Le Journal de Montreal - Weekend
QUAND LA SANTÉ MENTALE S’EFFRITE
Furetant sur les réseaux sociaux, j’ai constaté au cours des dernières semaines, comme vous sans doute, l’impatience grandissante des Québécois, notamment chez de jeunes parents, au bord des larmes, devant leurs enfants sans encadrement scolaire.
Et que dire de tous ces gens dont l’état de santé est trop précaire ou vivant dans une région autre que celles de leurs proches, et qui se voient ainsi privés de la présence de leur famille ? Toutes ces personnes s’expriment sans filtre sur ces plateformes, témoignant leur désarroi devant une situation dont nous ignorons encore la fin.
UNE ÉNERGIE EFFRITÉE
À la mi-mars, en début de confinement, nous étions tous mobilisés pour mettre le Québec sur « pause » pendant quelque temps, usant de notre imagination devant la situation. Or, dix semaines plus tard, et malgré les premières étapes du déconfinement, une grande fatigue psychologique et physique s’est installée, prenant plusieurs formes : troubles du sommeil, tristesse, anxiété, colère, et envie de déménager sur Mars pour enfin pouvoir se reposer !
Le printemps annonce habituellement le renouveau : fin des classes, arrivée des vacances estivales, planification de voyages, etc. Or, l’incertitude demeure, de sorte qu’il est encore plus difficile d’élaborer de tels projets, ce qui ajoute à notre lassitude. Nous avions d’abord cru être dans un sprint, pour ensuite apprendre que nous nous étions engagés dans un marathon… Or, nous nous retrouvons désormais dans un ultra-marathon : sans aucune préparation devant cette situation inédite et plus longue que prévu, pas surprenant que nous soyons à bout de souffle !
UN ENTRAÎNEMENT DE LONGUE HALEINE
Le confinement nous épuise, tout comme l’incertitude qui génère son lot d’anxiété, mais notre pression à le « réussir » aussi : mangeons correctement, ne prenons pas de poids, stimulons les enfants, évitons qu’ils s’ennuient, etc. Mais il vaudrait mieux apprendre à vivre différemment pendant quelques mois, savoir s’adapter, et revoir nos priorités. Autrement dit : renoncer à certaines choses pour mettre nos énergies à la bonne place en fonction de nos priorités, comme l’harmonie familiale, par exemple.
Comment s’adapter à cette nouvelle réalité ? D’abord, l’impatience, la colère, et le manque de tact constituent le lot de tous : savoir le reconnaître, s’en parler, et s’excuser permettent de relâcher la tension, et le poids de la culpabilité. Les épaules sur lesquelles pleurer se font peut-être rares, et si nous sommes tous dans la même galère, certains vivent moins durement le confinement dans notre entourage : leur écoute peut être précieuse.
Dans ce contexte stressant, il faut trouver une énergie différente de celle utilisée en début de pandémie. Cette nouvelle phase, à la durée indéterminée, va encore tester nos limites, et peut-être augmenter nos sentiments dépressifs et anxieux.
LES BONS INGRÉDIENTS
Comment atténuer ces sentiments négatifs ? D’abord en faisant preuve de bienveillance envers votre entourage, mais aussi envers votre communauté. Tout le monde est au bout du rouleau, alors en quoi envoyer promener un cycliste ou un piéton va améliorer la situation ?
Soyez aussi bienveillant envers vousmêmes et cessez de vouloir atteindre la perfection : perdre patience, être improductif, manquer de concentration, c’est humain, et ce l’est encore plus en période de confinement. Même si on ignore quand cette période va se terminer, il ne faut jamais perdre de vue qu’elle finira bien un jour.
D’ici là, vous connaîtrez sans doute d’autres mauvaises journées, et d’autres sautes d’humeur, et c’est tout à fait normal. Les gens qui tiennent à vous veulent et peuvent vous consoler, mais si les problèmes persistent ou s’aggravent, n’hésitez pas à demander de l’aide.
Faites-le pour vous, et laissez votre pudeur de côté. En ces temps difficiles, elle n’est pas utile : troquez-la plutôt pour un peu plus d’indulgence et de compassion envers vous-même.