Le Journal de Montreal - Weekend
MONTRÉAL SAIT SI BIEN DANSER
La danse est devenue un porte-étendard de la vitalité culturelle de Montréal, mais on connaît peu ce milieu. Une ville qui danse le met en lumière.
Aline Apostolska est une amoureuse de la danse, secteur qu’elle a longtemps couvert comme journaliste. C’est aussi une écrivaine qui a à son actif une quinzaine de romans, des essais, des biographies et de la poésie.
Avec Une ville qui danse, elle réunit ses deux passions. On pourrait même dire qu’elle réunit deux styles puisque son dernier livre mêle le roman et l’essai. Un équilibre pas si simple à maîtriser, mais dont Aline Apostolska se sort fort bien.
Elle aurait pu sans peine s’en tenir à l’histoire d’un trio de danseuses – Laurène qui a la jeune trentaine, sa mère Florence qui enseigne et dirige écoles et salles, et leur grande amie et référence Juliette, qui a autrefois implanté la danse au Québec. Il y a entre elles des relations d’affection qu’assombrissent parfois les exigences professionnelles. Parallèlement, leurs vies amoureuses respectives sont secouées.
Le personnage de Florence, femme de 58 ans que les circonstances amènent à faire le point sur sa vie, est à cet égard particulièrement riche et justement décrit. On est curieux de savoir ce qui lui arrivera – parce que Une ville qui
danse est un roman en deux tomes. Le premier est sous-titré Derrière
le rideau, et le deuxième est prévu pour février prochain.
Il y a donc une trame romanesque, classique, mais solide. S’y ajoute toutefois une particularité : faire voir tout un pan de l’histoire méconnue du Québec, ici celle de la danse.
UNE RÉFÉRENCE
Le Québec est devenu une référence en matière de danse contemporaine, mais comment y est-il parvenu ? Avec une précision toute pédagogique, et qui néanmoins se fond sans peine au destin des personnages qu’elle a inventés, Aline Apostolska nous raconte les débuts difficiles; la foi de celles et ceux qui se sont investis dans cet univers; les gains faits en obtenant enfin des salles et des subventions.
On voit aussi la précarité du métier de danseur, financière comme physique (le livre s’ouvre sur une grave blessure), les limites sans cesse repoussées, les exigences parfois démesurées des chorégraphes. Il y a également la quête d’argent, les rencontres avec la sous-ministre à la Culture…
Bref, tout est mis sur la table, avec des références constantes au réel – comme la construction de l’Espace danse au centre-ville de Montréal. Les familiers du milieu y trouveront sans doute bien des clés qui leur permettront de lier des noms et des événements à des passages du livre. Les autres constateront que ces détails s’insèrent bien l’évolution du récit, qu’ils l’enrichissent même et surtout, qu’ils sont fort instructifs.
Mais au-delà de tout ça, ce roman est une véritable déclaration d’amour envers la danse. Page après page, l’auteure la met dans la bouche de ses danseuses et la fait sienne aussi. Et elle est bien convaincante !