Le Journal de Montreal - Weekend
QUAND LA GASTRONOMIE DEVIENT SPECTACLE
Quand Jérôme Ferrer a imaginé son nouveau restaurant Europea, il a eu envie de proposer une expérience différente à ses clients en leur faisant vivre un moment hors de l’ordinaire. L’idée lui est alors venue de demander l’aide du metteur en scène René Richard Cyr pour l’accompagner dans sa démarche. Un pari audacieux pour les deux créateurs, qui ne semblaient pourtant pas destinés à travailler ensemble.
René Richard Cyr n’aurait jamais imaginé faire un jour la mise en scène d’un restaurant. D’abord parce qu’il ne se définit pas spécialement comme un fin gourmet, ensuite parce qu’il ne connaissait pas Jérôme Ferrer.
« Au départ, je ne comprenais pas ce qu’il attendait de moi. Je ne savais pas ce que voulait dire “faire la mise en scène d’un restaurant”. Je connaissais la réputation de Jérôme, mais je ne suis pas nécessairement un gastronome invétéré. »
À l’invitation du grand chef Relais & Châteaux, il est allé manger à l’Europea pour la première fois et a finalement compris ce qu’il pouvait apporter.
« J’ai tenté de comprendre la singularité de l’expérience, explique-t-il. J’ai pris plusieurs notes pendant le repas, et à partir de ça, j’ai proposé un scénario. La vedette demeure la gastronomie, les plats eux-mêmes. L’idée était de voir comment on peut faire vivre une expérience aux convives, du moment où ils passent la porte de l’établissement jusqu’à celui où ils rentrent chez eux. »
UN UNIVERS LUDIQUE
« Dans ma tête, j’associais haute gastronomie avec quelque chose de précieux et très classe, mentionne le metteur en scène. Je me suis dit qu’il ne fallait pas perdre ça, mais qu’il y avait moyen de rendre le tout plus ludique. Le luxe, aujourd’hui, c’est le temps, la chaleur humaine et la rencontre. Il faut créer une personnalisation de l’expérience. J’avais de belles idées, mais encore fallait-il les mettre en pratique. »
Jérôme et son équipe ont mobilisé leurs énergies pour transformer ces idées en éléments concrets, sans oublier les principaux éléments : les plats.
« On a fait en sorte que tous les points de repère que les gens pouvaient avoir dans un restaurant, ils ne puissent plus les avoir. »
Avant, on écoutait le serveur parler des producteurs qui fournissent les aliments. Avec la technologie 2.0, on peut maintenant montrer le producteur et son environnement. C’est comme si la restauration avait enfin rencontré la technologie.
« C’est la première fois, dans un restaurant gastronomique, que la brigade est en immersion totale à tous les points de vue ; les serveurs et les sommeliers sont en immersion avec les cuisiniers et les clients », précise le chef, qui a aussi imaginé un nouveau menu.
« On s’est adaptés à la clientèle d’aujourd’hui. On a fait un menu Grande Table, composé de 12 scènes et 30 plats, pour 150 $. Je peux dire qu’on est aujourd’hui le restaurant gastronomique le moins cher. On a aussi fait un menu Nature, pour les végétariens, ceux qui ont des allergies ou autre. »
Son restaurant est ouvert depuis le 31 décembre, et Jérôme Ferrer est heureux de constater que les clients embarquent complètement dans son pari fou. « Le plus beau compliment a été de me dire que c’était comme un spectacle du Cirque du Soleil. »