant.
PORTES DU MONDE INVISIBLE
La médium Monique Parent Baccan lui a ouvert les portes du monde invisible. « En septembre 1997, j’avais 36 ans. C’était une époque un peu difficile pour moi. Une amie m’avait offert, pour mon anniversaire, une rencontre avec une médium. Au début, j’étais très sceptique. Elle a commencé à me dire qu’elle était en contact avec mon ange gardien et que je pouvais lui poser une question. Ma question, c’était : qu’est-ce qu’il attend pour se mettre au travail ? Et elle a répondu : mais il n’arrête pas ! Et là, j’ai éclaté de rire parce que j’ai pris conscience de mon ingratitude envers mon ange gardien par rapport à tous ces problèmes que j’aurais pu avoir et qui ne se sont pas produits. »
À partir de là, une confiance s’est installée, la médium lui a raconté ses vies précédentes et l’écrivain a trouvé que ce qu’elle décrivait avait l’air d’expliquer certains de ses comportements. « En partant, je lui ai dit : écoutez, je ne sais pas si c’est vrai ou si c’est faux, mais je remarque une chose : j’étais venu en étant un peu déprimé et je repars le sourire aux lèvres. Donc vous êtes plus efficace qu’une psychanalyste et ça n’a duré qu’une heure ! »
Plus récemment, il a rencontré la médium française Patricia Darré, qui lui a parlé de son quotidien de personne qui interfère entre les morts et les vivants. « Je ne suis pas dans la mystique et le récit était très cohérent. Je me suis dit : c’est de la matière romanesque. Après, les gens font ce qu’ils veulent ; ils y croient ou ils n’y croient pas. »
Bernard Werber considère qu’il est là pour explorer des choses nouvelles. « Je ne suis pas là pour vérifier si c’est vrai ou faux, mais je suis là pour poser des questions sur les frontières du connu, pour aller voir l’inconnu. Ce sont des frontières qui ne sont pas forcément vérifiées ou vérifiables et qui laissent la place à l’intuition et à l’imagination. »
PORTES DU MONDE INVISIBLE
Il a mis un peu de son propre vécu dans le roman et considère qu’il a plusieurs points communs avec le narrateur.
« C’est un peu une manière de faire découvrir à mes lecteurs ce métier qui n’est pas si connu que ça. On a toujours l’image des écrivains comme des gens un peu mystérieux, des sortes d’artistes. En fait, on a des vies normales et il faut chaque fois aller au roman comme on irait au bureau : on va poursuivre l’aventure du roman et ça demande une forme de discipline que les gens n’imaginent pas. »