Le Journal de Montreal - Weekend
FOCUS SUR LE MILIEU AGRICOLE
Nous sommes de plus en plus soucieux et intéressés par le contenu de notre assiette. Éleveurs, agriculteurs et producteurs prennent donc de plus en plus d’importance dans nos décisions de consommateurs. Parallèlement, ceux-ci font face à des défis croissants. C’est un milieu mis de l’avant sous toutes sortes de formes actuellement sur nos ondes, qu’on tente de dépeindre avec le plus de justesse possible, question de le connaître mieux ou de s’y sensibiliser. Après tout, les agriculteurs sont à la base de tout !
EN FICTION
Parfois pour des raisons historiques, parfois pour illustrer une réalité rurale qui est la nôtre, quelques séries et téléromans à succès ont campé leur intrigue au coeur du milieu agricole. Pensons à Rose-Anna dans Le temps
d’une paix (toujours en reprise sur ARTV) de Pierre Gauvreau, qui vivait sur une ferme. Pensons aussi à la famille Galarneau dans L’héritage de Victor-Lévy Beaulieu. Tout récemment, 5e rang du tandem Sylvie Lussier-Pierre Poirier débarquait sur nos ondes. « On sent présentement un intérêt pour le domaine agricole, mais dans notre cas, ce n’était pas une volonté réfléchie, affirme l’auteure Sylvie Lussier. Pierre a grandi sur une ferme où on élevait la volaille, mais notre envie était plutôt de sortir de la ville, d’illustrer une autre réalité. Puis on a eu un flash : qu’arriverait-il si un fermier était retrouvé mort, mangé par ses cochons ? C’est une bonne façon de faire disparaître un corps ! »
Ils ont donc donné vie à une femme forte qui dirige une ferme porcine bio, puis ils ont fait des recherches pour rendre le contexte crédible. « Nous avons rencontré plusieurs éleveurs, des femmes à la tête d’entreprises bio en Montérégie, notamment. »
On y comprend rapidement les enjeux économiques, les défis pour la quête d’un bon produit, l’implication familiale, mais aussi une certaine dualité entre une façon de faire plus traditionnelle et une autre plus avant-gardiste, source de conflits entre les personnages interprétés par Maude Guérin et François Papineau. « C’est un milieu de gens admirables, extrêmement dévoués, qui soutiennent tous le Québec sept jours sur sept de façon presque anonyme. On ne fait pas de l’éducation, le but de l’histoire est de divertir, mais il est évident que certaines de nos préoccupations transgressent. »
EN AFFAIRES PUBLIQUES
La semaine verte est un cas exceptionnel. L’émission qui aborde les questions d’environnement et d’agriculture en est à sa 48e année. « À l’époque, l’émission relevait de la télévision générale et avait le mandat de faire le portrait de la vie en campagne, explique Hélène Leroux qui en est la rédactrice en chef depuis 10 ans. Nous relevons depuis plusieurs années des affaires publiques,
La semaine verte est donc devenue une émission qui questionne. On y véhicule moins l’image bucolique, mais on s’adresse à un large public soucieux de la gestion du vivant et de l’environne-
ment. Et on voit l’intérêt grandissant quand on aborde des questions d’aliments génétiquement modifiés, de développement des pesticides/herbicides, du bien-être animal, de la gestion des forêts, des pêches. Tout ça a une incidence sur l’avenir. C’était certainement un discours marginal dans les années 70, mais aujourd’hui c’est immensément àlamode!»
Les sujets chauds de l’actualité y sont souvent décortiqués. « Certains sujets peuvent prendre jusqu’à un an de recherche. C’est une émission importante pour le milieu agricole, mais qui s’adresse d’abord au grand public afin de lui donner les clés pour mieux le comprendre. C’est une émission unique non pamphlétaire et sans prise de position. » Et qui a su s’adapter à l’évolution rapide du milieu.
EN MAGAZINE
Le producteur Jacques Fortin et la réalisatrice Guylaine Laframboise planchent sur Arrive en campagne, dont la 4e saison animée par Stefano Faita sera diffusée au printemps à TVA.
« Un jour, un réalisateur m’a demandé comment s’habiller pour aller tourner sur une ferme, évoque Guylaine. Je me suis rendu compte que peu de gens avaient accès à ce milieu-là. Un rapport récent a montré que pour beaucoup d’enfants, le lait vient de l’épicerie ! »
C’est comme ça que la volonté d’emmener une famille urbaine sur une ferme pendant 48 h, un concept d’Arrive
en campagne, est née. Ici, c’est une vitrine pour les agriculteurs choisis. « Rien n’est scripté, explique Jacques, on embarque dans le workflow. Et je vois qu’en 20 ans, la perception qu’on a du milieu s’est améliorée. C’est un beau milieu. Ce sont les gens qui nous nourrissent. »
Le tandem travaille depuis 21 ans à nous faire connaître le milieu agricole, d’abord avec l’émission Cultivé bien élevé (1999-2005 à Télé-Québec) puis avec
Par-dessus le marché pendant 11 ans. « Le milieu agricole s’est émancipé », indique Jacques Fortin. « L’agriculture est valorisée maintenant, confirme Guylaine Laframboise. Les agriculteurs font des études, développent l’entrepreneuriat et sont aussi conscients des questions de bien-être animal, d’environnement. »
À noter, Arrive en campagne fait des petits. Une version française devrait voir le jour sous peu et créer ici un pont avec le milieu agricole qui a besoin de soutien. Une production canadienne est aussi en pourparlers.
EN TÉLÉ-RÉALITÉ
L’amour est dans le pré entame sa 7e saison. Ce format campé dans le monde rural a fait 9 couples et 16 bébés (et deux autres à venir). Bref, la télé-réalité la plus efficace pour la recherche de l’amour. « Les agriculteurs représentent des valeurs traditionnelles et de la stabilité, observe Martin Métivier qui en est le producteur. Ils sont sérieux dans leur démarche. » Mais le portrait qu’on y dépeint est-il conforme à la réalité, surtout quand il est question de séduction ? « La ferme, c’est le contexte, le décor, les valeurs.
« Il faut bien distinguer vie de campagne et vie agricole. D’ailleurs, quand on rencontre les candidats(es) en audition, on doit les challenger et parler des défis qui les attendent, dont les grandes périodes de récolte ou de production, le fait d’être tributaire de la météo, le stress face aux maladies qui pourraient toucher des troupeaux. Plusieurs trouvent ça cute, mais ce sont des métiers très durs. La question animale fait aussi partie du questionnaire : Coco est bien beau, mais il s’en va à l’abattoir !
« À l’émission, on ne fait pas de mise en scène. D’ailleurs, les agriculteurs qui se prêtent au jeu doivent prévoir de la maind’oeuvre supplémentaire, car s’ils passent 12 heures par jour aux champs, là ils sont 12 heures avec nous en tournage pendant quatre jours. Sinon, nos activités sont intimement liées à leur quotidien, la traite des vaches par exemple. On tourne en automne, donc on vit au rythme de ce qui doit se faire à ce moment-là. »
Évidemment, les grands enjeux n’y sont pas abordés ici. « On mise sur les rencontres, ce qui n’est pas facile à l’ère des réseaux sociaux. Par contre, l’émission permet de nous sensibiliser à leur réalité. C’est un milieu qui évolue beaucoup. La nouvelle génération veut que le travail soit plus efficace ; ils ont développé des connaissances, recherchent de meilleures conditions, sont soucieux de la génétique. Ça teinte qui ils sont. » Et ils nous laissent généreusement entrer chez eux.