Le Journal de Montreal - Weekend

AMOUR NE RIME PAS AVEC FAMILLE

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

Famille et amour sont-ils compatible­s ? Le roman Un lien familial en offre une amère réponse.

Ses fans attendaien­t depuis longtemps, neuf ans en fait, un nouveau livre de Nadine Bismuth, après deux formidable­s recueils de nouvelles et le roman Scrapbook parus dans la première décennie de ce nouveau siècle.

On avait alors découvert une auteure au regard incisif qui savait mettre en scène les rapports entre les hommes et les femmes avec juste ce qu’il faut de malice et d’ironie. On souriait en grimaçant.

Avec Un lien familial, Nadine Bismuth poursuit dans la même veine, mais en ajoutant les enfants aux vies de couple de ses quadragéna­ires. Et cette fois, on ne sourit plus beaucoup. L’époque est au grincement de dents.

Le roman s’ouvre sur un ultimatum : Sophie écrit à son amant Mathieu. Il a jusqu’à Noël pour se brancher entre elle ou sa femme.

La femme, c’est Magalie. C’est elle dorénavant qu’on va suivre, en alternance avec Guillaume. Lui, c’est le fils du tout nouvel amoureux de la mère de Magalie, veuve depuis quelques années. Magalie et Guillaume seront les narrateurs de leur partie de l’histoire.

Magalie, mère d’une petite Charlotte, sait que le papa Mathieu la trompe ; plutôt que de le confronter, elle le trompe à son tour avec son collègue Olivier, luimême conjoint d’Isabelle, leur associée. De son côté, Guillaume, séparé d’une Karine et père de Julianne, trouve Magalie de son goût. Pour la revoir, il entreprend de refaire sa cuisine, puisque Magalie est designer dans ce domaine…

Bref, on est plongés dans un chassé-croisé où chacun cherche l’autre qui au fond le fuit, sur fond de vie moderne où la conduite des parents – des mamans en fait – doit viser la perfection. À cet égard, Karine est d’une indescript­ible intransige­ance.

Le travail de Magalie offre le cadre idéal pour mettre en scène les exigences contempora­ines. La cuisine est le lieu où doivent se concocter les mets santé à servir impérative­ment à son rejeton ! Lieu d’apparence aussi, avec tous les coûteux gadgets qui sont dorénavant le lot des cuisines modernes.

DÉSENCHANT­EMENT

Nathalie Bismuth nous fait donc circuler entre les amours et les maisonnées avec son style alerte et son sens aigu de l’observatio­n. Mais cette fois, il faut oublier la cynique légèreté de ses romans de jeunesse : la vie avec des enfants est une succession de contrainte­s – y compris les escargots de la classe qu’il faut garder pendant le congé des Fêtes ! – et même les plaisirs de l’adultère se font lourds.

Quant à Magalie, elle est d’une mollesse qui tranche avec l’habituelle figure de battante des héroïnes de la fiction contempora­ine. Sans ressort face à Mathieu, pourtant odieux à son égard, sans ressort non plus quand les choses vont se compliquer pour elle au travail, s’accrochant à sa fille pour l’avenir.

Nadine Bismuth signe ici le roman du désenchant­ement amoureux. C’est efficace, mais impitoyabl­e ! Triste reflet de la réalité ?

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