Le Journal de Montreal - Weekend
« C’EST CASSE-GUEULE COMME RÔLE »
En lisant le scénario de la série Mon fils, dans laquelle il incarne brillamment Jacob, un jeune homme qui apprendra qu’il est schizophrène, Antoine L’Écuyer savait d’emblée que ce rôle bouleversant allait avoir un impact sur sa carrière. Mais la proposition était à double tranchant.
« C’est casse-gueule comme rôle, confie-t-il à l’autre bout du fil. Si ce n’était pas joué comme il le fallait, si ça tombait dans la caricature, je savais que ça aurait une incidence négative sur ma carrière. Mais si ça réussissait, je savais qu’il y aurait un grand impact aussi. »
On peut dire qu’il a réussi haut la main. Depuis la mise en ligne de Mon fils sur Club illico la semaine dernière, les éloges pleuvent sur sa performance d’acteur.
Il y incarne Jacob, un jeune homme issu d’une famille aisée, dont les parents (Élise Guilbault et Patrice Godin) sont séparés, et qui mène la vie normale d’un garçon de son âge avant d’être chamboulé par un diagnostic de schizophrénie.
S’il crève l’écran, c’est entre autres parce qu’il a fait ses devoirs. Il s’est préparé intensivement pendant deux mois, pratiquement tous les jours avant le tournage, pour arriver à jouer des épisodes psychotiques justes, qui ne tomberaient pas dans la caricature.
AIDÉ PAR UN PSYCHIATRE
Son travail de recherche s’est fait avec l’aide du psychiatre Pierre Lalonde.
« J’ai visionné des documentaires sur la schizophrénie et lu beaucoup de témoignages de gens eux-mêmes schizophrènes, ou de leurs proches, leurs parents. J’ai lu beaucoup de choses qui ont été faites en France, où cette maladie est plus documentée », explique-t-il.
Antoine L’Écuyer a aussi écouté des simulations audio de voix que les schizophrènes peuvent entendre. « Dans les scènes de psychose, ça m’a aidé énormément. Mais à un moment donné, j’ai arrêté d’écouter ça. Ça devenait un peu rushant », avoue celui qui dans la série entend et voit des loups dans ses hallucinations.
D’ailleurs, Antoine L’Écuyer a été appelé à jouer les scènes les plus intenses, dont celles qui se déroulent à l’hôpital psychiatrique, dès les premiers jours de tournage.
« Ça faisait peur au début de jouer des scènes si intenses tôt, mais ç’a été bénéfique au final, dit-il. Il y a trois Jacob dans la série : celui du début, celui en délire et l’autre, qui va mieux. Et j’ai trouvé tout de suite comment jouer les trois Jacob. Ç’a été un saut dans le vide payant. »
DES RÔLES TÉNÉBREUX
C’est lorsqu’il avait cinq ans qu’Antoine L’Écuyer a eu le goût, lui aussi, d’entrer dans la petite boîte noire où il voyait son grand-père, Guy L’Écuyer, connu entre autres pour avoir joué dans Franfreluche.
« Mais ma mère ne savait pas où commencer, c’était un rêve comme un autre. Elle se disait que j’allais sûrement vouloir être pompier un jour, comme les autres », évoque-t-il en riant.
C’est en allant consulter une professeure de diction, parce qu’il avait des troubles de langage, que tout s’est mis en marche. « Elle m’a présenté son agent, et c’est ensuite devenu le mien. »
Il a ainsi obtenu son premier rôle à neuf ans dans le film C’est pas moi, je le jure, de Philippe Falardeau. « Après, tout a déboulé. Je ne sais pas si c’est moi qui ai choisi le métier, ou [si c’est] le métier qui m’a choisi », confie humblement le jeune homme, qu’on a aussi vu dans La garde, où il était au coeur d’une relation père-fils tumultueuse. Comme c’est le cas dans Mon fils, on lui a souvent confié des rôles plus ténébreux.
« C’est le fun, pour un acteur, jouer des rôles comme ça, dit-il. Mais je suis vraiment ouvert aux propositions. Pour l’instant, je suis libre de choisir mes projets. J’aimerais peut-être jouer en anglais un jour. Aussi longtemps que je vais pouvoir faire ce métier-là librement, je vais être heureux. »