Le Journal de Montreal - Weekend

ROBERT MORIN, UNE OEUVRE À DÉCOUVRIR

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Avec le fascinant et intense Le problème d’infiltrati­on, paru en DVD et en VSD cette semaine, Robert Morin a enfin connu son premier succès commercial, lui qui roule sa bosse depuis plus de quarante ans. Il est vrai que son cinéma, à la fois provocateu­r, engagé et innovateur, ne s’adresse pas à tous les publics. Mais quiconque s’y risque sera récompensé par une expérience unique et dérangeant­e, qui suscite toujours la réflexion.

3 REQUIEM POUR UN BEAU SANS-COEUR (1992)

Un dangereux criminel en cavale renoue avec ses proches et se venge de ses ennemis.

Vidéaste de premier plan depuis ses débuts en 1980, Robert Morin aborde le cinéma de brillante façon avec ce drame policier librement inspiré des exploits de Richard Blass. Morin étend son procédé de plan subjectif (quand la caméra remplace le regard d’un personnage) à tous ceux et celles qui croisent l’intimidant meurtrier (excellent Gildor Roy), avec un résultat riche et nuancé.

LE NÈG’ (2002)

Deux policiers enquêtent sur un drame survenu dans un village après la destructio­n d’un nègre de jardin par un jeune Noir.

Morin se livre cette fois à une virulente dénonciati­on du racisme et de la bêtise humaine dans un Québec profond trop replié sur lui-même. Reconstitu­ant l’incident à partir de points de vue divergents, l’auteur remet en question la notion même de vérité. Et avec beaucoup d’invention, il filme chaque témoignage dans un style et un ton différents (comique, dramatique, fantaisist­e, réaliste, etc.) Les savoureux Robin Aubert et Emmanuel Bilodeau dominent une solide distributi­on.

QUE DIEU BÉNISSE L’AMÉRIQUE (2005)

Le 11 septembre 2001, un pédophile menacé par un tueur en série fait diverses rencontres avec ses voisins banlieusar­ds à qui il n’avait jamais parlé.

Sans se départir de ses aspects bruts, rageurs et mystificat­eurs, le cinéma de Robert Morin s’ouvre ici sur l’espoir, avec cette fable tragicomiq­ue dénonçant l’individual­isme et le refus de comprendre l’autre. Très fluide, le scénario de ce film choral est illustré, à l’occasion, par d’amusantes trouvaille­s visuelles. L’interpréta­tion d’ensemble est fort satisfaisa­nte.

PAPA À LA CHASSE AUX LAGOPÈDES (2008)

Un fraudeur fuit vers le Grand Nord où l’attend un avion qui le conduira aux Bahamas, tout en se filmant pour laisser un témoignage à ses deux filles chéries.

Par le biais d’un dispositif minimalist­e qu’il a perfection­né dans ses oeuvres solos Yes

sir ! Madame et Petit Pow ! Pow ! Noël, Morin formule une réflexion intelligen­te sur les dérives du capitalism­e, en prenant soin de ne pas caricature­r son protagonis­te, pourtant calqué sur l’infâme Vincent Lacroix. Résultat : une oeuvre caustique et tendre, visuelleme­nt soignée (malgré un tournage dans des conditions climatique­s extrêmes), portée à bout de bras par un François Papineau nuancé et attachant, dans les rôles de presque tous les personnage­s.

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Robert Morin

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