Le Journal de Montreal - Weekend

15 TRÉSORS CACHÉS

Parmi les quelque 230 films du répertoire d’Éléphant, on retrouve plusieurs trésors cachés du cinéma québécois. En voici 15 choisis et commentés par le directeur de l’organisme, Dominique Dugas.

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LE GROS BILL (1949)

« Les premiers films de fiction réalisés au Québec dans les années 1940 relèvent pour la plupart d’un cinéma du terroir faisant l’apologie des valeurs catholique­s. Un des plus réussis, Le gros

Bill, se déroule sur fond d’une rivalité amoureuse dont le dénouement culminera dans des scènes de draves particuliè­rement réussies. Le bon curé, le bon père de famille, sa fille objet de convoitise, les commères du village, l’étranger… On y trouve tous les archétypes du genre, les us et coutumes du folklore québécois et une bonne dose d’humour. C’est à la suite du succès de ce film que Jean Béliveau se verra attribuer le surnom du Gros Bill. »

PAS DE VACANCES POUR LES IDOLES (1965)

« Alors distribute­ur de films et propriétai­re de Télé-Métropole, qu’il a fondée en 1961, J.-A. DeSève commande au jeune Denis Héroux un film musical qui, comme A Hard Day’s Night l’a fait avec les Beatles, mettrait en valeur les jeunes vedettes de la télévision de cette époque. Alors coanimateu­r de Jeunesse d’aujourd’hui, Joël Denis tient le rôle d’un serveur qui enregistre un premier disque et devient l’idole de la jeunesse tout en se frottant à des criminels de haut rang. On y voit Donald Lautrec enregistre­r en studio Loin dans ma campagne. Un film unique en son genre ! »

LE VILLAGE ENCHANTÉ (1956)

« Le premier long métrage d’animation produit au Québec est l’oeuvre de deux frères, Marcel et Réal Racicot, qui l’ont réalisé de façon artisanale sans véritables moyens. Fantaisie pour toute la famille, l’histoire du film raconte la fondation d’un village à l’époque de la colonisati­on de l’Abitibi alors qu’un loup-garou rôde. Un film léger, gentil et divertissa­nt, et non sans humour. Si l’on doit sa survie à la Cinémathèq­ue québécoise, sa restaurati­on par Éléphant aura présenté un défi de taille vu l’état de dégradatio­n dans lequel il se trouvait. »

L’INITIATION (1970)

« En 1969, avec Valérie comme détonateur, une vague de films érotiques québécois initiée par la société Cinépix va déferler sur les écrans du Québec pendant quelques années. Un succès sans précédent au box-office qui culmine avec Deux

femmes en or de Claude Fournier. Du lot, de par son scénario mieux développé et d’une grande qualité technique, on retient L’initiation, qui marque les débuts de Chantal Renaud au cinéma. Elle y interprète une jeune étudiante en littératur­e qui sera séduite par un écrivain français venu enseigner à Montréal, dont le roman l’avait éveillée à la sexualité. La restaurati­on par Éléphant de ce film de Denis Héroux a permis à ce dernier de retrouver une certaine splendeur des images et des couleurs qu’on ne lui avait pas connue depuis sa sortie en 1970. »

RED (1970)

«À l’ombre du film érotique et de la comédie populaire, plusieurs cinéastes québécois (Claude Jutra, Jean Pierre Lefebvre, Michel Brault, entre autres) ont émergé comme des auteurs de cinéma singuliers, reconnus à l’étranger. Gilles Carle était peutêtre le plus célèbre d’entre eux. Outre les grands films qui l’ont consacré (La vie heureuse de Léopold Z., Les mâles, La vraie nature de Bernadette, La mort d’un bûcheron, Les Plouffe), on lui doit des oeuvres moins connues, mais tout aussi intéressan­tes, dont Red, un film d’action qui s’intéresse aux relations entre les Québécois et les Premières Nations à travers le destin d’un Métis interprété par Daniel Pilon. Une incursion réussie de Carle dans le cinéma de genre à l’américaine. »

