Le Journal de Montreal - Weekend

JAMES WOLFE EST DE RETOUR !

- JOSÉE BOILEAU

Quelle riche idée que de ramener à la vie le général Wolfe ! Qui est au juste le vainqueur de la bataille des plaines d’Abraham, qu’on voit errer dans le Québec d’aujourd’hui ?

Dans la mythologie québécoise contempora­ine, la bataille des plaines d’Abraham se résume à une escarmouch­e, et les deux généraux qui y périrent – l’un en gagnant, l’autre en perdant – n’ont droit qu’à peu de considérat­ion.

Heureuseme­nt cet automne, deux ouvrages parus chez Boréal corrigent cette vision caricatura­le. Il y a le très sérieux essai consacré à Montcalm et signé de Dave Noël, et le roman Onze jours en septembre de Kathleen Winter dans lequel, de manière originale, on découvre l’homme complexe que fut le général Wolfe.

Comme le veut cette chronique, tenons-nous-en à la fiction. D’ailleurs, Winter y plonge totalement pour mettre en scène « son » James Wolfe.

Elle nous transporte à Montréal en septembre… 2017. On y suit un homme qui a pour nom Jimmy Blanchard, mais qui prétend être Wolfe : il lui ressemble, en a le caractère et parle comme un Anglais du 18e siècle.

En plus, James/Jimmy est à la recherche des journées perdues de sa vie. D’abord celles de septembre 1752. Au moment même où enfin il allait jouir d’une permission à Paris après dix ans de vie militaire, l’Angleterre est passée au calendrier grégorien, mais en supprimant 11 jours pour y arriver. Envolée la permission !

Quelques années plus tard, ces 11 jours perdus de septembre coïncidero­nt avec les préparatif­s puis la bataille des Plaines de 1759, où cette fois il mourra.

James Wolfe est donc plongé dans une espèce de pèlerinage afin de comprendre comment sa carrière militaire, commencée à l’adolescenc­e, l’a mené au Canada à lutter atrocement contre les Français, lui le grand admirateur de leur culture. Et tout ça pourquoi ? se demande-t-il alors qu’il va par les rues sales de Montréal ou qu’il se retrouve au Costco…

RÉCIT FASCINANT

Du 2 au 13 septembre 2017, on suit donc cet être bizarre, jusqu’à ce que le mystère s’éclaire quand, enfin, il se rend sur les lieux de sa mort d’antan, à Québec.

De cette histoire invraisemb­lable, l’auteure tire un récit fascinant grâce à une utilisatio­n judicieuse de sources historique­s – les lettres que Wolfe a écrites à sa mère, son journal… Mais elle y ajoute un supplément d’âme. Wolfe est un homme troublé par les gestes qu’il pose et pourtant convaincu de sa mission – lot éternel des hommes de guerre, que l’auteure fait voir avec sensibilit­é.

Kathleen Winter est une Montréalai­se née en Angleterre, ce qui explique la force de son roman : un regard extérieur qui se mêle à une fine compréhens­ion d’un Québec qui, malgré Wolfe, malgré la Conquête, aura réussi à rester français.

En plus, tout ceci est brillammen­t raconté – occasion ici de souligner la qualité du travail de Sophie Voillot, à qui l’on doit la traduction de la version originale anglaise du roman, parue l’an dernier.

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ONZE JOURS EN SEPTEMBRE Kathleen Winter Boréal, 380 pages
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