Le Journal de Montreal - Weekend
LES INQUIÉTANTS SECRETS D’UNE VILLE PERDUE
Dans un long road trip où les grandes étendues sauvages du SudOuest américain servent de décor à un roman décapant, passant du surnaturel à l’inexpliqué, l’écrivain louisianais Robert Jackson Bennett invite les lecteurs à percer les secrets de l’étrange ville de Wink, dans American Elsewhere.
La petite ville du Nouveau-Mexique a l’air parfaite sous la lune : ses rues calmes sont bordées de belles petites maisons, et tout semble parfaitement en ordre. Mais en réalité, ces maisons cachent des choses étranges. Et Wink ne figure sur aucune carte.
BIEN DES SECRETS
Mona Bright, une ex-policière, s’installe à Wink après avoir hérité de la vieille Dodge Charger d’un rouge éclatant de son père et de la maison de sa mère, disparue depuis plusieurs années. Intriguée par ce qu’elle observe, elle décide d’enquêter sur le passé de sa mère, et particulièrement sur son décès. Et plus elle cherche, plus elle trouve que les habitants bizarres de Wink ont l’air de cacher bien des secrets.
Robert Jackson Bennett joue avec les codes du surnaturel, de l’inexpliqué et du fantastique dans ce roman considéré comme son chef d’oeuvre. En entrevue, il explique comment ce livre s’est construit par étapes, passant d’une histoire de dieux et de monstres se déroulant en Nouvelle-Angleterre (qui ne le satisfaisait pas) à une autre campée dans les zones désertiques du Sud-Ouest américain.
« Je suis allé au Nouveau-Mexique avec ma famille. Je n’avais jamais été dans l’Ouest, dans le désert. Donc nous sommes allés à Santa Fe. C’est un environnement très intéressant. J’étais dans les montagnes, dans une maison de style pueblo. Et puis un orage est survenu. »
« Je me suis dit : ce serait intéressant de replacer mon histoire ici. Au Nouveau-Mexique, l’endroit où la bombe atomique est née, ça me semblait naturel de créer une histoire où on trouverait un laboratoire. Je pouvais placer une ville qui aurait été expropriée par le gouvernement fédéral pour élaborer la bombe. » Son idée a fonctionné, et il a construit son roman à partir de là. Pour que le lecteur bascule facilement dans le surnaturel, Robert Jackson Bennett explique qu’il doit lentement fournir des indices, de manière à ce qu’on s’habitue à voir les personnages aux prises avec des situations étranges. « C’est un peu comme le requin dans Jaws : tout se passe à l’extérieur de l’écran. »
EN MARGE DE LA SOCIÉTÉ
Le personnage de Mona Bright, une jeune femme qui finit par en savoir trop, est particulièrement intéressant. « J’avais lu l’histoire d’une autostoppeuse qui allait de petits boulots en petits boulots. Elle racontait, par exemple, comment elle se lavait dans les toilettes des stations-service et volait du savon. J’aimais bien l’idée d’un personnage qui vivait en marge de la société. »
Il a créé Mona, l’ex-policière, en conséquence. « Au début de l’histoire, Mona est brisée, et elle est passablement à la dérive. Je voulais que son désespoir prenne toute la place. Elle ressemble presque à un fantôme, au début. »
« Je l’ai voulue comme cela, en partie parce que l’ouest du Texas, où je suis allé, est rempli de stations-service, de haltes routières, de plates-formes de forage abandonnées. C’est vide, désolé. »
« Ce n’est pas un paysage de désespoir, mais je voulais que le personnage traverse une région qui semblait comme cela. Son état d’esprit correspond en quelque sorte à la région ouest du Texas que je décris, très isolée, plate, venteuse et très froide, la nuit. »