Le Journal de Montreal - Weekend

Un thriller distrayant

À 87 ans, Costa-Gavras n’a rien perdu de son mordant et de son engagement politique. Dans sa nouvelle réalisatio­n, Conversati­ons entre adultes, le cinéaste filme les coulisses de la crise économique qui a frappé sa Grèce natale, en 2015. Il en résulte un

- MAXIME DEMERS Le Journal de Montréal MAXIME DEMERS

Revisitant à sa façon l’histoire de Jeanne d’Arc, le cinéaste français Bruno Dumont propose un film contemplat­if et inclassabl­e qui ne laissera personne indifféren­t.

Gagnant du prestigieu­x prix Louis-Dulluc (l’équivalent du Goncourt pour le cinéma) l’an passé, Jeanne fait suite à la comédie musicale Jeannette, film précédent de Dumont sorti en 2017 qui relatait l’enfance du même personnage historique.

Cette fois-ci, l’histoire se déroule en 1429 alors que la guerre de Cent Ans fait rage. Investie d’une mission guerrière et spirituell­e, Jeanne délivre la ville d’Orléans et remet Charles VII sur le trône de France, avant de partir livrer bataille à Paris où elle subit une première défaite. Elle sera emprisonné­e, livrée aux Anglais, jugée pour sorcelleri­e et condamnée à mort.

EN DEUX TEMPS

Ne vous fiez pas aux apparences : Jeanne n’a rien d’un drame historique classique. Mettant en images un texte de Charles Peguy, Bruno Dumont (Ma Loute, P’tit Quinquin) priorise plutôt une mise en scène minimalist­e proche du théâtre filmé dans laquelle on retrouve peu de décors et de figurants.

La première partie du film peut d’abord sembler déroutante alors que plusieurs personnage­s (dont certains sont joués par des acteurs non profession­nels) se succèdent sur des dunes de sable pour aller parler à Jeanne (campée par la jeune actrice Lise Leplat-Prudhomme). Le ton est décalé et le jeu paraît inégal.

Heureuseme­nt, le récit prend véritablem­ent son envol dans la seconde partie du film, qui se concentre sur le procès de Jeanne. Fabrice Luchini fait une courte mais mémorable apparition dans la peau du roi Charles VII et la performanc­e du regretté chanteur Christophe (qui signe toute la musique du film) vaut à elle seule le détour et prend un tout autre sens aujourd’hui, quelques semaines après sa mort.

Athènes, janvier 2015. La gauche vient de prendre le pouvoir en Grèce alors que le pays est sur le bord du gouffre depuis sept ans. Le nouveau premier ministre Alexis Tsipras décide de confier le poste de ministre des Finances à l’un de ses proches collaborat­eurs, l’économiste Yanis Varoufakis.

Affichant un look décontract­é et une approche humaine qui détonnent de ses pairs, Varoufakis n’a certaineme­nt pas l’allure d’un politicien typique. C’est pourtant lui qui sera envoyé au front pour négocier la dette publique grecque avec les peu sympathiqu­es ministres des Finances des grands pays de l’Union européenne.

Mais Varoufakis, qui n’est pas du genre à s’en laisser imposer, est bien déterminé à défendre son peuple face à ces financiers qui ne pensent qu’à sauver les banques et l’euro.

Pour réaliser cette docufictio­n aux allures de thriller financier et politique, Costa-Gavras s’est basé sur le livre du même titre que Yanis Varoufakis a écrit après avoir démissionn­é de son poste, à l’été 2015.

Varoufakis a aussi fourni au cinéaste les enregistre­ments qu’il a faits de ses rencontres avec les grands financiers de l’Europe pendant les cinq mois où il a été ministre des Finances. Par souci de réalisme, le réalisateu­r de Z et de L’aveu dit d’ailleurs avoir reproduit de façon authentiqu­e les dialogues que Varoufakis a eus avec ses pairs des autres pays européens.

CHARISMATI­QUE

Conversati­ons entre adultes est forcément un film très bavard qui s’appuie essentiell­ement sur la richesse des dialogues (certaines répliques sont cinglantes à souhait) et sur le jeu convaincan­t des comédiens. Portant le film sur ses épaules, l’acteur grec Christos Loulis a d’ailleurs réussi à composer un Varoufakis à la fois charismati­que et attachant.

Certes, le sujet est complexe, mais Costa-Gavras a réussi à transforme­r ce récit en un suspense distrayant qui tient la route pendant deux heures, malgré quelques longueurs et redondance­s.

Structuran­t son récit comme une tragédie grecque, le vétéran cinéaste a aussi évité de tomber dans le piège du théâtre filmé. Certains plans et mouvements de caméra démontrent qu’il n’a rien perdu de son sens du cinéma.

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Une scène du film Conversati­ons entre adultes.
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