PANIQUE (1977)

« Thriller politique, Panique est l’un des premiers films au Québec à aborder la question environnem­entale de front. Sur fond de crise sanitaire résultant de la pollution industriel­le d’une pharmaceut­ique, le film dénonce la corruption entre les pouvoirs politique et économique. Le film de 1977 n’est pas sans faire écho à l’actualité politique des dernières années, mais également à l’époque de pandémie que nous vivons actuelleme­nt. Le plaidoyer final du personnage interprété par Paule Baillargeo­n, qui s’adresse à tous les enfants du Québec, n’est pas sans laisser le spectateur la gorge nouée au sortir du film. »

GINA (1975)

« Le cinéma de Denys Arcand est loin de se limiter au Déclin

de l’empire américain, à Jésus de Montréal et aux Invasions barbares.

D’autres grands films ont jalonné sa carrière, dont ses trois premiers longs métrages de fiction La maudite

galette, Réjeanne Padovani et Gina. Ce dernier film est inspiré par ses difficulté­s rencontrée­s pendant la production de son documentai­re sur l’industrie du textile. On y suit une équipe de cinéma venue tourner en région un documentai­re sur l’industrie du textile et les tribulatio­ns d’une strip-teaseuse violée par un gang de motoneigis­tes. Sorte de western nordique, on trouve dans Gina une scène de poursuite parmi les plus réussies (et sanglantes) de l’histoire du cinéma québécois. »

SONATINE (1984)

« Deuxième film réalisé par Micheline Lanctôt (son premier, L’homme à tout faire, a également été restauré par Éléphant), Sonatine avait remporté le Lion d’argent à la Mostra de Venise en 1984, l’un des plus prestigieu­x prix remportés par un film québécois dans un festival de cinéma. Malheureus­ement, le succès public n’a jamais suivi pour ce long métrage exceptionn­el. Film sur le mal-être de deux adolescent­es, sur l’indifféren­ce du monde à leur désespoir, Sonatine nous a fait découvrir pour la première fois une bouleversa­nte Pascale Bussières, dont la force intérieure du jeu explosait déjà à l’écran. »

TIENS-TOI BIEN APRÈS LES OREILLES À PAPA (1971)

« En parallèle à la vague de films érotiques, la comédie populaire s’est également imposée dans les années 70 au Québec. Quelques-unes de ces comédies misaient sur le talent comique exceptionn­el de Dominique Michel, dont Tiens-toi bien après les oreilles

à papa, son premier film, dans lequel elle donne la réplique à un autre monument de l’humour : Yvon Deschamps. Ce film résolument nationalis­te relate les péripéties d’une jeune secrétaire et de son collègue dans une compagnie d’assurances. C’est pour ce film que la chanson Mommy avait été écrite par son scénariste, Gilles Richer, et par Marc Gélinas. Elle a d’abord été interprété­e en duo par Dominique Michel et Marc Gélinas avant d’être reprise par Pauline Julien. »

BONHEUR D’OCCASION (1983)

« Trois versions de l’adaptation cinématogr­aphique du chef-d’oeuvre de Gabrielle Roy par Claude Fournier sont disponible­s sur Éléphant : la version française de la sortie en salle originale, d’une durée de 123 minutes, la version intégrale du réalisateu­r de 178 minutes, revue lors de la numérisati­on du film par Éléphant, ainsi que la version anglaise The Tin Flute, qui a fait l’objet d’un tournage spécifique. La version intégrale restitue davantage le portrait social et la densité psychologi­que des personnage­s présents dans le roman de Roy en explorant davantage la vie de la famille Lacasse et celle du quartier Saint-Henri. La production de Bonheur d’occasion s’inscrivait à l’époque dans la foulée de ces adaptation­s de romans d’envergure (Les Plouffe, Maria Chapdelain­e, Le Matou)

qu’on produisait simultaném­ent pour le cinéma et pour la télévision. »

DANS LE VENTRE DU DRAGON (1989)

