Le Journal de Montreal - Weekend

Les désirs de Desirée Fe sans inhibition

Zoé Valdés

- MARIE-FRANCE BORNAIS Le Journal de Québec

Zoé Valdés revient sur les lieux de son enfance et de son adolescenc­e, dans La Havane des années 1970, dans ce roman nostalgiqu­e.

Elle raconte les rêves d’une fille, Desirée Fe, ses désirs et ses frustratio­ns d’adolescent­e, son apprentiss­age très libre de la sexualité. Tout s’inscrit sur les ruines d’un pays au désespoir, où les jeunes vivaient entre les toits des maisons et la mer.

Son roman est excellent et traduit l’ambiance de Cuba à l’époque. « Je me suis servie de mon expérience, et de celle d’autres amis, d’autres filles », explique Zoé Valdés, en entrevue.

« C’était surtout l’expérience de toute une génération : je voulais décrire cette génération des années 1970, comment on a vécu le désir et surtout l’envie de se donner et d’apprendre des choses à travers nos corps et à travers notre envie de liberté. »

BONS ET MAUVAIS SOUVENIRS

La liberté est justement un thème très fort du roman. Quel souvenir garde-t-elle de ces années ?

« Il y a de tout : il y a des moments où je pense que c’était ce qu’il fallait vivre, qu’on ne pouvait pas faire autrement. On croyait que la vie était normale comme ça. »

« Je garde des bons souvenirs, et de très mauvais souvenirs aussi, par exemple l’époque de prison de mon père, et la partie la plus complexe, comment on devait cacher les choses qu’on devait penser et occulter la vérité pour être dans la discipline de ce régime totalitair­e. C’était très complexe à vivre, surtout quand on est jeune : on doit avoir un double langage, penser d’une façon à l’intérieur et exprimer un autre langage. »

DÉSIR ET LIBERTÉ

Zoé Valdés exprime toute la richesse du désir féminin à travers le personnage de Desirée Fe, sans inhibition.

« J’ai toujours voulu écrire sur le désir, la liberté, l’art et l’amour. Ce sont les sujets qui me prennent au coeur et qui sont mes préférés depuis le début. C’est vrai qu’il y a des romans qu’on écrit avec la tête, des romans qu’on écrit avec le coeur, avec les mains, et d’autres romans qu’on écrit avec tout son corps. »

Elle a écrit ce roman à un moment où elle était très malade. « J’étais dans un hôpital. J’ai commencé à écrire parce que je voulais me soigner, et ne pas effacer ces moments de découverte que j’ai eus avec un homme qui m’a beaucoup inspirée avec son désir et son corps, et avec sa sagesse et ses connaissan­ces. Il m’a appris beaucoup sur la musique et je ne voulais pas que ça s’en aille de moi. Chaque chapitre est un morceau de musique, avec les différents genres de musiques cubaines. »

Zoé Valdés note que les passages sensuels du roman sont liés à un phénomène culturel.

« La sensualité fait partie de la culture cubaine, avant 1959 et après. Mais à cette époque, la sexualité était une forme de refuge : c’était la seule façon qu’on avait d’exprimer notre désir de liberté. »

L’écrivaine fait remarquer le sous-titre du roman : L’innocente pornograph­e.

« Pourquoi ? Parce qu’en lisant le roman, on peut croire dès le début que le roman est un roman pornograph­ique... mais après, on va voir que la vraie pornograph­ie, la pornograph­ie pas artistique, d’une laideur insupporta­ble, c’est la politique. » Zoé Valdés est romancière, poète et scénariste. Elle est née à La Havane en 1959 et vit en France depuis 1995.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada