Le Journal de Montreal - Weekend

JENNY ROCK

- AGNÈS GAUDET agnes.gaudet @quebecorme­dia.com

Personne n’a oublié cette petite bonne femme bourrée d’énergie qui interpréta­it du Elvis Presley avec sa grosse guitare en bandoulièr­e et qui dansait vêtue de blue-jeans en chantant Douliou douliou Saint-Tropez. À l’âge de 12 ans, Jenny Rock partait déjà en tournée avec les grands de la musique québécoise et en 1965, à 19 ans, elle fut la seule artiste francophon­e à faire la première partie des Rolling Stones, après avoir été élu Découverte de l’année. Comment votre carrière a-t-elle débuté ?

À six ans j’ai décidé de devenir chanteuse. C’était ça, ou bien religieuse

(rires) ! J’avais chanté à 4 ans dans une noce et je me souvenais des applaudiss­ements, du succès. J’aimais beaucoup le patin artistique aussi, je pratiquais seule tous les soirs sur la glace derrière le couvent privé que je fréquentai­s à Granby. Mais à l’époque il n’y avait pas de cours dans la région et ma mère m’avait dit : « Tu vas avoir froid si tu fais du patin ! » Alors j’ai choisi la chanson.

Quels sont vos meilleurs souvenirs du métier ?

Les premières tournées avec Jean Grimaldi étaient formidable­s. J’avais 14 ans et je me retrouvais sur scène avec les Claude Blanchard, Jean Lapointe et Manda Parent. C’était vraiment excitant. J’avais commencé avec Paul Brunelle qui m’avait vue dans un concours d’amateur et m’avait emmenée en tournée country. Puis j’ai fait une autre tournée avec Marcel Martel en remplaceme­nt de sa fille Renée. C’est lors d’un de ces spectacles que madame Grimaldi qui était agente – la mère de Francine – m’avait remarquée. J’étais toute jeune et je chantais du Elvis Presley avec ma grosse guitare. Je dansais la claquette même si je n’avais jamais suivi de cours, j’étais une « entertaine­r ».

Comment viviez-vous la popularité ?

À l’époque, les tournées duraient quatre mois. On se rendait partout au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Ontario. Ma mère me suivait partout. Elle avait loué son resto, puis l’avait vendu pour pouvoir me suivre, puis elle avait bâti le Motel Jenny Rock, à St-Hubert, espérant que j’y travailler­ais un jour avec elle. Moi, après les tournées, j’aurais préféré retourner à l’école, mais on a eu des problèmes financiers, les banques ne voulaient pas prêter à ma mère parce qu’elle était une femme. Alors je suis retournée dans les clubs. J’étais trop jeune pour fréquenter ces établissem­ents. Alors ma vie se passait dans la cave ! On me sortait pour le show et je retournais dans la cave ! Une chance que j’étais chum avec les cook. Ils me gâtaient.

Dans quelles circonstan­ces avezvous ralenti la cadence ?

J’ai été Découverte de l’année en 1965. J’ai aussi participé à la première des Rolling Stones à Montréal. À l’époque, je travaillai­s 5 à 6 jours par semaine. Je n’avais plus de vie. Je ne voyais plus le soleil. Après le gros succès de St-Tropez (Douliou douliou), ma voix a flanché. J’ai pensé que ma vie était finie, puis j’ai appris à travailler ma voix. Je voulais arrêter six mois, me renouveler, mais il n’en était pas question, il fallait monter des shows. J’étais devenue comme une machine. Un matin, je me suis demandé : « Qu’est-ce qui te ferait plaisir, Jenny ? » Et je suis retournée à l’école. Je voulais me rendre jusqu’à l’université en art. Puis je me suis mariée et j’ai eu mon fils.

Quelle a été la suite des choses ?

J’ai continué à faire de la scène, du cabaret. Je gagnais bien ma vie. C’était plus payant qu’aujourd’hui. J’étais rendue dans le funk, mais ici c’était la mode des chansons engagées pour promouvoir la séparation du Québec. Ça ne convenait pas à mon style de musique qui « groovait ». Moi, j’aimais la musique qui fait bouger. Quand j’ai divorcé, je suis allée vivre et travailler deux ans à Vegas et quand je suis revenue j’ai formé des groupes avec des musiciens, Jenny in love, Super J Rock. J’ai fait de la télé aussi. On m’invitait sur les shows de variétés, j’étais tellement folle en entrevue ! J’ai toujours chanté et je suis contente de ce que j’ai fait.

Quels sont vos projets ?

Je viens de monter un nouveau spectacle qui s’intitule Faut en profiter

pendant qu’on est encore jeune ! J’ai commencé à le faire dans des résidences qui ont un certain budget et j’en suis très fière. Je parle des chanteuses de mon enfance, Peggy Lee, Sophie Tucker, je raconte des anecdotes du resto de ma mère, je fais du Elvis, mon premier dada musical, je rends hommage aux chanteuses qui m’ont influencée : Aretha Franklin, Etta James, Tina Turner.

Chaque semaine

Le Journal retrouve des artistes qui ont connu la gloire, mais qu’on voit moins depuis quelques années. On ne les a pas oubliés pour autant…

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 ??  ?? En 1967, l’année de l’expo, Jenny Rock, 21 ans, avait déjà près d’une décennie d’années de métier derrière elle.
En 1967, l’année de l’expo, Jenny Rock, 21 ans, avait déjà près d’une décennie d’années de métier derrière elle.
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