Le Journal de Montreal - Weekend

Thriller dans un monde post apocalypti­que

Ayant plus d’une corde à son arc, Deon Meyer délaisse ses deux héros fétiches – l’inspecteur Benny Griessel et l’indescript­ible Lemmer – pour nous offrir la meilleure dystopie de l’année.

- KARINE VILDER Collaborat­ion spéciale

Ceux qui nous lisent depuis des années savent déjà que l’écrivain sud-africain Deon Meyer fait partie de nos auteurs de polars préférés. À ce jour, on lui doit d’ailleurs une bonne dizaine de nuits blanches, presque tous ses bouquins ne pouvant être lâchés en cours de route. Sceptique ? Il suffit d’ouvrir Jusqu’au dernier, L’âme du chasseur, Lemmer l’invisible,

13 heures ou Kobra pour en avoir rapidement la preuve.

En septembre dernier, lorsqu’on a appris que son tout nouveau livre, L’année du lion, allait plutôt flirter avec la dystopie, on a ainsi été particuliè­rement surpris. « J’ai eu l’idée de ce récit il y a environ sept ans, sauf que mon éditrice m’a fortement recommandé d’attendre pour l’écrire parce que dans certains pays [ses ouvrages sont traduits dans une trentaine de langues], je commençais à peine à être reconnu en tant qu’auteur de romans policiers, explique Deon Meyer, qu’on a pu joindre au téléphone lors de son récent passage à Paris. Même si j’avais très hâte de m’y mettre, il a fallu que je réfrène mes ardeurs pendant près de cinq ans avant de pouvoir enfin attaquer ce thriller, dont l’histoire a été pour moi aussi amusante que passionnan­te à rédiger. Quand on écrit des polars, il y a plein de règles à respecter, leur structure reposant sur des codes bien établis. Mais avec L’année du

lion, j’étais carrément libre de faire ce que je voulais ! »

LE MONDE D’APRÈS…

Même si on avait très hâte de le lire, on a dû attendre près de deux mois avant de pouvoir enfin entamer la lecture de ce

thriller, dont l’histoire a surtout été passionnan­te. Car aussi captivante soit-elle, apprendre que 95 % de la population mondiale a été décimée en un temps record par un coronaviru­s n’a franchemen­t rien

d’amusant. Ayant tous deux mystérieus­ement survécu à cette foudroyant­e épidémie, Willem Storm et son fils Nico, 13 ans, seront ainsi très bien placés pour nous parler de ce monde post-apocalypse.

« Dès le départ, je savais que je n’allais pas décrire la période durant laquelle la Fièvre battrait son plein en laissant chaque jour derrière elle des millions de cadavres d’hommes, de femmes et d’enfants, précise Deon Meyer. Ça aurait été trop pénible, trop éprouvant pour moi. Je me suis donc concentré sur l’après, quand les rares survivants ne seront plus que des survivalis­tes.»

Depuis que toutes les commodités de l’époque moderne (l’électricit­é, le téléphone, l’internet, les hôpitaux, l’eau courante, l’approvisio­nnement alimentair­e, etc.) ont également été balayées par la Fièvre, Willem et Nico parcourent les routes désertes d’Afrique du Sud à bord d’un énorme camion-remorque rempli de boîtes de conserve, de bouteilles d’eau, de jerricans d’essence, de livres et d’armes, ces dernières servant essentiell­ement à éloigner les meutes de chiens revenus à l’état sauvage. Mais moins d’un an après l’épidémie, ils devront aussi se résoudre à les utiliser pour abattre leurs semblables, bon nombre de ceux qui ont été épargnés par la maladie se comportant désormais comme de véritables animaux : mus par un instinct de survie teinté de folie, de dangereux groupes de truands se sont en effet constitués dans le seul but de voler, de violer ou de violenter tous ceux qui auront le malheur de croiser leur chemin. Ce qui n’empêchera pas Willem de vouloir fonder une communauté à la fois bienveilla­nte et autosuffis­ante, le village abandonné de Vanderkloo­f, jadis réputé pour ses températur­es clémentes et la qualité de ses infrastruc­tures hydroélect­riques, pouvant selon lui devenir la nouvelle terre promise.

Dans le temps de le dire, Vanderkloo­f sera ainsi rayé des cartes pour faire place à Amanzi – qui signifie « eau » en xhosa –, la ville de tous les possibles.

… ET APRÈS L’ANNÉE DU LION

« D’ordinaire, l’action de mes romans ne s’étend que sur quelques jours, ajoute Deon Meyer. Mais cette fois-ci, je me suis fait un plaisir de l’étendre sur cinq ans. » Au fil des pages, on assistera ainsi en direct au développem­ent d’Amanzi, qui ne tardera pas à compter plusieurs milliers d’habitants capables de tenir à distance les nombreuses hordes de pillards grâce à l’aide du ténébreux Domingo, un ancien soldat au tempéramen­t de feu qu’il vaut mieux ne pas contrarier.

C’est dans cette ambiance à la Mad Max qu’on découvrira également la vraie nature de Nico : contrairem­ent à son père, il comprendra assez vite qu’il ne faut jamais faire confiance à personne et quand les choses commencero­nt sérieuseme­nt à déraper au sein de leur petite collectivi­té prônant démocratie et bonté d’âme, il sera l’un des seuls à pouvoir raconter ce qui s’est réellement passé à Amanzi au cours de l’année du lion.

« Pour l’instant, je ne sais pas encore s’il y aura une suite, conclut Deon Meyer. Tout va dépendre de la réception de ce roman. Et si elle est positive, je ne demande pas mieux que de l’écrire. » Ce qui tombe bien, car, de notre côté, on ne demanderai­t pas mieux que de la lire !

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