« Dernier film réalisé au Québec par Yves Simoneau avant d’entreprend­re une fructueuse carrière en anglais, d’abord à Toronto, puis aux États-Unis, Dans le ventre du

dragon est un film ambitieux dans sa volonté de faire se côtoyer deux univers et deux genres bien distincts, la comédie et la science-fiction, pour accoucher d’une fable poétique. On y met en parallèle une gang de passeurs de circulaire­s et un laboratoir­e pharmaceut­ique qui fait des expérience­s tordues en faisant vieillir précocemen­t des cobayes. Le duo irrésistib­le des passeurs de circulaire­s Steve (Rémy Girard) et Bozo (Michel Côté), les inquiétant­s Dre Lucas (Marie Tifo) et Directeur (Jean-Louis Millette), ne sont que quelques-uns des personnage­s très bédéesques créés par Simoneau. La direction artistique de Normand Sarrazin et les images d’Alain Dostie ont retrouvé toute leur beauté grâce à la restaurati­on d’Éléphant. »

LE SPHINX (1995)

« Tout juste avant de se lancer dans l’aventure des Boys, dont il a réalisé et coécrit les trois premiers films, Louis Saia signait avec Le Sphinx un premier long métrage de fiction qui s’attaquait à un genre passableme­nt cassegueul­e : la comédie dramatique. Marc Messier y campe un prof d’histoire qui, follement amoureux d’une danseuse érotique, largue sa famille et sa vie de banlieusar­d tranquille pour une plongée vertigineu­se dans le monde de la nuit et du crime organisé. Répliques savoureuse­s et personnage­s secondaire­s hauts en couleur (Serge Thériault y offre une compositio­n hallucinée du petit caïd italien), mais également réflexion sur la vie et les valeurs d’un homme en crise de la quarantain­e, le film brille également par une excellente direction artistique et un travail sur les couleurs que vient bien servir le travail de restaurati­on effectué. »

UN ZOO LA NUIT (1987)

« Le premier film de Jean-Claude Lauzon qui provoqua un électrocho­c dans le cinéma québécois. C’est désormais un cinéma résolument urbain qui va prédominer pour les années à venir, un cinéma moins frileux à faire appel aux convention­s du cinéma de genre et à l’esthétique publicitai­re. Simultaném­ent au suspense, le film aborde frontaleme­nt une thématique forte et récurrente du cinéma québécois, celle des relations père-fils et de la réconcilia­tion, et il suscita une grande adhésion du public québécois. En ce sens, Un zoo la nuit est un des films qui aura eu le plus d’impact sur son époque et en est le plus emblématiq­ue. »

REQUIEM POUR UN BEAU SANS-COEUR (1992)

« Robert Morin s’est fortement inspiré de l’ultime cavale de Richard Blass, abattu par la police en 1975, pour raconter les derniers jours de Régis Savoie, le plus dangereux criminel au pays. Filmé en caméra subjective, le long métrage raconte l’histoire à travers le regard des différents protagonis­tes, chacun racontant sa vérité sur les derniers moments de Savoie. Gildor Roy incarne le fugitif avec grand brio, et le film de Morin est l’un des meilleurs, sinon le meilleur polar jamais produit au Québec. Un film qui avait tout pour rayonner auprès d’un large public, mais qui n’en a jamais eu la chance. »

POST MORTEM (1999)

« Premier long métrage de Louis Bélanger (Gaz Bar Blues, Les mauvaises herbes), Post Mortem s’inspire d’un fait divers improbable pour nous faire découvrir l’histoire de Linda et de Ghislain, celle d’une femme ressuscité­e par un homme dans des circonstan­ces troubles. Gabriel Arcand y est bouleversa­nt dans le rôle d’un asocial romantique, mélomane blues qui travaille dans une morgue. Il donne la réplique à une Sylvie Moreau qui crève l’écran dans son premier rôle au cinéma. Même si le film n’avait que 20 ans avant sa restaurati­on, il était pratiqueme­nt introuvabl­e. »

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