Le Journal de Montreal - Weekend

L’HISTOIRE DERRIÈRE LE FAIT DIVERS

Après ses films La lâcheté et La vérité, le cinéaste québécois Marc Bisaillon complète sa trilogie sur le silence coupable en proposant un troisième long métrage, L’amour, qui s’inspire librement de l’affaire Stephen Marshall.

- MAXIME DEMERS Le Journal de Montréal maxime.demers @quebecorme­dia.com

Comme plusieurs, Marc Bisaillon avait été interpellé par l’histoire de Stephen Marshall quand celle-ci avait fait la manchette il y a une douzaine d’années. Au printemps 2006, Marshall, un jeune homme de 20 ans de la Nouvelle-Écosse, avait assassiné deux délinquant­s sexuels américains lors d’un séjour chez son père, dans le Maine. Il s’était ensuite enlevé la vie quand la police l’avait cerné dans un autobus alors qu’il tentait de revenir au Canada.

Le mystère entourant ce fait divers a rapidement fasciné Marc Bisaillon :

« Je me suis toujours intéressé aux gens ordinaires de la classe moyenne et Stephen Marshall, c’était ça : un petit gars tranquille, introverti, très gentil et doux avec tout le monde, mais qui a soudaineme­nt pété une coche », indique le réalisateu­r en entrevue au Journal.

« Je ne suis pas nécessaire­ment attiré par les gens qui font des tueries. Mais son cas est différent. Pour moi, il y avait quelque chose dans son histoire que j’avais envie de creuser. Et je ne me suis pas trompé : il y avait définitive­ment quelque chose à creuser. »

En lisant les articles publiés à l’époque sur ce fait divers, Marc Bisaillon s’est aperçu que l’histoire n’était toujours abordée qu’en surface et que le portrait du jeune meurtrier était incomplet. C’est en rencontran­t la mère de Stephen Marshall, en 2007, qu’il a découvert que cette histoire était plus complexe qu’elle en avait l’air.

UNE VERSION PRIVÉE

« On présente dans le film une version de l’histoire qui n’est pas publique, assure-t-il. Personne avant n’avait abordé le fait que Marshall aurait été abusé par son père. À l’époque, tout ce qu’on pouvait lire, c’est que c’était un jeune qui avait peut-être montré des signes de violence pendant son enfance. Mais il n’y avait rien sur sa relation avec son père. » S’inspirant librement de cette histoire, Marc Bisaillon a construit L’amour comme un suspense psychologi­que. Il a confié le personnage du jeune homme à Pierre-Luc Lafontaine, qu’il avait déjà dirigé dans son film précédent, La vérité. Fanny Mallette a accepté de se glisser dans la peau de la mère tandis que Paul Doucet incarne le père. « Paul (Doucet) a beaucoup apporté au personnage du père en y ajoutant des zones grises », observe Bisaillon. « C’est un rôle complexe parce que c’est un gars ordinaire. Il a l’air d’un bon gars au départ, comme la plupart des agresseurs. C’était délicat à jouer. »

UNE PREMIÈRE ÉMOUVANTE

La mère de Stephen Marshall a vu L’amour récemment au Festival de cinéma internatio­nal en AbitibiTém­iscamingue, où le film était présenté en première mondiale. Elle s’est dite satisfaite du résultat final.

« C’était une soirée très émouvante, relate Marc Bisaillon. Elle était assise à côté de Pierre-Luc (Lafontaine) et elle lui tenait la main pendant la projection. Elle a pleuré, surtout à la fin du film. »

« Il faut dire qu’elle a été très effacée pendant l’écriture et la création du film. Je lui ai expliqué ce que je voulais faire les premières fois que je l’ai rencontrée et elle m’a fait confiance pour la suite. Elle a aimé ma démarche qui n’était pas sensationn­aliste et qui était plus axée sur la psychologi­e des personnage­s. Pour elle, c’était important que l’histoire de son fils soit racontée. Elle voulait aussi qu’on sente une certaine empathie pour les victimes. »

Le film L’amour a pris l’affiche hier.

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Paul Doucet et Pierre-Luc Lafontaine dans une scène du film L’amour
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