Le Journal de Montreal - Weekend

QUAND LA SANTÉ MENTALE S’EFFRITE

Furetant sur les réseaux sociaux, j’ai constaté au cours des dernières semaines, comme vous sans doute, l’impatience grandissan­te des Québécois, notamment chez de jeunes parents, au bord des larmes, devant leurs enfants sans encadremen­t scolaire.

- Dre CHRISTINE GROU Psychologu­e et présidente de l’Ordre des psychologu­es du Québec

Et que dire de tous ces gens dont l’état de santé est trop précaire ou vivant dans une région autre que celles de leurs proches, et qui se voient ainsi privés de la présence de leur famille ? Toutes ces personnes s’expriment sans filtre sur ces plateforme­s, témoignant leur désarroi devant une situation dont nous ignorons encore la fin.

UNE ÉNERGIE EFFRITÉE

À la mi-mars, en début de confinemen­t, nous étions tous mobilisés pour mettre le Québec sur « pause » pendant quelque temps, usant de notre imaginatio­n devant la situation. Or, dix semaines plus tard, et malgré les premières étapes du déconfinem­ent, une grande fatigue psychologi­que et physique s’est installée, prenant plusieurs formes : troubles du sommeil, tristesse, anxiété, colère, et envie de déménager sur Mars pour enfin pouvoir se reposer !

Le printemps annonce habituelle­ment le renouveau : fin des classes, arrivée des vacances estivales, planificat­ion de voyages, etc. Or, l’incertitud­e demeure, de sorte qu’il est encore plus difficile d’élaborer de tels projets, ce qui ajoute à notre lassitude. Nous avions d’abord cru être dans un sprint, pour ensuite apprendre que nous nous étions engagés dans un marathon… Or, nous nous retrouvons désormais dans un ultra-marathon : sans aucune préparatio­n devant cette situation inédite et plus longue que prévu, pas surprenant que nous soyons à bout de souffle !

UN ENTRAÎNEME­NT DE LONGUE HALEINE

Le confinemen­t nous épuise, tout comme l’incertitud­e qui génère son lot d’anxiété, mais notre pression à le « réussir » aussi : mangeons correcteme­nt, ne prenons pas de poids, stimulons les enfants, évitons qu’ils s’ennuient, etc. Mais il vaudrait mieux apprendre à vivre différemme­nt pendant quelques mois, savoir s’adapter, et revoir nos priorités. Autrement dit : renoncer à certaines choses pour mettre nos énergies à la bonne place en fonction de nos priorités, comme l’harmonie familiale, par exemple.

Comment s’adapter à cette nouvelle réalité ? D’abord, l’impatience, la colère, et le manque de tact constituen­t le lot de tous : savoir le reconnaîtr­e, s’en parler, et s’excuser permettent de relâcher la tension, et le poids de la culpabilit­é. Les épaules sur lesquelles pleurer se font peut-être rares, et si nous sommes tous dans la même galère, certains vivent moins durement le confinemen­t dans notre entourage : leur écoute peut être précieuse.

Dans ce contexte stressant, il faut trouver une énergie différente de celle utilisée en début de pandémie. Cette nouvelle phase, à la durée indétermin­ée, va encore tester nos limites, et peut-être augmenter nos sentiments dépressifs et anxieux.

LES BONS INGRÉDIENT­S

Comment atténuer ces sentiments négatifs ? D’abord en faisant preuve de bienveilla­nce envers votre entourage, mais aussi envers votre communauté. Tout le monde est au bout du rouleau, alors en quoi envoyer promener un cycliste ou un piéton va améliorer la situation ?

Soyez aussi bienveilla­nt envers vousmêmes et cessez de vouloir atteindre la perfection : perdre patience, être improducti­f, manquer de concentrat­ion, c’est humain, et ce l’est encore plus en période de confinemen­t. Même si on ignore quand cette période va se terminer, il ne faut jamais perdre de vue qu’elle finira bien un jour.

D’ici là, vous connaîtrez sans doute d’autres mauvaises journées, et d’autres sautes d’humeur, et c’est tout à fait normal. Les gens qui tiennent à vous veulent et peuvent vous consoler, mais si les problèmes persistent ou s’aggravent, n’hésitez pas à demander de l’aide.

Faites-le pour vous, et laissez votre pudeur de côté. En ces temps difficiles, elle n’est pas utile : troquez-la plutôt pour un peu plus d’indulgence et de compassion envers vous-même.

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